Pétrole russe : l’UE veut taxer la Hongrie et la Slovaquie

Sous pression politique croissante, Bruxelles prépare des droits de douane sur le pétrole russe encore importé par la Hongrie et la Slovaquie. Objectif affiché : renchérir ces flux pour accélérer le basculement vers des approvisionnements alternatifs, tout en colmatant les brèches de la guerre économique menée contre Moscou.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 25 septembre 2025 13h31

Le 25 septembre 2025, la Commission européenne a annoncé une nouvelle mesure dans la guerre économique contre la Russie. Après avoir plafonné le prix du pétrole russe à 47,6 dollars le baril, elle prépare désormais une taxe douanière sur les livraisons qui passent encore par un grand pipeline hérité de l’époque soviétique. Ce tuyau, appelé Druzhba, traverse plusieurs pays et continue d’alimenter deux États membres de l’UE : la Hongrie et la Slovaquie. Pour le reste du continent, c’est une exception qui doit prendre fin.

Pourquoi parler encore de pétrole russe en Europe ?

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe a largement réduit ses importations d’énergie russe. Le gaz, le charbon et la plupart des cargaisons de pétrole arrivant par bateau ont disparu des ports européens. Mais un dernier canal reste ouvert : l’oléoduc Druzhba, qui signifie « amitié » en russe. Ce pipeline a été construit à l’époque soviétique et continue de livrer du pétrole brut directement en Hongrie et en Slovaquie.

Pour Bruxelles, ce pétrole à bas prix constitue une faille. Tant que deux pays membres de l’UE continuent d’acheter du brut russe, le Kremlin conserve une source de revenus régulière. En imposant des droits de douane, l’Union veut réduire l’avantage financier de ces livraisons et inciter la Hongrie et la Slovaquie à s’approvisionner ailleurs, même si cela coûte plus cher.

Pourquoi la Hongrie et la Slovaquie n’arrêtent-elles pas ?

La réponse tient à deux facteurs : la géographie et l’industrie. Ces deux pays sont enclavés : ils n’ont pas d’accès direct à la mer. Ils ne peuvent donc pas facilement recevoir du pétrole par bateau comme la France, l’Espagne ou l’Italie. Le pipeline Druzhba reste pour eux la solution la plus simple et la moins chère.

De plus, leurs raffineries – les usines qui transforment le pétrole brut en essence, gasoil ou kérosène – sont adaptées depuis des décennies au brut russe. En Hongrie et en Slovaquie, le groupe énergétique MOL exploite des sites capables de traiter ensemble 14,2 millions de tonnes de pétrole par an. Adapter ces installations à d’autres qualités de pétrole nécessiterait de lourds investissements techniques. Selon Bratislava, couper immédiatement le flux russe pourrait coûter jusqu’à 10 milliards d’euros à l’économie slovaque.

Il existe bien une alternative : l’Adriatic Pipeline, qui part de la Croatie et permettrait d’importer du pétrole non russe par voie maritime. Mais ce pipeline fait débat. La Hongrie affirme que sa capacité est insuffisante pour remplacer totalement Druzhba, tandis que la Croatie assure qu’elle peut livrer sans problème. Ce désaccord bloque encore une partie de la transition.

Quels effets pour la Russie ?

Le pétrole est la première source de revenus de la Russie. Chaque baril exporté rapporte des devises au Kremlin, qui finance ensuite son budget et ses opérations militaires. Depuis 2022, Moscou a trouvé des débouchés en Asie, notamment en Chine et en Inde, en vendant son pétrole à prix réduit.

Pour limiter ces recettes, l’Europe et ses alliés ont déjà fixé un plafond de prix à 47,6 dollars le baril et sanctionné 118 navires accusés de participer à des livraisons de contournement. L’ajout de droits de douane sur le pétrole livré par pipeline n’aura peut-être pas un effet massif en termes de volumes, car les quantités concernées restent modestes à l’échelle européenne. Mais le signal est important : il s’agit de montrer que plus aucun baril russe ne doit circuler sans contrainte en Europe.

Quelles conséquences pour les Européens ?

Pour la plupart des pays de l’UE, la décision ne changera pas grand-chose. La France, l’Allemagne ou l’Espagne n’achètent déjà plus de pétrole russe. Leurs approvisionnements viennent du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Amérique.
En revanche, pour la Hongrie et la Slovaquie, la facture risque d’augmenter rapidement. Si les droits de douane rendent le brut russe plus cher, leurs raffineries devront soit absorber la hausse, soit trouver de nouveaux fournisseurs. Dans les deux cas, les prix à la pompe pourraient grimper, au moins temporairement.

Pour l’UE, c’est un pari. D’un côté, Bruxelles veut forcer ces pays à réduire leur dépendance à Moscou et à investir dans des alternatives. De l’autre, elle sait que la transition coûtera cher et demandera du temps. Mais en utilisant l’arme douanière, l’Union espère accélérer le mouvement et renforcer la cohérence de sa politique énergétique.

Une étape de plus dans la guerre économique

Ces droits de douane ne sont pas une mesure isolée. Ils s’ajoutent à une longue série de sanctions financières, énergétiques et commerciales déjà mises en place depuis 2022. Chaque nouvelle décision s’inscrit dans une stratégie de long terme : réduire progressivement la place de la Russie sur le marché européen et limiter ses revenus d’exportation.

À court terme, l’impact pour le consommateur européen restera limité, car les volumes concernés sont faibles. À moyen terme, l’enjeu est stratégique : mettre fin à la dernière dépendance énergétique directe de deux pays membres et montrer que l’Europe avance unie dans la guerre économique contre Moscou.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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