Tandis que les démocrates remportent le Sénat de justesse, les investisseurs se concentrent sur la reprise

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Par Stéphane Monier Publié le 12 janvier 2021 à 13h06
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1,12%Le 8 janvier 2021, le bon du Trésor américain rendait 1,12%.

La semaine où les États-Unis ont enregistré leur plus grand nombre quotidien de décès liés au Covid-19 et où le président sortant Donald Trump a été accusé d'avoir encouragé les émeutes au Capitole, les électeurs de l'État de Géorgie ont confié au parti démocrate le contrôle des deux chambres législatives américaines. Cela devrait permettre un plan de relance économique plus généreux et une reprise plus robuste.

La voie vers le mandat démocrate n'était pas tracée d'avance. En septembre, six semaines avant l'élection présidentielle, nous avons évoqué quatre scénarios possibles, en estimant qu'une victoire des démocrates à la Maison Blanche, au Sénat et à la Chambre des représentants serait le résultat le plus probable. Malgré leur exactitude finale, nos prévisions ont changé au lendemain de l'élection de novembre pour envisager un Congrès divisé, dépendant du second tour de l'élection en Géorgie pour le contrôle du Sénat. Dans cet Etat, depuis 1996 et jusqu'à présent, les électeurs élisaient les républicains à chaque présidentielle.

Les électeurs géorgiens se sont à nouveau rendus aux urnes le 5 janvier 2021. Les règles électorales de l'État exigeaient la tenue d'un nouveau scrutin, car aucun candidat n'avait obtenu de majorité absolue le 3 novembre. Les démocrates Raphael Warnock et Jon Ossoff ont remporté les deux sièges de l'État au Sénat, offrant une répartition de 50-50 entre les démocrates et les républicains à la chambre haute et accordant le vote prépondérant à la vice-présidente élue Kamala Harris.

Cependant, ceci ne donne pas carte blanche à l'administration Biden en matière législative, car toute approbation du Congrès dépendra du soutien de l'ensemble des sénateurs démocrates. Des changements plus profonds, comme des modifications du code fiscal, peuvent nécessiter une « super-majorité » des deux tiers ou des trois cinquièmes au Sénat, bien que l'administration Biden puisse, par exemple, abroger les réductions d'impôts à la majorité simple.

Inégalités, divisions et cicatrices

La politique américaine a entamé 2021 avec un enregistrement où M. Trump invite les responsables électoraux de l'État de Géorgie à « recalculer » les résultats de novembre, après que le président sortant se soit efforcé durant un an de discréditer le processus électoral. Son constant refus d'accepter l'issue du scrutin a culminé le 6 janvier par une incitation à marcher sur la colline du Capitole. M. Trump a ensuite fait marche arrière et lancé des appels à la paix lorsque démocrates et républicains ont exigé sa destitution deux semaines avant l'expiration de son mandat à la Maison Blanche.

Avec le temps, les violences de la semaine dernière pourraient inciter le parti républicain à rompre les liens avec M. Trump. « Orchestrer une mobilisation pour faire pression sur le Congrès est inexcusable?», a déclaré l'ancien procureur général du président, William Barr. Les démocrates, soutenus par certains républicains, cherchent à démettre M. Trump de ses fonctions quelques jours avant l'expiration de son mandat présidentiel, et veulent lancer une seconde procédure de destitution qui pourrait s'étendre au-delà de l'entrée en fonction de la nouvelle administration.

La victoire démocrate ne peut masquer l'étendue de la polarisation de l'échiquier politique américain. Une partie des 74 millions d'Américains qui ont voté en faveur des républicains en novembre doute encore de la validité de l'élection de 2020, et elle ne se laissera pas convaincre facilement par l'absence de preuves de fraude. Même après les émeutes, huit sénateurs républicains et 139 représentants de la Chambre haute ont voté contre la désignation de M. Biden en tant que 46ème président des États-Unis.

