Mairie de Paris contre Airbnb : menace sur l’économie du partage

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Par Thibault Martin Publié le 21 avril 2018 à 5h00
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2007Airbnb a été créé en 2007.

En sanctionnant depuis quelques mois les propriétaires et les plateformes de logements collaboratifs, la Mairie de Paris mène une véritable chasse aux sorcières.

Dans ce contexte, il est bon de se pencher sur l’histoire de ce combat afin d’appréhender au mieux les enjeux des principaux opposants. Plusieurs questions sont à mettre en exergue. En quoi une réglementation trop incisive à l’égard d’Airbnb pourrait entacher les fondements même de l’économie de partage ? Quels intérêts incitent la Mairie de Paris à sanctionner avec sévérité les acteurs de ce marché ? Qui utilise cette plateforme à mauvais escient, au détriment des vrais utilisateurs ?

La genèse d’Airbnb : un concept novateur

Créé en 2007 à San Francisco, Airbnb a révolutionné le marché de l’habitat et du tourisme. Synonyme de flexibilité et de prix réduits, la plateforme a rapidement envahi le marché français. Dès 2008, le géant américain s’est implanté en France, et peu de temps après Paris devenait la première « ville Airbnb ». L’offre y est nombreuse et ce type d’hébergement entre en concurrence avec les hôtels classiques.

Les premières régulations

Les gouvernements ont alors été obligés de mettre en place les premières régulations. Depuis 2014, la réforme de la loi ALUR, réglementait encore plus la location meublée saisonnière. Et c’est en 2016, la loi pour une République Numérique limite le nombre de jours autorisés de location à 120 jours par an pour les résidences principales. Ce texte interdit également la mise en location courte durée des résidences secondaires. La volonté de Paris est de régler le problème du logement en contrôlant les locations en courte durée. En fin d’année 2017, la loi obligeait les parisiens louant un meublé touristique à s’inscrire auprès de leur Mairie afin d’obtenir un numéro d’enregistrement. Ce principe s’est ensuite généralisé à d’autres grandes villes, où le marché immobilier est également saturé. Ces démarches visent à empêcher les abus et à contrôler le nombre de jours autorisés.

Des abus au mécontentement des pouvoirs publics

Des abus entachent la vraie mission d’Airbnb : proposer simplement son appartement durant son absence. Cette vision du service offert, oblige les pouvoirs publics, et notamment la Maire de Paris, à se montrer intransigeants. Les sanctions sont obligatoires et nécessaires, mais il ne faut pas punir tous les acteurs en sacrifiant les bienfaits de ce type de plateforme.

Le réel problème du logement repose sur le manque de mise en application de la loi déjà effective : il est interdit de louer en location courte durée une résidence secondaire. Or, aujourd'hui, bon nombre de propriétaires outrepassent cette loi. Les propriétaires, appâtés par les gains économiques, ont ôté du marché leurs logements. Ils réduisent ainsi drastiquement la location longue durée. Lors de l'émergence des plateformes de location saisonnière, les multi-propriétaires se sont désengagés de la location longue durée. Une collaboration entre Airbnb et la Mairie de Paris en 2016 annonçait la mise en place de mesures intelligentes visant à limiter les excès. Cependant, le constat actuel montre bien l’entente difficile entre ces deux entités.

Airbnb, bouc-émissaire de la Mairie de Paris

Malgré les nombreuses tentatives d’Airbnb pour trouver un terrain d’entente avec la Mairie de Paris, cette dernière vient d’assigner Airbnb en justice. Ce nouveau rebondissement intervient après que de vives négociations eurent lieu entre les deux acteurs… sans succès. Ian Brossat, Adjoint au Logement semble donc être passé à la vitesse supérieure et tend bien à un respect strict des lois.

A cela, l’entreprise américaine répond, dans une volonté non dissimulée d’apaisement : « Nous encourageons Paris à suivre le chemin d’autres villes comme Londres, Berlin et Barcelone, avec lesquelles nous avons travaillé efficacement à des mesures de bon sens pour promouvoir une location meublée touristique responsable et empêcher les abus ».

Si Airbnb indique simplement à ses utilisateurs l’obligation de s’enregistrer auprès de la Mairie, d’autres entreprises ont déjà pris le pas de ces réglementations. Le combat mené à l’encontre de la plateforme est regrettable, cela dessert les jeunes dont la mobilité, primordiale, est limitée par un alourdissement des démarches. Chez Smartrenting, on pense que la loi devrait faire du logement une opportunité à la mobilité et non une contrainte. En effet, en reversant l’intégralité du loyer des locataires (et d’un revenu garanti dans le cas des propriétaires), notre volonté est de permettre aux jeunes et principalement aux étudiants de réaliser leurs projets de voyage librement. Pour cela, nous enregistrons chacune de ses locations auprès de la Mairie.

Pourquoi une collaboration est essentielle ?

Les pouvoirs publics ont intérêt à encourager les personnes mobiles à louer leur appartement puisqu'ils récupèrent ainsi la taxe de séjour des voyageurs et les revenus fonciers tirés des réservations sur les plateformes courte durée. Le tourisme représente une manne financière non négligeable dans le PIB. De plus, le touriste moderne ne recherche plus le même service qu'il y a 30 ans : un appartement convivial, synonyme d'indépendance et de frais réduits est le graal tant convoité par les voyageurs. Les services tels qu'Airbnb répondent à un besoin que les acteurs plus classiques n'ont pas su prendre en charge. Par ailleurs, le nombre de chambres d'hôtel ne s'est que très peu accru sur les 20 dernières années, ne permettant donc pas de répondre à une demande toujours plus croissante. Les logements vacants sont un moyen intelligent d'accroître la capacité d'accueil des villes touristiques françaises.

La promesse du partage finira-t-elle pas disparaitre ?

La promesse d’Airbnb était belle et risque pourtant d’être endommagée par des contrôles omniprésents et des sanctions exemplaires à l’encontre de l’entreprise américaine. Véritable vecteur de mobilité, elle permet aux jeunes de voyager sans contrainte : il est aisé de trouver un logement correspondant à son budget et aussi de proposer son propre logement durant son absence, permettant ainsi de réduire ses frais de voyage. A terme, brider à outrance pourrait affaiblir considérablement la plateforme voire même l’économie du partage et ses bienfaits. L’origine même de ce nouveau phénomène repose sur la transparence et la mise en relation simplifiée entre particuliers. Alourdir ces relations et rajouter trop de démarches administratives va à l’encontre du principe même d’économie collaborative. Airbnb est né sur des valeurs de cohésion et de partage qui ne doivent pas être entachées par une réglementation trop stricte.

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Thibault Martin est fondateur de Smartrenting, une agence de gestion locative spécialisée dans la sous-location.

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