L’immigration, les communautarismes et la nation

Par Bertrand de Kermel Publié le 1 septembre 2015 à 5h00
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64 00064 000 demandes d'asiles ont été accordées en France l'an dernier.

Le Président de la République a rencontré Angela Merkel le 24 août pour évoquer le grave problème de l’immigration de masse en Europe. Ils ont conclu à la nécessité de mettre en œuvre un système unifié de droit d'asile ainsi qu'une politique migratoire commune avec des règles communes. Selon eux, le phénomène actuel d’immigration de masse est une situation exceptionnelle, mais elle va durer.

Si on se rend sur les réseaux sociaux notamment Facebook, on s’aperçoit que ce sujet enflamme de très nombreux internautes et que la pression monte, avec son cortège d’excès et d’amalgames. Les arrières pensées politiques ne sont pas absentes… En Allemagne, le phénomène de violence a démarré.

Alors que faire ?

Rappelons-nous d’abord que la boucherie innommable de 14 – 18 a été rendue possible parce que les deux peuples, français et allemands avaient été «chauffés à blanc », à tel point qu’ils rêvaient d’en découdre. Cent ans plus tard, lors des commémorations, les deux peuples ont déclaré : «plus jamais ça». Ne recommençons pas les mêmes erreurs. Or, c’est ce que nous commençons à faire sur les forums et sur les réseaux sociaux.

Stop. Le Président de la République doit calmer le jeu immédiatement

C’est très bien de réclamer une politique migratoire commune avec des règles communes, mais il serait mieux d’en dire davantage. Et puisque nous sommes dans une situation exceptionnelle qui va durer, il est urgentissime, au moins en France, de définir en politique précise sur notre situation sociologique d’aujourd’hui. Pour cela le Président dispose notamment d’un rapport du Haut Conseil à l’Intégration daté de 2012 qui est lumineux. On peut l’approuver ou le combattre. Il constitue de toute façon la base de la réflexion.

Que nous dit ce rapport ? ?

En substance, il nous dit que si la France n'a pas abandonné son modèle républicain, elle l'a fragilisé en donnant une dimension excessive à la notion de diversité culturelle, au détriment de l'intégration. En procédant de la sorte, elle s’est rapprochée du modèle anglo-saxon qui est symbolisée en France par la montée des revendications de statistiques ethniques, de quotas etc.

Reconnaissons qu’aujourd’hui, c’est tout et n’importe quoi sans aucun fil directeur : les piscines, le sport à l’école, la viande, les cantines, le voile, la burqua, la charia, le sexe du médecin qui soigne des musulmanes, les prières dans la rue et les critiques sur les constructions de mosquées (tant pis pour les contradictions !) etc… Quelle est la politique de la France, quel est son fil rouge ? Nul ne le sait. Du coup par coup, des décisions de circonstances, des rodomontades. Des responsables sur place qui se débrouillent comme ils peuvent, face à des situations quasi impossibles à résoudre à leur seul niveau. On a même vu une épicerie réservée aux femmes à certaines heures, le tout en contradiction avec nos principes constitutionnels !

Il est nécessaire d’ici fin septembre de mettre en place en Europe une politique migratoire commune avec des règles communes, et, pour la France de se doter d’une politique claire d’intégration, connue de tous, appliquée avec une main de fer mais dans un gant de velours.

Il faut placer le curseur entre l’intégration pure et dure qui a souvent été trop brutale, et le communautarisme naïf et non réfléchi, qui sape l’unité nationale. Ensuite, il faut s’y tenir. D’où la nécessité d’un consensus très large du peuple sur cette politique, et le gant de velours pour appliquer cette politique dans le respect des personnes.

Pour ne pas être aveugle, la Loi doit également tracer les limites de l’application du principe de subsidiarité, et les conditions de sa mise en œuvre. Les responsables locaux doivent avoir les moyens de dire non, sans subir des pressions intolérables. Ils doivent aussi disposer de marge de manœuvre s’ils le souhaitent.

Enfin, la Loi doit préciser dans son exposé des motifs les résultats attendus, et les outils de contrôle de ces résultats. Elle doit avoir une durée de vie courte, ce qui obligera gouvernement et parlement à lire les bilans, et à corriger la Loi à intervalles réguliers, jusqu’à ce que les résultats attendus soient au rendez-vous. C’est aussi la seule façon d’éviter les polémiques stériles avec l’opposition du moment, ou les arrière pensées électorales qui nous font tant de mal. Il faut enfin intégrer fréquemment les nouvelles données du terrorisme. ?

Nous jouons l'avenir de la France. Nous sommes là typiquement devant un sujet qui relève du pilier sociétal du développement durable, avec comme enjeu la démocratie, la gouvernance du pays et la paix. Cela signifie que pratiquement tous les ministères devraient apporter une contribution à cette réflexion. ?

Cessons de nous exciter à chaque problème d’actualité, même s’il est réel, et examinons la situation calmement. Si nous ne le faisons pas, nos rodomontades n’y changeront rien, la vague nous submergera, et nous l’aurons mérité. ?Le rapport du Haut Conseil à l'Intégration de 2012, peut-être consulté ici .

Et pour terminer, ajoutons que si les peuples réagissent aussi violemment, cela vient aussi du fait que ce sujet n’est pas le seul qui soit préoccupant. Au plan économique, nos dirigeants politiques (nationaux et européens) n’ont de cesse de confier les clés de nos démocraties au monde des marchands. Les négociations sur le commerce mondial (et notamment les systèmes de justice privée réservés aux plus riches de la planète) sont l’instrument privilégié de cette politique. A tel point que certains se demandent si les concepts de Nation et de souveraineté ne sont pas démodés, puisque le business mondial fonctionne très bien (même mieux) avec des dictatures.

Le livre de CARROLL QUIGLEY : « Histoire secrète de l’oligarchie anglo américaine » est à cet égard impressionnant.

Beaux sujets pour la campagne de 2017. Aurons-nous les Hommes de qualité pour redresser intelligemment ce qui doit l’être et nous éviter ainsi le chaos ?

Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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