Pétrole russe sanctionné : l’Allemagne obtient un sursis pour Rosneft

Les nouvelles sanctions américaines contre Rosneft plongent Berlin dans un équilibre délicat entre transition énergétique et dépendance pétrolière. Tandis que Washington accorde un répit de six mois, l’Allemagne tente de sécuriser ses raffineries sans enfreindre les mesures visant la Russie.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 29 octobre 2025 6h03
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Pétrole russe sanctionné : l’Allemagne obtient un sursis pour Rosneft - © Economie Matin
12%La raffinerie PCK Schwedt représente 12% de la production allemande.

Depuis le 22 octobre 2025, les États-Unis ont élargi leur régime de sanctions contre les entreprises pétrolières russes, visant directement Rosneft et Lukoil. L’annonce, confirmée par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), marque une intensification de la pression économique sur Moscou. Mais en Allemagne, où plusieurs raffineries stratégiques appartiennent en partie à Rosneft, la mesure suscite des inquiétudes. Berlin, au cœur d’une transition énergétique encore fragile, cherche à obtenir un délai pour ajuster sa politique sans compromettre sa sécurité énergétique.

Les décisions américaines et la portée des sanctions contre la Russie

Les États-Unis ont franchi une nouvelle étape dans leur politique de sanctions contre la Russie. Le 22 octobre, l’OFAC a désigné Rosneft et Lukoil comme « Specially Designated Nationals », bloquant leurs avoirs sous juridiction américaine et interdisant toute transaction avec des entités américaines. Selon le cabinet Global Trade & Sanctions Law, cette décision étend la liste noire à plusieurs filiales pétrolières russes et impose des risques de sanctions secondaires à leurs partenaires étrangers.

Face à ces restrictions, Washington a toutefois introduit une clause de flexibilité pour l’Allemagne. Comme le rapporte Reuters, les États-Unis ont proposé un délai de six mois à Berlin pour résoudre le dossier Rosneft, avant que les sanctions ne s’appliquent pleinement. Cette période de transition doit permettre à l’Allemagne de clarifier la situation juridique de Rosneft Deutschland, actuellement sous tutelle de l’État.

Selon Bloomberg, la proposition américaine inclut une licence générale temporaire, non renouvelable, autorisant les opérations courantes des filiales allemandes pendant le délai fixé. L’objectif est d’éviter une rupture brutale dans les approvisionnements en pétrole.

En Allemagne, une ligne de crête entre énergie et politique

En Allemagne, les sanctions contre Rosneft posent un défi stratégique. Depuis septembre 2022, Berlin a placé sous administration fédérale Rosneft Deutschland GmbH, principal actionnaire de la raffinerie PCK Schwedt, qui fournit plus de 12 % de la capacité de raffinage nationale. L’État détient désormais le contrôle opérationnel de ces infrastructures, même si les parts restent formellement attribuées au groupe russe.

Le 28 octobre 2025, un porte-parole du ministère de l’Économie a déclaré que les filiales allemandes de Rosneft « ne sont pas concernées par les sanctions américaines », confirmant la réception d’une Letter of Comfort des autorités américaines. Celle-ci garantit que Rosneft Deutschland et ses entités, bien qu’héritées du groupe russe, sont juridiquement découplées de Moscou et ne génèrent pas de revenus pour la maison-mère. Outre PCK Schwedt, Rosneft détient 24 % de la raffinerie MiRo et 28,57 % de Bayernoil. Ces participations restent sous tutelle publique, dans l’attente d’une solution durable.

Cependant, le gouvernement allemand redoute qu’un durcissement des sanctions ou un retrait prématuré du soutien américain ne compromette la stabilité de son système énergétique. La PCK Schwedt, essentielle pour l’approvisionnement du Brandebourg et de Berlin, a déjà souffert de la rupture d’acheminement du pétrole russe par l’oléoduc Druzhba.

Face à ces risques, Berlin explore plusieurs options : la cession des parts de Rosneft à un consortium occidental, la prolongation de la tutelle publique, ou une nationalisation complète. Mais les discussions avec d’éventuels repreneurs, notamment du Qatar, n’ont pas abouti jusqu’à présent, selon Ukrinform.

Les perspectives : six mois pour redéfinir l’équilibre

Ce délai de six mois, obtenu au terme d’intenses échanges diplomatiques, place l’Allemagne sous forte pression. Berlin devra présenter à Washington un plan crédible de transfert ou de restructuration des actifs de Rosneft Deutschland. Le ministère de l’Économie a confirmé que des négociations intergouvernementales sont en cours pour « garantir la sécurité énergétique tout en appliquant les sanctions ».

Selon le Financial Times, le gouvernement Scholz cherche à concilier trois objectifs : respecter les sanctions occidentales, maintenir la production des raffineries, et accélérer la transition vers des sources non russes. La mise en service d’une nouvelle connexion d’importation de pétrole via le port de Rostock fait partie de ce plan, bien qu’elle ne compense pas encore totalement la capacité du Druzhba. Les États-Unis ont clairement indiqué qu’aucune prolongation du délai ne serait accordée, selon Reuters. En cas d’inaction, les opérations liées à Rosneft Deutschland pourraient tomber sous le régime complet des sanctions, entraînant un gel des avoirs et une coupure bancaire immédiate.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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