La Chine a plus à perdre d’une guerre commerciale que les États-Unis

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Par Léon Cornelissen Publié le 11 juillet 2018 à 5h01
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@shutter - © Economie Matin
20%Les États-Unis ont menacé d'appliquer une taxe de 20% sur les importations de voitures européennes.

La guerre commerciale s'intensifie avec les droits de douane imposés par Donald Trump sur les produits chinois. La capacité de la Chine à riposter avec le même effet est plus limitée. La dépréciation du yuan, les sorties de capitaux et le marché baissier suscitent des inquiétudes.

Le 6 juillet 2018, le président américain Donald Trump a annoncé l'application de droits de douane à hauteur de 25% sur 34 milliards de dollars d'importations chinoises, allant des machines aux composants électroniques. La Chine a riposté dans une même mesure, ciblant les produits agricoles tels que le soja pour porter atteinte aux États qui soutiennent Donald Trump, dans l'objectif d'influencer les élections de mi-mandat au Congrès prévues en novembre.

Ces tarifs douaniers restent insignifiants sur le plan macroéconomique, soit 0,1% du PIB pour les deux pays. Toutefois, les États-Unis ont déjà annoncé qu'en cas de représailles de la Chine, ils riposteraient à leur tour, risquant ainsi de déclencher une guerre commerciale à l'échelle mondiale. Donald Trump a menacé d'étendre les droits de douane à quasiment l'ensemble du commerce chinois avec les États-Unis, ce qui représente actuellement environ 500 milliards de dollars.

La Chine n'est, pour sa part, pas en mesure de fournir une riposte de la même ampleur, les importations provenant des États-Unis étant beaucoup plus faibles en termes absolus. La réponse chinoise consistera alors probablement à aggraver les tensions en faisant la vie dure aux entreprises américaines en Chine. En anticipation de cette intensification de la guerre commerciale, la Chine a autorisé une dépréciation du yuan de plus de 3%.

Des craintes liées aux sorties de capitaux

Le fait que les autorités chinoises pensent pouvoir facilement compenser les tarifs douaniers de 25% grâce à la dépréciation du yuan constitue un avertissement. Nous ne prévoyons pas de nouvelle dépréciation, car cela ne serait pas dans l'intérêt économique de la Chine.

Les sorties de capitaux pourraient aisément s’intensifier si la nervosité quant à l’évolution du taux de change s’accroît, ce qui pourrait contraindre à procéder à un durcissement monétaire (c'est-à-dire des taux d'intérêt plus élevés) et des contrôles des capitaux plus stricts. Ceci va à l’encontre de la volonté des autorités chinoises de libérer leur compte de capitaux et d'internationaliser le yuan. De nouvelles pressions exercées dans ce domaine constitueraient un pas en arrière.

Par ailleurs, l'économie chinoise est affaiblie par des mesures de resserrement sur les marchés du crédit. Toute hausse des taux d'intérêt visant à un durcissement des conditions monétaires serait par conséquent contre-productive. L'économie de la Chine a davantage besoin d'un assouplissement monétaire. Le marché est en outre d'avis que les actions chinoises sont déjà entrées dans un marché baissier sur fond de craintes d'un recul de la croissance.

Pour le moment, il semble donc que la Chine soit le principal perdant dans ce conflit, alors que les chiffres pour juillet ont montré que l'économie américaine s'était renforcée, comme en témoigne la hausse enregistrée tant pour les chiffres de l'indice ISM manufacturier que non manufacturier. Entre-temps, le marché actions américain a à peine réagi à la rhétorique de guerre commerciale étant donné son impact très limité sur les États-Unis.

Un plan plus vaste

Une guerre commerciale pourrait également faire partie d'un plan plus vaste visant à limiter la puissance de la Chine sur la scène internationale. Certaines personnes au sein de l'administration américaine craignent la position de plus en plus dominante de la Chine en matière de technologies, et elles veulent contrer l'ambition du plan « Made in China 2025 », dont l'objectif est d'assurer d'ici cette date une domination mondiale du pays dans les secteurs technologiques clés.

Ces personnes souhaitent par tous les moyens ralentir la montée en puissance de la Chine. Il y a en effet d'autres façons d'y parvenir en dehors des droits de douane, par exemple en empêchant les investissements chinois dans certains secteurs de l'économie américaine considérés comme étant d'une importance stratégique, en limitant les visas pour les étudiants chinois etc.

Néanmoins, un inconvénient subsiste pour les États-Unis. Si les effets directs des droits de douane imposés par la Chine sont limités sur les marchandises américaines, il pourrait toutefois y avoir des effets indirects plus difficiles à mesurer, dont une inflation un peu plus élevée, une croissance plus faible et le risque d'entamer la confiance des producteurs.

Certaines entreprises ont déjà indiqué à la Fed qu'elles reportaient leurs décisions d'investissement. De plus, ces droits de douane peuvent nuire aux chaînes d’approvisionnement mondiales d'une façon difficilement prévisible, ce qui pourrait se retourner contre les États-Unis.

Un deuxième front avec l'UE

Parallèlement, un deuxième front s'ouvre contre l'Union européenne. Après l'annonce des droits de douane de Donald Trump sur l'acier et l'aluminium produits par l'UE, la Chine et le Canada, ces pays ont riposté par des tarifs douaniers sur les produits américains. À leur tour, les États-Unis ont maintenant menacé d'appliquer une taxe de 20% sur les importations de voitures européennes, après que Donald Trump se soit plaint de voir circuler trop de BMW et de Mercedes dans Manhattan. Cette mesure ne fonctionnant pas non plus à sens unique, le fabricant américain de motos de la marque emblématique Harley-Davidson a répondu en indiquant son intention d'accroître la production en Europe pour échapper à l'augmentation des coûts.

Étant donné la grande incertitude qu'entraîne cette situation, nous sommes passés de surpondérés à neutres sur les actions, en ce qui concerne ses fonds multi-actifs. Nous avons également une position sous-pondérée sur les marchés émergents par rapport aux actions des marchés développés. Il se peut néanmoins qu'il y ait un aspect positif.

En effet, un recul de l'optimisme des investisseurs dû à une guerre commerciale pourrait paradoxalement être favorable aux obligations du Trésor américain et au dollar, qui constituent généralement des valeurs refuges. Cela pourrait même profiter au marché actions américain, qui est également considéré comme un marché relativement (plus) sûr pour les actions. Cette situation crée ainsi une sorte d'incitation perverse pour les États-Unis.

Donald Trump a montré qu'il était sensible aux pressions sur le marché actions, ce qui devrait au moins contribuer à rassurer les investisseurs en cas de baisse.

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Léon Cornelissen est économiste en chef de ROBECO.

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