Quel avenir pour les cartes prépayées ?

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Par Alfonso Lopez de Castro Publié le 27 octobre 2017 à 5h00
Banques Cartes Prepayees Moyen Paiement
@shutter - © Economie Matin
400 millions ?La carte de paiement concentre la moitié de la fraude en montant, soit 400 millions d'euros.

Les cartes prépayées sont arrivées en France dès 2010. Sans cadre juridique, celles-ci donnaient une grande liberté à l’utilisateur.

Les fabricants des cartes Visa et Mastercard avaient alors pour objectif d’élargir leur base client et de répondre à la chasse aux comptes non-rentables (peu actifs) et aux clients à risque (en difficulté, souvent à découvert et fortement endettés) dans laquelle s’étaient lancés les établissements bancaires.

Cartes prépayées : la cible a rapidement changé

Ces cartes prépayées s’adressaient tout d’abord aux personnes fichées banque de France et à tous celles non solvables auxquelles la banque refuse une carte bancaire classique. La banque n’a pas l’obligation de délivrer à ses clients une carte bancaire, sauf dans le cadre de la procédure du droit au compte. Dans ce cadre, c’est une carte de paiement à autorisation systématique. Ce qui revient à une carte prépayée ou dite CPS (Prepaid Cash Services).

Se crée alors un boulevard pour les CPS et les néo-banques sans licence bancaire (Compte Nickel, N26…). Une néo-banque est une banque 100 % digitale qui offre des services de base à des tarifs compétitifs au premier abord.

La plupart de leurs services ne demandent pas de dépôt obligatoire et apportent de nouveaux avantages. Les CPS sont une solution pour les adolescents qui ne pourront pas dépenser davantage que la réserve d’argent mise à leur disposition par exemple. Les transferts sont souvent gratuits, elles sont acceptées à l’international, on peut les recharger en espèces en achetant des coupons Néosurf. Jusqu’au 1er janvier 2017, elles garantissaient un anonymat et une sécurité pour les achats sur internet. En effet, ces cartes permettaient un paiement ou un transfert anonyme sans connexion avec un compte bancaire. En rechargeant la carte auprès d’un buraliste ou dans un supermarché, aucune pièce d’identité, ni justificatif de domicile, n’était demandée jusqu'à 1000 euros de paiement ou de recharge.

Les cartes prépayées séduisent les escrocs, la réglementation se durcit

Mais, même si les insolvables, les adolescents et les petits comptes peu actifs en ont bénéficié, les escrocs n’ont pas été en reste et ont profité de l’anonymat qu’offraient ces CPS : du grand banditisme avec les nombreuses escroqueries sur le net au terrorisme international avec Daesh. Le décret Tracfin (la cellule de renseignement du ministère de l'Economie et des Finances) du 10 novembre 2016 élargit le champ de Bercy en limitant l’utilisation des cartes CPS. Depuis le 1er Janvier 2017, les cartes ne peuvent être utilisées qu’en France et sont plafonnées à 250 euros sur une période de 30 jours. Les escrocs vont devoir trouver une autre solution pour blanchir leur argent.

Mais alors quel avenir pour les cartes prépayées ?

Elles poussent comme des champignons sur le net. Généralement fruit de Start-ups de la Fintech elles finissent souvent dans le giron de banques traditionnelles. Elles sont présentées à renfort de campagnes marketing importantes. On retrouve actuellement sur le marché pas moins de 30 cartes prépayées. Les cartes prépayées ont pris une place importante dans le marché des paiements et devraient continuer leur essor. Souvent appelée la carte du « pauvre », elle a su évoluer et s’adapter aux nouvelles typologies de clientèle. Hier, le marché ciblé était celui des adolescents et des personnes en difficulté financière, aujourd’hui, il s’ouvre à tous ; et avec ces milliards de chiffre d’affaire tout le monde veut sa part du gâteau, même des acteurs inconnus du secteur bancaire comme Orange qui a lancé Orange Bank.

Finalement, la nouvelle réglementation remet en cause essentiellement l’anonymat de ces cartes prépayées. Alors, si l’on accepte de s’identifier en donnant sa pièce d’identité et quelques informations personnelles, un nouveau monde s’ouvre aux utilisateurs avec les codes marketing de la banque Privée. En quelques clics avec son téléphone, on peut obtenir une carte « Black » ou « Infinite ». Avec des soldes qui peuvent atteindre les 15 000 euros et un RIB sans compte bancaire.

Les cartes prépayées ne sont pas forcément bon marché !

Cela ressemble à un nouvel eldorado pour les banques qui ne cessent de mettre de l’avant leurs avantages et leurs prix. Il est très difficile de comparer leur coût d’utilisation car les offres sont très variées. Le prix de la carte ainsi que les frais de gestion sont souvent très attractifs. La moitié des offres vous donnent une carte gratuite et pour les autres les prix vont de 10 à 69,90 euros. Les frais de gestion vont de 1 à 5 euros par mois quand ils ne sont pas gratuits. Par contre son utilisation peut s’avérer très couteuse. En effet les retraits et les achats sont souvent facturés. Entre 1 et 4 euros pour les retraits et jusqu’à 2 % pour les achats, et 5 % pour les frais de chargement.

La technologie a un coût, pour une utilisation de 1800 euros par an le coût peut varier de 86 à 335 euros. Il est certain qu’avec le service simple que donnent les cartes prépayées, c’est une activité très rentable. Et l’on comprend bien que les banques ne veulent pas laisser partir ce gâteau entre les mains des start-ups. Elles se précipitent alors pour racheter ces jeunes start-ups à prix d’or. La carte de paiement concentre la moitié de la fraude en montant, soit près de 400 millions d’euros* en cumulant les transactions de paiement et de retrait, et représente la quasi-totalité (97 %)* du nombre de transactions frauduleuses. La carte prépayée est donc toujours vouée à un bel avenir. Et pour ceux qui cherchent un réel anonymat, il reste encore les monnaies scripturales. Les réglementations ne cesseront de se confronter à l’innovation. Et l’utilisateur n’est pas toujours le gagnant.

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Alfonso Lopez de Castro est Président de Financia Business School, Directeur du Corporate à la Financière d’Uzès et EDBA Dauphine.

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