Nouveau DPE 2026 : un changement de calcul aux lourdes conséquence

Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) entrera en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2026 et bouleversera le marché immobilier français. Avec l’abaissement du coefficient de conversion de l’électricité, environ 850 000 logements sortiront mécaniquement du statut de passoire énergétique. Cette réforme, attendue de longue date, redéfinit les bons et les mauvais élèves, bouscule les villes, et interpelle sur les causes structurelles de ces résultats énergétiques.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 18 septembre 2025 14h56
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Nouveau DPE 2026 : un changement de calcul aux lourdes conséquence - © Economie Matin

Annoncé par l’arrêté du 13 août 2025 et publié au Journal officiel le 26 août, le nouveau calcul du Diagnostic de performance énergétique (DPE) entrera en application dès le 1ᵉʳ janvier 2026. Ce document, devenu incontournable dans les transactions et locations immobilières, change de méthode pour mieux refléter la réalité du mix énergétique français. Concrètement, le coefficient appliqué à l’électricité sera abaissé de 2,3 à 1,9, modifiant ainsi la consommation d’énergie primaire utilisée pour classer les logements. Cette évolution pourrait profondément transformer le marché, entre opportunités pour certains et contraintes pour d’autres.

Ce qui change dans le calcul du DPE

À compter de 2026, le facteur de conversion de l’électricité passe de 2,3 à 1,9, alignant la France sur le standard européen issu de la directive 2023/1791. Jusqu’ici, un logement tout électrique était mécaniquement désavantagé : une consommation finale de 100 kWh/m²/an équivalait à 230 kWh primaire, contre seulement 100 kWh pour un logement chauffé au gaz. Ce biais disparaît désormais. Comme le souligne le ministère de la Transition écologique, « pour tous ces logements, et toutes choses égales par ailleurs, la consommation d’énergie primaire va baisser du fait du changement de coefficient ».

Le DPE conservera son double indicateur – énergie et climat – et le classement final restera défini par la plus mauvaise des deux notes. Autrement dit, un logement performant en énergie mais fortement émetteur de CO₂ restera pénalisé. Néanmoins, ce rééquilibrage en faveur de l’électricité reflète mieux la réalité du mix français, largement décarboné grâce au nucléaire et aux renouvelables. Le gouvernement précise qu’« aucun logement ne verra son étiquette dégradée à cause de ce changement », mais que plusieurs centaines de milliers seront reclassés vers le haut.

Les conséquences attendues pour les logements

Selon les chiffres officiels, environ 850 000 logements, essentiellement chauffés à l’électricité, sortiront du statut de passoire énergétique sans qu’aucun travaux ne soit engagé. Cela représente près de 18 % du parc classé F et G, évalué à 4,8 millions de logements en 2023. Ce « coup de pouce statistique » devrait soulager nombre de propriétaires, notamment dans les zones rurales ou périurbaines où l’électrique domine.

Toutefois, ce changement ne doit pas masquer les réalités. Les logements mal isolés, avec un bâti ancien ou des systèmes de chauffage vétustes, resteront très énergivores. Le ministère rappelle que l’étiquette du DPE est un outil comparatif, et qu’une amélioration administrative ne transforme pas un logement énergivore en habitat confortable. Pierre-Emmanuel Jus, directeur délégué de Maslow.immo, résume ainsi l’enjeu : « La performance énergétique devient un critère central de valeur et de liquidité. À terme, une part croissante du parc sera impropre à la location, déclenchant un effet boule de neige : raréfaction de l’offre, hausse des loyers, pression accrue sur les logements conformes. »

Bons et mauvais élèves : villes et typologies contrastées

Le croisement des données démographiques et énergétiques publié par Maslow.immo révèle un nouveau paysage. Certaines communes combinent croissance de population et parc immobilier performant. Saint-Laurent-du-Var illustre cette dynamique : 32 % des diagnostics effectués en 2025 y affichent une étiquette A, tandis que la population progresse de plus de 1 % par an depuis une décennie. À Istres, l’action municipale – rénovation des bâtiments publics, développement du solaire, remplacement du fioul – tire vers le haut l’ensemble du parc résidentiel, dont le DPE devient de plus en plus performant.

Les classements mettent également en avant des villes comme Villenave-d’Ornon, Vitrolles ou Bobigny. Ces marchés, longtemps considérés comme secondaires, deviennent stratégiques pour les investisseurs. Le DPE s’impose ainsi comme un filtre décisif, utilisé par près de 80 % des acheteurs selon une étude du Groupe BPCE en mai 2025, au même titre que la fiscalité ou la rentabilité locative.

Les marchés fragilisés

À l’inverse, les communes d’Île-de-France historiquement attractives révèlent une fragilité énergétique. Saint-Maur-des-Fossés, Malakoff ou Saint-Germain-en-Laye figurent parmi les dix pires notes du classement Maslow.immo, avec des scores DPE pondérés autour de 3,5/7. Ces villes subissent un paradoxe : une forte tension foncière maintient les prix à un niveau élevé, mais le bâti ancien, souvent mal isolé, menace leur attractivité à long terme. Ce « décrochage » pourrait contraindre de nombreux propriétaires à réaliser des rénovations coûteuses pour rester dans le marché.

Causes des résultats et enjeux sous-jacents

L’amélioration attendue pour l’électricité tient à une cause technique et politique : le coefficient 2,3, en vigueur depuis des décennies, ne correspondait plus au niveau de décarbonation du mix français. L’abaissement à 1,9 aligne la France sur la moyenne européenne, mais surtout corrige une forme d’« injustice » pour les logements chauffés à l’électricité, pénalisés par un calcul du DPE déconnecté de la réalité carbone.

Toutefois, l’effet mécanique ne doit pas occulter les défis structurels. Les passoires énergétiques demeurent concentrées dans les centres anciens et les banlieues populaires, où l’isolation thermique reste déficiente. Dans les zones tendues, la pression démographique accentue la dissonance : les prix élevés masquent la médiocrité énergétique, mais le couperet réglementaire – interdiction de louer les G dès 2025, les F en 2028 et les E en 2034 – se rapproche. Pour les propriétaires bailleurs, le DPE devient un pivot : sans rénovation, leurs biens risquent d’être bloqués, coûteux à entretenir et difficiles à revendre.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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