Les cicatrices politiques et sociales sont profondes. Le coup infligé par la pandémie de Covid-19 aux inégalités sociales et raciales du pays, l'atteinte à la crédibilité internationale des États-Unis et la désaffection à l'égard des institutions politiques américaines mettront du temps à guérir et domineront probablement le discours politique des années à venir. Ces inégalités pourraient être exacerbées si le soutien fiscal supplémentaire, estimé à environ 500 milliards de dollars et prévu pour contrer la pandémie, était mal réparti.

Assurer la croissance

Pour l'économie américaine, la conséquence la plus immédiate du contrôle démocrate sur le Congrès sera un élargissement supplémentaire de l'importante relance budgétaire pandémique. Ces nouvelles dépenses de l'administration Biden, qui pourraient inclure des dispositions pour les chômeurs, viendraient s'ajouter aux 900 milliards de dollars déjà approuvés par le Congrès en décembre 2020. Un nouveau paquet budgétaire porterait le total des mesures pour faire face à la pandémie à quelque 18% du produit intérieur brut des États-Unis (voir graphique), ajoutant jusqu'à 1% au PIB cette année.

Avec Jerome Powell qui restera sans doute à la tête de la Réserve fédérale (Fed) jusqu'à la fin de son mandat en février 2022, la banque centrale devrait maintenir les taux directeurs à leur bas niveau actuel jusqu'en 2023. La Fed devrait également travailler étroitement avec la prochaine secrétaire au Trésor et ex-présidente de la Fed, Janet Yellen, afin de coordonner la politique monétaire et fiscale.

Ce soutien budgétaire est vital, car l'économie américaine reste fragile face à l'effondrement de son activité. Par exemple, les données publiées le 7 janvier ont montré que le nombre de demandes d'allocations de chômage pour la semaine du 2 janvier s'élevait à 787 000 contre 790 000 la semaine précédente, avec une hausse des nouveaux emplois la plus faible depuis le mois de mai 2020. Ces chiffres élevés du chômage devraient s'avérer temporaires car ils sont probablement liés à la récente flambée des infections de Covid-19.

Néanmoins, les filets de sécurité fiscaux et monétaires, ainsi que les premières vaccinations anti-Covid, sont désormais en place et devraient encourager la reprise aux États-Unis. En août 2020, Jerome Powell a annoncé que la banque centrale ajustait sa cible d'inflation pour la maintenir à 2% en moyenne. Bien que les nouvelles mesures de relance puissent introduire une certaine inflation dans l'économie, ce nouveau cadre permet à la Fed de tolérer un dépassement temporaire de ses objectifs d'inflation.

Un environnement favorable aux marchés

La semaine dernière, les marchés se sont concentrés sur les implications à long terme de la victoire démocrate, plutôt que sur la pandémie ou sur les émeutes. Le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a augmenté de 20 points de base cette année pour atteindre 1,12% le 8 janvier, son taux le plus élevé depuis mars. Les actions américaines ont également progressé, emmenant le S&P 500 vers un nouveau record.

Cette nouvelle configuration politique représente une issue optimale pour les marchés, car l'administration Biden devrait se montrer plus cohérente dans ses décisions et plus coopérative qu'isolationniste sur le plan international. L'étroite majorité démocrate au Sénat signifie également qu'il y a moins de risques de voir les réglementations se durcir et l'impôt sur les sociétés augmenter.

Joe Biden prêtera serment à la Maison Blanche le 20 janvier, en présence du vice-président sortant Mike Pence, mais sans M. Trump, ce qui contraste avec les conventions. Le changement dans l'équilibre des pouvoirs politiques et l'impulsion donnée à la relance de l'économie réelle se conjuguent ainsi pour créer un environnement propice pour les actifs risqués, en particulier les actions. Nous maintenons notre exposition aux actions américaines, qui profitent des solides performances des petites capitalisations, des technologies de l'information et du secteur de la santé. Nous continuons à investir dans la reprise en diversifiant notre allocation vers des régions plus exposées à la conjoncture, telles que l'Europe et les marchés émergents, où nous venons de renforcer nos positions en actions.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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