Les dépenses d’optique dans le viseur du gouvernement

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Par Rédaction Publié le 16 décembre 2013 à 21h42

Après l’étude de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, parue en avril dernier, après le rapport de la Cour des Comptes publié à la rentrée suggérant le déremboursement des frais d’optique, le gouvernement vient de raviver les polémiques sur le coût de l’optique en France, lors de la seconde lecture du projet de loi sur la consommation à l’Assemblée.

Porteur de ce projet de loi devant l’Assemblée, Benoit Hamon, Ministre délégué à la consommation, connait pourtant bien le monde de l’optique. Reçu au sein de l’usine de production de lunettes de la chaine coopérative Optic 2000, à Clamart, le jour de la publication du rapport de la Cour des Comptes, il avait d’une part apporté à cette occasion son soutien au modèle coopératif porté par l’enseigne, mais il avait surtout pris position contre l’idée d’un déremboursement des frais d’optique suggéré par ledit rapport des sages de la rue Cambon. Il s’était de même présenté début novembre aux côtés de Didier Papaz, président d’Optic 2000, lors du lancement du mois de l’Economie Sociale et Solidaire.

Après s'être fait le chantre de l'économie solidaire et le champion des coopératives, les professionnels de l’optique déplorent que le ministre tire à boulets rouges sur une filière optique dont près de la moitié du marché est basé sur ce modèle d'entreprise. Tous s’interrogent sur les raisons de ce revirement du ministre, fin connaisseur du secteur et de ses vulnérabilités, et vont jusqu’à se demander si « le gouvernement ne veut pas la peau des opticiens ».

Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que le Président d’Optic 2000 ait été le premier à réagir à la proposition du ministre délégué à la consommation d’inclure, dans le projet de loi sur la consommation, un amendement autorisant la délivrance de lunettes en ligne. Dans un communiqué de presse, Didier Papaz, s’inquiète des dommages économiques qu’une telle mesure ferait peser sur le secteur de l’optique : « sur un secteur qui emploie environ 100 000 personnes et qui pèse 6 milliards d'euros, de telles mesures provoqueront à court terme une baisse d'au moins 15 % du marché et mécaniquement la perte d'au moins 16 000 emplois ».

Mais l’essentiel de ses préoccupations porte surtout sur la qualité des soins en optique, que ne permet pas la vente en ligne. Sur Internet, pas d'essais, pas de réglages, pas de vérification que le verre est le bon.

Didier Papaz n’est pas le seul à se tenir vent debout contre cette suggestion du ministre délégué. Jean-Pierre Champion, directeur général de Krys Group s’inquiète de la même façon pour la qualité des prestations proposées en ligne. Ils insistent tous les deux sur le fait que la vente de verres et de lentilles « relève de la santé oculaire, on ne saurait l'assimiler à un produit de grande consommation ».

Mais ils s’interrogent également sur les sources du ministre qui évoque un gain de pouvoir d’achat pour les consommateurs de près d’un milliard d’euros. Au sein d’un secteur avec un chiffre d’affaires global de six milliards d’euros, une telle bascule suppose le transfert de plus de 15 % des achats vers la vente en ligne. Or, toujours selon le DG de Krys Group, dans les pays où cette désintermédiation existe, notamment en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, les ventes sur Internet n’ont jamais dépassés 3 % du total. Le milliard d’économies invoqué pour bouleverser le secteur de l’optique pourrait ainsi être très largement surestimé. Tout cela « relève de l’amateurisme », insiste Jean-Pierre Champion dans un interview au Monde.

Ce ne serait pas la première fois que des décisions politiques sont prises sur la base de chiffres et d’études erronées. Le rapport de l’UFC Que Choisir était déjà montré du doigt pour entretenir une certaine confusion entre marge brutes et marges nettes.

Aujourd’hui, le Syndicat des Opticiens Entrepreneurs dénonce de nouveaux errements : « il est particulièrement révoltant de constater qu'au prétexte de supposées économies - non démontrées par ailleurs - le Gouvernement est prêt à sacrifier la sécurité sanitaire des Français en ce qui concerne l'accès à un équipement optique ». Il ajoute que « l'absence totale de concertation du Gouvernement avec la filière optique témoigne du peu d'estime et de considération que les pouvoirs publics ont à l'égard du métier d'opticien, et de la méconnaissance de son exercice au quotidien ». Les visites de Benoit Hamon chez plusieurs acteurs du secteur laissaient pourtant augurer du contraire.

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