La réalité virtuelle peut bousculer l’offre culturelle, mais pas forcément comme on l’imagine

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Par Emmanuel Guerriero Publié le 13 mars 2021 à 6h30
Realite Virtuelle Offre Culturelle
200 EUROSUn casque de réalité virtuelle coûte en moyenne 200 euros.

La réalité virtuelle peut-elle venir au secours des institutions culturelles obligées de fermer temporairement leurs portes ou de réduire leurs jauges ? Le confinement et les consignes de distanciation physique seraient-ils une véritable aubaine pour ce marché encore aux prémices de son développement ? Contrairement aux idées préconçues, les réponses à ces questions sont loin d'être évidentes.

Il convient de sortir de la vision court-termiste de gestion de crise dans laquelle nous nous trouvons pour réfléchir plus largement à l'offre culturelle de demain, et à ce que la réalité virtuelle peut lui apporter, notamment en matière de diversification de l'audience et des formats.

Non, toute la culture ne va pas débarquer dans votre salon grâce à la réalité virtuelle

Quand on pense réalité virtuelle, on imagine des voyages extraordinaires que l'on pourrait vivre depuis son canapé, des expériences sensorielles uniques et des effets spéciaux à foison. Mais concrètement, en dehors des gamers et des aficionados des nouvelles technologies, qui dispose chez lui d'un casque de réalité virtuelle ? D'après IDC [1] , le marché des casques de réalité virtuelle s'affiche à la baisse en 2020, et n'a pas été porté par le premier confinement comme on aurait pu l'imaginer. La réalité virtuelle a du mal à s'imposer auprès du grand public, tout simplement parce qu'elle nécessite deux éléments fondamentaux qui sont aussi des freins à son développement à grande échelle : un équipement spécifique (et relativement coûteux) et un grand espace permettant d'évoluer librement (ce qui est souvent peu compatible avec une situation de confinement). Or, cette technologie est belle et bien révolutionnaire et peut être un nouveau levier de développement, notamment pour le secteur culturel.

Avant de voir comment la réalité virtuelle peut s'intégrer dans le paysage culturel de demain, arrêtons-nous sur l'état du secteur et sa capacité de rebond face à la crise.

Le milieu culturel allait-il si bien avant la crise de Covid-19 ?

La réponse n'est pas si évidente. Une étude du Crédoc de 2019 met en avant une baisse notable de la fréquentation des musées, expositions et monuments ces dernières années. Conséquence de « l'over tourisme », des politiques tarifaires, du succès des plateformes numériques comme Netflix ou Amazon Prime, ou encore dommage collatéral de la baisse des départs en vacances des Français ? Toujours est-il que l'offre muséale et patrimoniale en France devait - avant même la crise - envisager une restructuration profonde pour rester attractive. L'année 2020 marque un tournant pour le milieu. En empêchant les établissements d'accueillir leur public, la Covid les a poussés à faire bouger les lignes. Expositions virtuelles, podcasts, conférences en ligne, les musées et institutions culturelles rivalisent d'ingéniosité pour garder le contact avec leur audience. La plupart des initiatives reposent sur une mise à disposition de ce qui fait la valeur de ces structures : leurs collections certes, qu'elles rendent visibles de façon virtuelle, mais aussi les connaissances et compétences de leurs conservateurs et équipes patrimoniales. Cette nouvelle posture, imposée par la situation, amène les lieux culturels à repenser leur rôle. En plus d'être lieux d'exposition et de patrimoine, ils sont aussi éditorialistes et peuvent diffuser leur savoir culturel à une audience bien plus large que celle qui se déplace dans les musées. Reste à conserver cette attitude après la crise, en s'appuyant notamment sur la réalité virtuelle.

Quelle offre culturelle peut-on imaginer demain ?

Les conservateurs maitrisent l'art de raconter des histoires, à la fois historiquement et scientifiquement précises et porteuses d'une vraie puissance narrative. Loin de remplacer les visites physiques dans les lieux culturels, la réalité virtuelle peut participer à la diffusion de cette connaissance vers une audience plus large. Comment ? En proposant des expériences immersives scénarisées, qui vont plus loin que les immersions dans des univers virtuels d'artistes déjà présentes sur le marché. Il s'agit de créer un réseau de lieux dédiés à l'accueil d'expéditions virtuelles (au sein même des lieux culturels ou hors les murs). A l'image des films et des salles de cinéma, une même expédition culturelle pourra être proposée simultanément dans plusieurs lieux, permettant aussi d'y adjoindre une approche événementielle. En s'associant à la création de contenus, les musées valorisent ainsi leurs collections et leur savoir-faire. Le public vient y vivre une expérience culturelle et interactive, axée sur le réalisme et la liberté de mouvement. Ces projets immersifs sont aussi de vraies expériences sociales, puisqu'elles sont scénarisées par rapport à un groupe, chaque participant étant connecté aux autres grâce à un avatar. Le lien émotionnel avec l'œuvre ou l'artiste est renforcé par l'expérience vécue et permet de donner accès, dans un format ludique, à une connaissance sur un sujet culturel.

La réalité virtuelle est non seulement un moyen de démocratiser la culture, mais elle permet aussi aux structures culturelles de s'inscrire dans un modèle économique plus résilient. En diversifiant les sources de revenu, les expériences virtuelles permettent de répondre aux problématiques de jauges, tout en générant suffisamment de ressources, nécessaires à l'entretien des bâtiments et collections. Un modèle qui peut permettre de mettre, en sortie de crise, le secteur dans une nouvelle dynamique vertueuse.

La réalité virtuelle se positionne ainsi comme un levier de croissance et de médiation puissant pour le secteur culturel. Elle n'implique pas forcément de concessions de la part des structures, et doit s'envisager en complémentarité avec l'offre actuelle. Les institutions culturelles peuvent ainsi s'appuyer sur leurs capacités de storytelling pour attirer un nouveau public. La réalité virtuelle permet cela, et a par conséquent toute sa place dans le paysage culturel de demain.

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Emmanuel Guerriero est fondateur et président d’Emissive, spécialiste de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée fondé en 2005, qui conçoit et réalise des expériences immersives uniques centrées sur l’utilisateur, adaptées aux besoins en communication et en formation de ses clients.

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