Plaidoyer pour le chemin de fer

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Par Pierre Aylagas Publié le 20 janvier 2017 à 5h02
Chemin De Fer Ferroviaire Sncf
cc/pixabay - © Economie Matin
60 %60 % de la population française vit en dehors des 20 grandes aires urbaines bien reliées par les lignes à grande vitesse.

Le chemin de fer a longtemps constitué un enjeu majeur de la gestion des territoires en France. Désenclaver les territoires isolés, permettre une meilleure circulation des passagers et des marchandises, relier les territoires entre eux et à la capitale : les missions portées par les grands travaux ferroviaires ont rencontré un succès inattendu.

Qui pensait, il y a encore quarante ans, que Marseille et Montpellier seraient à 3h de Paris ? Qui pensait que le Paris-Lille relierait les deux villes en une heure, deux pour le Paris-Strasbourg ? Pourtant, la SNCF a surpris tout le monde en annonçant à la fin de l’année 2016, son intention de supprimer certains trains de nuits. « Pas assez rentable » : c’est l’argument choc asséné par un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC), pourtant chargé d’assurer une mission de service public.

Et comment peut-on parler de rentabilité quand la SNCF elle-même décide de supprimer des correspondances en gare au dernier moment ? Sur son site internet, les trains de nuits ne sont pas systématiquement ouverts à la réservation. Les wagons sont vétustes et le personnel absent, les voies en mauvais état. Les trajets sont parfois des détours sans fin : comment peut-on imaginer aujourd’hui encore un Paris-Perpignan en train de nuit de plus de 13h ? C’est presque deux fois plus de temps que le même trajet en voiture ! Le trajet pourrait être rentable si la SNCF entretenait les wagons et les voies des trains de nuits, si elle proposait des correspondances claires, précises et à l’heure, si elle proposait systématiquement les trains à la réservation en ligne… Supprimer le train de nuit, c’est supprimer la possibilité de se rendre à Paris pour toute une catégorie de personnes qui par manque de temps ou d’argent, ne peuvent se permettre de prendre un train en journée. « Le train de nuit, c’est Perpignan à une heure de Paris : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ».

Justement, dans les Pyrénées-Orientales, département dont je suis député, ce désengagement est incompréhensible : Saint-Charles est la plus grosse plateforme d’éclatement de fruits et légumes en Europe, le port de Port-Vendres est le premier port en eau profonde après la côte espagnole et le dernier avant Sète, le Train jaune est une merveille d’ingénierie et un fleuron de l’activité touristique catalane, avec notamment de nombreux ponts, construits par exemple par Gustave Eiffel, la commune d’Argelès-sur-Mer est la ville d’Europe qui accueille le plus de campings… Pourtant, les lignes ferment une par une dans le département, les gares également.

La liaison ferrée port-gare à Port-Vendres a été fermée, alors qu’elle permettrait d’augmenter le flux de marchandises reçues tout en diminuant la circulation sur les routes de la côte, très peu fluide en été, et donc de réduire l’impact environnemental ; le train jaune va faire l’objet d’un appel d’offre, sans la remise à niveau nécessaire que devrait faire la SNCF pour lui laisser toutes ses chances d’être repris par un entrepreneur privé (ce qui devrait conduire à sa fermeture). L’injustice ne s’arrête pas là : le tronçon Perpignan-Montpellier est le seul chaînon manquant d’un axe qui relie Rotterdam à Séville à grande vitesse : il pourrait constituer une excellente alternative à l’autoroute A9, l’une des plus fréquentées de France, trop souvent ralentie par des bouchons interminables.

Sur la question du transport de marchandises, la situation parait tout autant incompréhensible : les trains en partance de St-Charles sont souvent contraints de jeter une partie de leurs marchandises à cause de retards trop fréquents. Même si le chiffre d’affaires de la plateforme reste très bon, il pourrait être doublé avec les investissements adéquats, créant ainsi de nouveaux emplois. La position stratégique de Perpignan, entre France et Espagne, au pied des Pyrénées et au bord de la Méditerranée, entre Europe du Nord et Europe du Sud, ne suffit pas : l’absence de ligne à grande vitesse jusqu’à Paris rebute des investisseurs pourtant intéressés par la proximité avec l’Espagne et les autres avantages que présentent notre département.

Sans parler de la plus-value écologique du train : le département des Pyrénées-Orientales est spécialisé dans les énergies renouvelables : le taux d’ensoleillement, la force du vent ont permis de construire à Sorède et à Mont-Louis les deux premiers fours solaires du monde. La station Thémis et le Four Solaire d’Odeillo accueillent les spécialistes les plus illustres de leur catégorie pour leurs recherches. Nous sommes un des départements les plus écologiques de France en termes d’agriculture… Le train permet de réduire de manière très conséquente les émissions de CO2. Pour les détails chiffrés je vous invite à consulter les données consignées dans l’argumentaire du collectif « Oui au train de nuit ».

Cette fois-ci, le futur est facile à prévoir : d’ici quelques années, dans un souci d’écologie et de respect de l’environnement, les pouvoirs publics décideront de revenir à un investissement massif dans le secteur ferroviaire. Il y a déjà eu un précédent: à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le tramway connaissait un âge d’or. Il était présent dans la majorité des grandes villes françaises. Mais les rails ont été détruits et il est aujourd’hui remplacé par le bus. Pourtant de plus en plus de grandes agglomérations décident de revenir au tramway : Paris les utilise pour se déplacer autour des portes de la ville, justement en remplacement du train qui existait auparavant, Montpellier, qui a interdit la circulation des voitures dans le centre-ville y revient, Avignon a déjà lancé le projet du tram, sans parler de Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice, Nantes, Strasbourg, Toulouse… Près d’une trentaine de villes !

Alors à quoi sert de se désengager du ferroviaire ? Il s’agit pour le moment de l’alternative la plus écologique à la route. J’ai obtenu une audience en décembre avec le cabinet du Secrétaire d’Etat chargé des transports à ce sujet : nous attendons les réponses, et je ne peux qu’espérer qu’elles soient positives ! Car derrière le soi-disant « coût » d’entretien du train se cachent des problématiques autrement plus importantes comme l’isolement des territoires et la pérennité économique, le tourisme et l’écologie.

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Pierre Aylagas est député socialiste des Pyrénées-Orientales. Il siège à la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Il est aussi Président du groupe d’amitié France-Andorre.

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