Guerre commerciale

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Par Stéphane Déo Publié le 13 mai 2019 à 10h52
Croisance Chine Yen Guerre Monnaie
2,6%La devise chinoise s?est déjà dépréciée de 2,6% depuis ses plus hauts cette année

Alors que les « fuites » semblaient montrer il y a encore une semaine que les négociations sino-américaines s’acheminaient vers un accord, la nouvelle principale du weekend est l’escalade verbale entre les deux partis. La porte aux négociations reste ouverte, nous continuons à penser qu’un accord est in fine la solution la plus probable, mais la situation est particulièrement confuse. Une augmentation des tarifs douaniers changerait la donne ; cette fois elle toucherait directement le consommateur. L’impréparation des marchés pour un scénario adverse inquiète.

Escalade de la guerre commerciale

1.Les négociations : beaucoup de bruit et peu de visibilité

Alors que le secrétaire du Trésor Mnuchin nous avait dit vendredi que les discussions étaient « constructives » entre la Chine et les Etats-Unis, le weekend a fait place à une escalade verbale inquiétante.

Donald Trump souhaite un changement législatif en Chine pour entériner certaines composantes de l’écart mais la Chine a répondu que « personne ne devrait s’attendre à ce que la Chine avale un fruit amer et qu’elle prenne une décision qui nuise à ses intérêts ».

Et les menaces se sont donc accumulées des deux côtés. Entre autres : Donald Trump a demandé à Lighthizer, le représentant au Commerce, de mettre en place la procédure pour augmenter les tarifs sur les 300 milliards d’importations qui ont échappé aux hausses jusqu’à présent, la Chine a bien évidemment dit qu’elle répondrait par des mesures de rétorsion, et Donald Trump a tweeté ce weekend qu’il « adorait lever des gros tarif douaniers ». La Chine a clôt le weekend (mais pas le débat !) en publiant ses demandes sur les négociations qui incluent le retrait des tarifs.

Lumière au bout du tunnel : le vice-président chinois Liu He a annoncé que les négociations reprendraient à Pékin « bientôt », tout en parlant de contre-mesures. Kudlow nous dit d’ailleurs que la Chine a invité ce weekend Mnuchin et Lighthizer à négocier à Pékin. La porte est donc encore ouverte, du moins on l’espère.

Nous continuons à penser qu’un accord sera in fine trouvé, simplement parce qu’il n’est de l’intérêt d’aucune des deux partis de continuer une guerre commerciale. L’escalade du weekend doit néanmoins diminuer la conviction mais surtout il semble que nous soyons beaucoup plus loin d’un accord et d’un « happy ending » que nous ne le pensions il y a encore une semaine.

2. L’impact économique : le consommateur en première ligne cette fois-ci

Pour mémoire, il est utile de rappeler les simulations faites par l’OCDE sur l’augmentation des tarifs douaniers, le graphique ci-dessous, que nous avions déjà publié la semaine dernière, résume la situation pour plusieurs scénarios. L’impact est très significatif et pourrait faire perdre presque un point à la croissance mondiale.

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D’un point de vue économique l’impact de l’augmentation des taxes douanières sur 300 milliards d’importations supplémentaires aurait aussi un impact différent des précédentes hausses. A peu près 90% des taxes douanières levées le sont sur des produits intermédiaires qui servent donc dans la production de biens finaux aux Etats-Unis. C’est donc essentiellement un renchérissement des coûts de production pour les entreprises, en particulier pour les petites entreprises qui peuvent difficilement diversifier leurs fournisseurs. Une grande partie de ces coûts additionnels n’a pas été répercuté sur les produits finaux, il a été absorbé par les marges des entreprises.

Les importations non-encore taxées sont en revanche essentiellement des biens de consommation comme le montre le graphique ci-dessous. Les augmentations de tarifs vont donc passer beaucoup plus rapidement dans les prix de ventes finaux, le consommateur va être impacter beaucoup plus rapidement. Le consommateur est aussi l’électeur… Nuance de taille !

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3. Les marchés : pas préparés

D’un point de vue de marché, le risque principal est lié au fait que le scénario d’escalade n’était pas attendu et donc n’est pas du tout dans les prix. Les déclarations récentes, nombreuses, semblaient toutes montrer des progrès et une volonté d’arriver à un accord. Prendre en compte le scénario alternatif peut donc être particulièrement douloureux pour les marchés.

Que se passe-t-il ce matin ? Il faut rappeler qu’une partie des bourses asiatiques, Hong Kong notamment, sont fermées car on fête l’anniversaire de Bouddha. L’équipe de stratégie se joint bien sûr à Hong Kong pour souhaiter un merveilleux anniversaire à Monsieur Bouddha. Nous prenons donc comme référence l’indice Shanghai Shenzhen qui perd « seulement » 1,5% ce matin. On est pour l’instant loin du bain de sang, l’indice a tout de même cédé plus de 6% depuis une semaine

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A noter également que les futures sur les marchés américains baissent, là aussi cela reste modéré avec 1,0% à l’heure où nous écrivons. A noter, la baisse est d’une ampleur similaire à celle de Shenzhen. L’idée que les Etats-Unis sortiront vainqueurs n’est donc pas vraiment validée par les marchés. Loin de là.

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Dernier point, la devise. Une augmentation des tarifs peut être atténuée, ou annulée, par une dépréciation de la devise. En prenant comme étalon le cours le plus haut du CNY, 6,27 au début de l’année dernière, nous avons calculé le cours qui devait être atteint pour compenser différents scénario de hausse des tarifs douaniers. La devise chinoise s’est déjà dépréciée de 2,6% depuis ses plus hauts cette année 2019, dont 0,6% aujourd’hui. Les devises asiatiques étant de plus en plus liées à la devise chinoise, une dépréciation marquée, ce qui reste un scénario peu probable, serait une véritable onde de choc pour la région.

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Au total, la réaction du marché reste modérée à l’heure où nous écrivons.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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