Tensions politiques

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Par Stéphane Déo Publié le 25 mai 2020 à 12h07
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90%La capitalisation boursière de la Chine équivaut à 90% celles des Etats-Unis en 2019.

D'après notre indicateur les stocks de pétrole ont très fortement progressé encore en avril, les prix ne pourront pas se tendre avant d'avoir absorbé ces stocks. La proposition franco-allemande d'un fonds européen de relance est loin d'être actée, mais l'attitude change rapidement et laisse un espoir. Certains indicateurs montrent un rebond très rapide de la Chine à la sortie du coronavirus même si la normalisation n'est que partielle.

Les tensions entre la Chine et les Etats-Unis repartent de plus belle, cette fois il s'agit de l'accès des entreprises chinoises au marché américain, mais la Chine a maintenant un poids mondial comparable à celui des Etats-Unis.

Point de marché : des stocks de pétrole énormes

Les chiffres d'offre et de demande mondiale de pétrole pour le mois d'avril sont enfin sorti (Source : Energy Intellignece Group). En faisant la différence entre les deux on a donc une idée de la variation des stocks. Le graphique ci-dessous est éloquent, les deux derniers mois ont porté notre estimation des stocks à des niveaux sans précédent. Et l'écart offre/demande est de loin le plus important jamais enregistré. Cette approche est validée par le marché du stockage, par exemple le cout de location d'un tanker est passé de 20 000 dollars par jour en février à 300 000 dollars en mars-avril, soit 15 fois plus.

La production baisse, de manière temporaire car les producteurs réduisent l'exploitation, mais aussi de manière plus permanente avec des faillites d'exploitants. A terme donc, si la demande se normalise, on pourrait avoir des prix du pétrole qui remontent rapidement vers les 60 dollars en fin d'année ou au début de l'année prochaine. A court terme, sur les mois à venir, cette abondance de stocks devrait continuer à peser sur les prix.

Le vent change en Allemagne

Deux citations la semaine dernière montrent à quel point le coronavirus fait bouger les lignes en Europe. Angela Merkel a déclaré « un état nation seul n'a pas d'avenir […] l'Allemagne ne peut pas être en bonne santé si l'Europe n'est pas en bonne santé ». Wolfgang Schäubel, le ministre des finances allemand durant la crise souveraine et Président actuel du Bundestag a dit dans une interview au FT « Des prêts supplémentaires aux états membres auraient été des pierres et non du pain, parce que certains sont déjà beaucoup endettés ».

Nous avions parlé de « moment hamiltonien » à propos de la proposition franco-allemande d'un emprunt de l'Union Européenne. Cette proposition n'a pas encore abouti, loin s'en faut. Les « quatre frugaux » (comprendre l'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède) ont d'ailleurs fait une contre-proposition beaucoup moins ambitieuse où le fonds de reconstruction serait temporaire et fournirait des liquidités via des prêts. Une fois de plus, alors que la décision réclame l'unanimité, les négociations vont être longues.

Il est toutefois indéniable qu'il y a un changement d'attitude saisissant.

L'économie repart vite

Après la violence de la chute économique, nous sommes encore en plein dedans en Europe, il est intéressant de regarder la vitesse du rebond. Pour cela la Chine est le seul exemple que nous ayons. Il y a une ambiguïté très forte.

D'une part la reprise est très rapide, beaucoup plus rapide que lors des précédentes crises. C'est logique avec des entreprises qui ré-ouvrent. Le dernier indicateur qui montre cela est l'indicateur de pollution du CREA (le Center for Research on Energy and Clean Air) avec un retour à la situation pré-crise du niveau de pollution en Chine, compatible donc avec une activité, en particulier industrielle, qui est revenu proche des niveaux pré-crise. Bien sûr il faut se méfier de ces indicateurs, hautement imprécis.

D'autre part, un certain nombre d'indicateurs montrent que le retour à la normale n'est que partiel et que certains secteurs ont du mal à se relever.
C'est probablement le paradoxe de cette reprise qui va donner en même temps des chiffres de croissance vertigineux, et un retour à la normale qui ne restera que partiel.

Les tensions entre Chine et Etats-Unis repartent

Cette fois il ne s'agit pas du commerce international ni du déficit extérieur américain mais de l'accès aux marchés financiers pour les entreprises américaines. Le Senat américains a approuvé à l'unanimité une loi qui impose aux entreprises cotées aux Etats-Unis de se plier à certaines règles réglementaires auxquelles les entreprises chinoises peuvent difficilement se conformer. De facto, cela forcerait certaines entreprises à se retirer du marché américain. Ce weekend le régulateur chinois a eu des mots assez durs sur cette décision alors que Wang Yi parlait de « guerre froide » potentielle au sujet de l'interventionnisme américain.
Pour rester sur les marchés financiers, il faut rappeler que la Chine est d'une taille totalement différente de ce qu'elle était au début du siècle. D'après les chiffres de la Banque Mondiale, la capitalisation boursière de la Chine en incluant Hong-Kong ne représentait que 4% de la capitalisation boursière des Etats Unis en 2000, mais 90% en 2019. La Chine a donc quasiment rattrapé les Etats-Unis.

Il est aussi intéressant de noter l'unanimité du vote. L'attitude antichinoise n'est pas le monopole de Donald, les candidats à l'investiture démocrate avaient aussi fait de la surenchère sur le sujet. Les tensions ne disparaitront pas après les élections.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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