Chute moins forte que prévu du PIB français en 2020

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Par Charlotte de Montpellier Modifié le 29 janvier 2021 à 11h30
Plan De Relance Economie France
8,3%La récession en France a été de 8,3% en 2020.

En France, en affichant -1.3% t/t, le PIB a moins reculé que prévu au quatrième trimestre, malgré le confinement. La grande question est maintenant de savoir si la France parviendra à éviter une deuxième récession en 15 mois. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, rien n'est moins sûr.

Une diminution, mais moins forte que prévu

Grande surprise pour le PIB français. Selon l'INSEE, le PIB a reculé de 1,3% t/t au quatrième trimestre 2020, après la hausse légèrement revue de 18.5% au troisième trimestre. Si le confinement de novembre et le couvre-feu mis en place en octobre et décembre ont pesé sur l'activité économique, la diminution du PIB est bien moins forte que celle attendue par le consensus (-4% t/t), mais aussi celle estimée par l'INSEE elle-même, la Banque de France et le gouvernement. Les indicateurs mensuels d'activité semblent tous avoir surestimé la baisse d'activité causée par les mesures restrictives au quatrième trimestre. Par rapport au quatrième trimestre 2019, le PIB français a chuté de 5%. Sur l'ensemble de l'année 2020, la chute moyenne de l'activité s'établit donc à 8.3%, contre une estimation précédente de 9%. Cette diminution est dramatique, car c'est la plus forte récession en France depuis la seconde guerre mondiale, mais la perte d'activité sur l'année a été in fine moins forte que prévu. Cela permet de commencer l'année 2021 avec un effet de base négatif moins important, ce qui va conduire, paradoxalement, à revoir à la hausse les perspectives pour 2021, et ce malgré la détérioration du contexte sanitaire.

Les données publiées ce matin pour les autres pays de la zone euro indiquent que la situation dans les autres pays a également été meilleure qu'anticipée au quatrième trimestre. En particulier, le PIB espagnol a augmenté de 0.4% t/t, alors qu'une baisse était attendue. Le PIB allemand a lui aussi évité la diminution, en augmentant de 0.1%. Les chiffres pour la France, l'Espagne et l'Allemagne impliquent que les chiffres pour l'ensemble de la zone euro, qui seront publiés la semaine prochaine, seront probablement meilleurs que prévus. Cela n'empêche que la France est l'un des pays européens à avoir expérimenter la plus forte baisse de son PIB au quatrième trimestre. En conséquent, la contraction 2020 du PIB français restera plus importante que celle de la moyenne de la zone euro. Si cela implique que la croissance sera mécaniquement plus dynamique en France que dans les autres pays en 2021, il n'y a pas vraiment de quoi se réjouir. En termes de niveau d'activité, 2021 commence plus mal en France qu'ailleurs en Europe, et notamment en Allemagne, malgré le confinement strict actuellement en vigueur outre-Rhin.

La consommation plombée, les investissements et les exportations se portent bien

Sur le quatrième trimestre, la baisse d'activité a été, dans des proportions attendues, causée principalement par une baisse de la consommation des ménages (-5.4% t/t au Q4 contre +18.2% au Q3). La consommation des ménages se trouvent désormais bien plus loin de son niveau d'avant crise (-6.8% par rapport au quatrième trimestre 2019) qu'à la fin du troisième trimestre (-1.1%).

La bonne surprise vient des investissements des entreprises qui se sont très bien maintenus, en augmentant de 2.4% sur le trimestre contre 24% au troisième trimestre. Sur un an, la chute de la formation brute de capitale n'est que de 3.2%, donc moindre que la chute du PIB. Cette donnée à elle toute seule montre à quel point la crise actuelle est différente de toutes les crises précédentes. D'habitude, lors d'une crise, les investissements sont la première variable d'ajustement des entreprises et tendent à se réduire bien davantage que le PIB. La crise de 2020 n'a pas conduit à ce phénomène, probablement car les entreprises ont commencé l'année en relativement bonne santé financière et que le canal des crédits ne s'est pas interrompu, contrairement à 2008-2009.

Les exportations ont également contribué favorablement à l'activité économique au Q4, en augmentant de 4.8% sur un trimestre, après la hausse de 21.9% au Q3. Sur un an, les exportations restent en baisse de 11%, le choc du premier semestre 2020 n'ayant pas encore pu être absorbé. Ce redressement continu du commerce extérieur peut probablement être en partie imputé au Brexit et au fait que de nombreuses entreprises ont anticipé la fin de la période de transition en augmentant leurs exportations et importations au Q4. La contribution positive des stocks au PIB (+0.4) en est probablement aussi au moins en partie l'illustration. A l'inverse, le Brexit risque d'avoir un effet négatif au Q1.

