La Suisse, l’autre pays de la cybersécurité

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Par Theodore-Michel Vrangos Publié le 29 mars 2016 à 5h00
Suisse Data Center Cybersecurite Donnees Protection
25 %25 % des données européennes seraient stockées en Suisse.

Fini le secret bancaire. Vantant sa stabilité, sa discrétion et sa position géographique, la Suisse le remplace par le secret numérique.

Tout le monde se souvient du fameux slogan publicitaire ‘’La Suisse l’autre pays du fromage’’, d’ailleurs d’autres pays européens tels que les Pays-Bas (mais cela rime mieux avec Hollande…) l’ont aussi utilisé. Le marketing national Suisse est en train de reconvertir cette image vers le high-tech, le cloud et le domaine de la sécurité et de la protection des données informatiques, tout en faisant le lien avec la culture du secret bancaire et de la confidentialité.

Le front du secret bancaire a progressivement cédé ces dernières années. Il associait les notions de discrétion, stabilité, confidentialité des avoirs du monde entier déposés dans les mains des banques suisses. Ces mêmes valeurs suivent désormais une très intelligente reconversion dans le domaine des données. Déjà, au début 2015, on pouvait lire dans la presse que 25% des données numériques européennes seraient stockées en Suisse, car la loi helvétique sur la protection des données est considérée comme l’une des plus sévères au monde.

Le pays, notamment le canton germanophone de Zurich et ses alentours, met en avant les nombreux sites physiquement hautement protégés, certains anciens bunkers militaires antiatomiques, bien climatisés et pas trop chers (climat alpin et prix de l’électricité bas), une législation forte et respectée sur la protection des données personnelles (par exemple, avec l’obligation faite au siège européen de Google, basé à Zurich, de flouter les visages et autres données d’identification sur Google Streetview).

Autre argument de poids : la localisation ; idéale au cœur de l’Europe, facile d’accès, bien desservie en infrastructures de transports mais aussi en liens haut-débit informatiques, hubs de croisement des points d’accès d’opérateurs.

Plusieurs entreprises internationales d’hébergement ont bâti des datacenters et des cloud publics en Suisse ces deux dernières années : 66 datacenters dont 47 dans les cantons germanophones et 13 cloud publics d’après le site datacentermap.com. A titre comparatif, d’après le même site, l’Autriche, pays voisin et proche en termes de taille et d’économie, ne possède que 19 datacenters.

Certains éditeurs de logiciels de sécurité tels que Silent Circle et son célèbre logiciel PGP (Pretty Good Privacy) ont choisi de s’y implanter pour garder leur indépendance face aux pressions politiques. Des startups dans le domaine de la sécurité poussent dans le sillage des grandes universités. Par exemple, Biowatch dans l’authentification et la biométrie, créée par des ingénieurs français de l’EPFL ou d’autres comme Threema, Securosys, Secure Islands, ProtonMail, etc.

Les développements actuels de la controverse entre Apple et le FBI sur l’accès aux clés de déchiffrement des iPhones, notamment dans le cas de la lutte contre le terrorisme, ajoutés aux arguments précédents, pourront favoriser l’émergence de la Suisse comme l’un des endroits les plus protégés, les moins exposés aux pressions légales et politiques de la planète. La Suisse pourra sereinement mettre en avant sa stabilité, son goût et son respect de la confidentialité, forgés depuis de nombreuses années par le secret bancaire, ainsi que sa neutralité politique internationale. La situation non aboutie du Safe Harbor, remplacé par le très discuté Privacy Shield, pourra également jouer en faveur de la Suisse.

Toutefois sur ces aspects politiques et policiers, il est pour le moins amusant de penser que la Suisse se présente comme discrète et religieusement attachée à la confidentialité quand on sait qu’en même temps Genève et Montreux, sont des places fortes de l’espionnage international comme Vienne l’était à l’époque de la guerre froide. Une fois de plus les extrêmes se rejoignent, se touchent… Mais, la Suisse maintient sa vocation de neutralité politique, de zone stable ouverte aux camps ennemis, de lieux de rencontre et de négociations.

Probablement le point le plus moteur dans ce développement de l’hébergement sécurisé des données réside dans la forte croissance et les importants investissements réalisés par les banques suisses, par les entreprises de recherche, de pharmacie et biotech, par les entreprises de retail et de négoce, dans les plateformes cloud publics et privés. Cette culture IT est sûrement complétée et encouragée par un esprit ouvert au business et au commerce.

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Théodore-Michel Vrangos est président et cofondateur d’I-Tracing

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