Les DRH confrontés au fait religieux en entreprise

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Par Abdel Aïssou Modifié le 20 juin 2013 à 4h59

Pourquoi une étude sur le fait religieux ?
Face aux enjeux que pose le fait religieux en entreprise, rappelés à l'occasion de la récente affaire Baby Loup, l'étude de l'Institut Randstad et de l'OFRE est inédite. A partir d'un état des lieux préliminaire de la question, l'étude doit permettre d'élaborer des avancées fortes liant enjeux juridiques et réponses pragmatiques. Cela est d'autant plus nécessaire que la question du fait religieux en entreprise est souvent considérée avec un prisme émotionnel qui ne facilite pas sa prise en compte.

En effet, des désaccords – en apparence – à caractère religieux relèvent en réalité souvent des dysfonctionnements organisationnels ou managériaux qui se sont transformés en problèmes relationnels et personnels. Pour cette raison, l'étude a aussi pour ambition de faire émerger des outils et processus RH afin d'aider les managers à résoudre les conflits avant qu'ils ne prennent de l'ampleur.

Le fait religieux : quelle fréquence et quelles formes ?
Premier constat, le fait religieux en entreprise existe bel et bien et n'est pas une question marginale. Plus du quart (28 %) des managers RH interrogés ont déjà été confrontés à des questions liées au fait religieux dans leur entreprise. Lorsque nous nous rapprochons du terrain, la fréquence du fait religieux diminue. Ainsi, seuls 14 % des managers de proximité non RH et des employés interrogés ont déjà été confrontés à des questions liées au fait religieux. L'écart avec les managers RH s'explique vraisemblablement par la vision d'ensemble qu'ont ces derniers.

Si le fait religieux est devenu un enjeu RH à part entière dans l'entreprise, force est de constater que très peu de cas (6 %) conduisent à des blocages. Cependant, près de la moitié des cadres RH interrogés (41 %) pensent que cette question va devenir problématique dans un futur proche.

Le fait religieux dans les situations de travail : quels impacts ?
Une large majorité (80 %) des managers disent ne pas ressentir de malaise particulier sur les questions liées au fait religieux. Toutefois, ces mêmes questions influencent la façon de manager de près d'un manager sur deux (42 %).

L'étude révèle par ailleurs que les managers de proximité sont confrontés à deux types de situations liées au fait religieux : celles qu'ils peuvent gérer (des cas individuels exprimés sous forme de demandes pour la plupart) et les autres. Dans ce cas, les managers font face à des comportements jugés radicaux et/ou transgressifs pouvant impliquer plusieurs personnes ou un groupe.

Dans ce contexte, les managers interrogés ont exprimé deux besoins :
D'une part, disposer des outils managériaux pour appréhender ces situations : marges de manœuvre, connaissance des règles, repères pour comprendre les faits et les demandes, etc.
D'autre part, pouvoir transférer les cas à leur hiérarchie lorsqu'ils se sentent débordés.

Au-delà des questions de management, comment la question religieuse impacte-t-elle la relation entre collègues ? Pour la grande majorité des personnes interrogées, ce n'est pas un sujet. Plus de deux tiers d'entre elles (68 %, soit 41 % + 27 %) déclarent ne pas connaître, ou seulement partiellement, la pratique religieuse de leurs collègues. Lorsque c'est le cas, ils considèrent soit que cette pratique n'a pas d'impact sur le travail, soit qu'elle a un impact positif, mais rarement (5 % des cas) un impact négatif.

Il convient toutefois de souligner ici un double phénomène, que nous ne pouvons pas quantifier mais qui est bien lisible dans les discours recueillis en entretiens et en focus group : la laïcité est souvent vue par les pratiquants comme un principe se définissant contre la religion et inversement la religion est souvent regardée comme incompatible avec la laïcité par les personnes se définissant comme des « laïcs engagés ».

Il n'y avait pas dans l'enquête de question sur ce point. Néanmoins, pour la très grande majorité des gens interrogés, la règle de la laïcité s'applique au monde de l'entreprise. Cela est particulièrement vrai pour la population des représentants du personnel : ceci explique certainement en grande partie les réactions de surprise suite à la médiatisation de l'affaire Baby Loup.

Quelles régulations ?
L'utilité d'une loi ou d'une réforme du Code du travail est perçue comme la solution à privilégier pour améliorer les choses pour 12 % des cadres RH, 2 % des managers et 16 % des employés. Un tiers (33 %) des cadres RH, 30 % des managers et 23 % des employés pensent que ce serait une solution dommageable. Un cadre RH sur cinq (21 %), 45 % des managers et 27 % des employés pensent que cela n'aurait pas une grande utilité. Un tiers des cadres RH et des employés ainsi que 23 % des managers pensent que cela pourrait contribuer à améliorer la prise en compte de ces questions.

De manière générale, 34 % des personnes interrogées pensent que la règle qui s'applique dans les services publics devrait s'appliquer dans toutes les entreprises privées. Deux tiers (66 %) pensent que cela n'est pas nécessaire à condition que les signes et comportements restent discrets. Il convient de souligner que cette étude a été réalisée avant le jugement de la Cour de Cassation sur l'affaire Baby Loup.

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Vice-président, directeur général du Groupe Randstad France.En charge des filiales spécialisées (VAR, Atoll, Cap Secur conseil, Opus et IMC Alternance) et président de l'Institut Randstad pour l'Egalité des Chances et le Développement Durable.

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