De ces lendemains qui ne chantent pas comme c’était attendu !

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Par Hervé Goulletquer Publié le 18 novembre 2020 à 13h23
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60%L'immunité collective est atteinte dès lors que 60% de la population est vaccinée.

Le vaccin arrive ; tant mieux. Les gens et les économies vont être sauvés. Les marchés participent à ce retour de l’optimisme. Mais cela va-t-il se produire partout et en même temps ? Le « chacun pour soi » qui paraît se mettre en place n’envoie pas une réponse spontanément positive ; au risque d’entraver le retour à meilleure fortune tant espéré.

Et puis, le plus court terme apporte son lot de difficultés. Sans doute doit-on se préparer à des mois de novembre et de décembre moins bons sur le front de l’économie américaine.

La perspective de l’arrivée de plusieurs vaccins contre la COVID-19 apparaît bien comme porteuse d’une inflexion sur le double front des marchés financiers et de l’économie. Sur fond de velléités haussières des taux longs, potentiellement entravées par l’idée qu’on se fait d’un interventionnisme non démenti des banques centrales, le style value en bourse poursuit son relèvement de tête par rapport au style growth. Même si cela ne se voit pas encore vraiment dans les chiffres du consensus, la croissance du PIB devrait aller crescendo le long des trimestres de 2021.

En ira-t-il de même des relations internationales, avec les implications économiques qui en résulteraient ? Va-t-on vers davantage de concorde et d’efficacité ? Ce n’est pas certain du tout. Pour comprendre ce qui est peut-être en train de se passer, il est nécessaire de comparer ce qui se déroule sous nos yeux par rapport à ce qui est prévu. La réalité du moment : nombre de pays, souvent parmi les plus riches, se précipitent pour commander, auprès des laboratoires pharmaceutiques les plus avancés dans la mise au point d’un vaccin, des lots en grande quantité ; il ne s’agirait que la situation économique se dégrade et que des tensions politiques apparaissent au titre d’un manque de prévoyance des pouvoirs publics ! Pourtant un montage bien plus « œcuménique » avait été prévu sous l’égide de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Plus de 180 pays, représentant les deux tiers de la population mondiale sont tombés d’accord sur un certain nombre de bonnes pratiques en matière d’accès au(x) vaccin(s). Je comprends que l’engagement a une valeur juridique en droit international. Les 94 pays avancés paieront les doses achetés et les 92 pays en développement les recevront gratuitement. La distribution se fera en respectant une règle de proportionnalité par rapport à la taille des populations. Il faudra commencer par vacciner les 3% de la population les plus à risque dans chaque pays (avant tout les personnels soignants et les travailleurs sociaux), puis les personnes âgées et malades. L’objectif à atteindre est de couvrir 20% de la population.

Les bonnes pratiques, prévues par ce bel ordonnancement, paraissent donc mal engagées. Le refus de l’Amérique de Donald Trump de s’engager (la Chine de Xi Jiping l’a fait, même si c’est tardivement) était-il depuis le début le « vers dans le fruit » ? Peut-être. Dans tous les cas, comment ne pas constater que face à une crise sanitaire mondiale, les réflexes du chacun pour soi ont la vie dure ? Pourtant, si le monde doit rester un espace ouvert, il est nécessaire de juguler l’épidémie au même rythme aux quatre coins du globe. Au risque sinon que le virus ne circule jusqu’à ce qu’une large partie de la population de tous les pays soit immunisée. Ce qui devrait prendre un certain temps. Si on croit aux mérites de la globalisation, il faut alors apprendre à gérer les problèmes au bon niveau. Face à une crise « sans frontières », la réponse doit être internationale. Au risque sinon de ne pas être complète et donc de ne pas être pleinement efficace. Attention aux lendemains qui pourraient chanter un peu faux !

Changeons de sujet et parlons perspectives économiques de court terme. Il y a un paradoxe américain un peu embarrassant. Les indicateurs économiques restent favorables, même si on sent poindre une certaine perte de dynamisme de la consommation. Dans le même temps, les indicateurs, pour ce qui concerne l’évolution de l’épidémie, se dégradent rapidement. Les quelques graphiques suivants racontent cette double histoire.

Que se passe-t-il ? Il y a évidemment un classique décalage temporel. Les chiffres de la maladie sont un peu en avance sur ceux de l’économie. Ce n’est cependant qu’une partie de l’explication. Les Etats-Unis paraissent avoir du mal à prendre les mesures de restriction, nécessaires à une moindre circulation du virus. Ils devront pourtant s’y résoudre. Il faut se préparer à des chiffres d’activité moins bons sur les mois de novembre et de décembre. Peut-être aussi sur ceux du début de l’année prochaine. Le passé récent ne doit pas toujours être extrapolé !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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