Des perspectives détériorées à court terme

Au-delà des chiffres du quatrième trimestre, force est de constater que l'incertitude règne pour les perspectives du début de 2021. La grande question est désormais de savoir si la France va parvenir à éviter une nouvelle diminution de son PIB au premier trimestre 2021, ce qui impliquerait une seconde récession en 15 mois. Et, encore une fois, les indicateurs économiques habituels ne sont pas d'une grande aide pour répondre à cette question importante. Tout dépendra des décisions prises par le gouvernement sur les mesures restrictives à mettre en place pour lutter contre la pandémie. Les annonces devraient intervenir ce week-end.

Ce qui est clair à ce stade est que la pandémie est loin d'être sous-contrôle et que les mesures actuelles (dont principalement le couvre-feu à 18h) ne semblent plus suffire plus pour lutter contre la propagation de la maladie. Des nouvelles mesures restrictives sont donc attendues. La forme que ces nouvelles mesures prendront influencera directement les perspectives économiques à court terme pour la France :

  • Si les mesures restent limitées et ciblées, une stagnation ou une légère hausse du PIB au premier trimestre par rapport au quatrième trimestre est envisageable.
  • Un nouveau confinement en février avec fermeture des commerces comme en novembre pourrait conduire l'activité économique en France à descendre jusqu'à 12% en dessous de son niveau d'avant crise, après un niveau estimé 7% en dessous d'avant la crise en janvier. Compte tenu des progrès très lents de la campagne de vaccination, un relâchement important des restrictions ne peut être attendu pour le mois de mars. Nous attendons, au mieux, une situation similaire en mars que celle qui prévalait en janvier. Cela implique que la croissance du PIB pourrait à nouveau être négative au premier trimestre, qui pourrait aller jusqu'à -1,5% en glissement trimestriel.
  • Avec les nouveaux variants du Covid, la fermeture des écoles restent une possibilité, même si le gouvernement français continue de marteler que cette décision ne sera prise qu'en dernier recours. D'un point de vue économique, une telle fermeture coûterait très cher en causant probablement une chute d'activité de l'ordre de 5% à elle toute seule (par rapport au niveau d'avant crise), notamment en raison de la perte de productivité engendrée. Dès lors, une fermeture des écoles pour un mois, en plus de celle des commerces engendrerait une diminution de l'activité économique en France de près de 17% par rapport à avant la crise sur le mois de février. Dans un tel scénario, le PIB pourrait s'effondrer davantage qu'au quatrième trimestre, probablement jusqu'à -3% sur un trimestre. Cela mettrait la France dans une position bien plus défavorable que les autres pays de la zone euro qui n'ont pas vécu un choc de la même ampleur à l'automne.

Le meilleur reste à venir

Au-delà de ces sombres perspectives à court terme, les perspectives de moyen terme sont plus optimistes. La campagne de vaccination et le retour des beaux jours devraient permettre un relâchement progressif des restrictions sanitaires au deuxième trimestre. Nous estimons que ce relâchement devrait engendrer un fort rebond de la consommation, comme cela avait été observé au troisième trimestre 2020. Le surplus d'épargne des ménages français est estimé par la Banque de France à 130 milliards d'euros en 2020 par rapport à un scénario sans pandémie. Et ce surplus continue de grossir compte tenu des restrictions actuelles qui empêchent une partie de la consommation. Une fois les restrictions levées, une part de cette épargne devrait pouvoir aider la consommation à rebondir, même si, bien entendu, l'épargne de précaution devrait rester importante. Une reprise des activités touristiques en Europe devrait aussi booster l'activité cet été. Notons également que les secteurs industriels et de la construction ne sont que très peu affectés par les mesures restrictives mises en place depuis novembre, ce qui leur permet de bien mieux performer que le secteur des services. Et ces secteurs pourraient bénéficier d'une reprise synchronisée de l'économie mondiale dès le printemps. Si l'on souligne encore le soutien important de la politique budgétaire et fiscale attendu pour l'ensemble de 2021, ainsi que celui de la politique monétaire, les conditions sont réunies pour une amélioration notoire des perspectives une fois la pandémie sous contrôle. Néanmoins, le rebond solide n'effacera pas le début d'année catastrophique. Et, au plus le temps nécessaire à contrôler la pandémie est long, au plus les conséquences économiques sont importantes.

Malgré tout, grâce aux chiffres meilleurs que prévus en 2020, l'objectif du gouvernement d'atteindre 6% de croissance en 2021 est toujours atteignable, même si très difficile. Nous estimons qu'une prévision de l'ordre de 4 à 5% pour 2021 est plus réaliste. Dans ce contexte, il est clair qu'une partie de la reprise économique aura lieu en 2022. Il faudra attendre le courant 2023 pour revenir au niveau d'activité qui prévalait avant la pandémie.

Fotograaf: Duco De Vries Www.ducodevries.nl 06 22329270 Duco@ducodevries.nl

En tant que macroéconomiste chez ING depuis février 2018 dans le département belge de Recherches Économiques, Charlotte de Montpellier travaille à comprendre, analyser et prévoir les évolutions économiques (croissance, inflation, taux, marché du travail, banques centrales...) dans le monde, la zone euro, la France et la Belgique.

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