Projet de loi de finances 2018 : la mort annoncée des classes moyennes et des PME

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Par Alfonso Lopez de Castro Publié le 7 décembre 2017 à 5h00
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25 %Le projet de loi de finances 2018 fait passer l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % pour les PME.

Un projet de loi trop libéral ? Le projet de loi de finances 2018 n’est ni de droite ni de gauche, il est libéral.

Il est même totalement libéral ! On peut comprendre qu’être en rupture avec une politique de plus de 40 ans peut séduire. Mais cela ne garantit en aucun cas le succès. Habilement présenté au moment des élections, les Français commencent aujourd’hui à lire entre les lignes. La République En Marche commence à positionner ses amendements. Et la communication du budget prend toute sa place. Le gouvernement axe sa politique sur la libération de l’investissement. Les grands absents sont l’emploi et le déficit de l’Etat. Encore une rupture avec l’ancien gouvernement. À croire que c’est une fatalité. Ils ont retenu les erreurs et plus de promesses. Ce qui est certain, le projet de loi de finances fait la part belle aux gros patrimoines.

Un impôt qui enrichit les plus riches

Est-ce que c’est la bonne méthode ? Quel risque comporte-t-il pour notre société ? On ne cesse de répéter que la relance passera par les classes moyennes et les PME. Et pourtant ce sont les grands oubliés. Même dans les amendements déposés, les contribuables moyens sont absents. Il n’y en a que pour les PME où des efforts devraient être faits. Les projets sur la formation sont quasiment inexistants. Alors que c’est une des solutions contre le chômage. Avec un tel projet de loi, on se dirige vers une rupture sociale.

Les amendements déposés sont symboliques. On y met en avant les métaux précieux, les voitures de luxe et les yachts, tout cela pour estimation de 40 millions d’euros de recettes, afin de satisfaire une partie de la gauche et garder des symboles sur les taxations. De la communication avant tout, mais finalement rien ne change. C’est un budget d’image, qui prévoit pour 1 % des plus riches 3,6 milliards d’économies.

Le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) ou flat taxe offre une forte réduction de la taxe sur le revenu du capital aux plus riches. Les Français les mieux lotis qui sont à la tranche marginale de 45 % ne paieront plus que 30 %. Ceux qui ne sont pas imposables pourront prendre une option et paieront 17,20 %, tandis que ceux dont le revenu varie entre 800 et 2 234 euros par mois paieront la même taxe que les plus hauts revenus. À la différence significative que ces foyers ont en général peu d’épargne et que celle-ci va en plus être amputée car les placements populaires comme le PEL et le CEL vont être imposés.

Épargner plus qu’investir : les banques disent merci à Macron

Taxer d’avantage le revenu du capital que celui du travail est un vrai choix dogmatique. Le gouvernement pense-t-il vraiment que du jour au lendemain le capital va être investi, alors que la prudence est ancrée dans les choix des placements des Français ? La France est un des leaders Européens de l’épargne. Pour ceux qui en ont les moyens, l’épargne est largement préférée à l’investissement.

En réalité, on fait un chèque en blanc, mais à la différence de la promesse oubliée de Pierre Gattaz, patron du Medef, de créer un million d’emplois, dans ce cas il n’y a aucune promesse et pire encore aucune incitation. Les gagnants devraient être les banques car l’accroissement de l’épargne va continuer. Voici déjà une bonne idée d’investissement à mettre dans son PEA défiscalisé. Mais attention les marchés financiers ont déjà anticipé.

Il ne manquera plus qu’à faire ouvrir un PEA aux ouvriers français ; naturellement pour les chômeurs ou futurs chômeurs ce sera plus difficile. L’inégalité des chances devrait s’accroitre et favoriser le « descenseur » social comme résultat de cette politique économique.

Et les PME dans tout ça ?

Les PME devraient être un peu mieux lotis. En passant le taux d’imposition sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, cela devrait favoriser les PME. Mais pour profiter de ce cadeau fiscal, il faut faire des bénéfices, alors que les entreprises et surtout les PME ont principalement besoin d’investissements. Et dans ce domaine il n’y avait rien, aucun encouragement fiscal ; même pire, avec la suppression de l’ISF, la loi TEPA disparaît, alors qu’elle était une véritable incitation à investir dans les PME. Plus d’un milliard d’investissements directs pour les PME qui disparaissent. Mais dans ce domaine le gouvernement devrait reculer et renforcer le dispositif Madelin, en passant à 30 % de déduction de l’impôt sur le revenu du montant investi dans une PME. Et l’on nous promet de nouvelles mesures incitatives pour 2019.

Libération de l’investissement et incitations vont de pair

L’observatoire français des conjonctures économiques considère que 10 % des plus riches capteront 46 % des baisses d’impôts. Les Français se rendront rapidement compte que finalement la suppression de la taxe d’habitation ne va concerner qu’un petit nombre de foyers. Quant aux retraités, seuls ceux qui gagnent moins de 1200 euros pourront profiter des nouvelles mesures ; c’est donc 60 % des retraités qui seront perdants. Pour les fonctionnaires, la hausse de la CSG va être appliquée ; une compensation devrait être mise en place mais ils n’en ressortiront pas gagnants.

Le budget 2018 fait la part belle aux gros contribuables qui ont peu d’immobilier. Le déficit de l’État va se creuser à 82,9 milliards d’euros en 2018 contre 76,5 milliards d’euros en 2017 avec une hausse de la dépense nette de l’État et une baisse des recettes. La meilleure santé de l’économie ne profitera pas à la création d’emplois puisque l’objectif n’est que de 160 000 créations de postes en 2018 contre 235 000 en 2017. Un budget sans concession, où l’on oublie l’essentiel : la libération de l’investissement ne se fera pas sans incitation.

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Alfonso Lopez de Castro est Président de Financia Business School, Directeur du Corporate à la Financière d’Uzès et EDBA Dauphine.

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