Renouvelables : les députés sauvent les éoliennes et rejettent le moratoire

Alors que les débats énergétiques fracturent l’hémicycle, un moratoire explosif vient d’être repoussé. Derrière ce vote, bien plus qu’un simple désaccord technique : une bataille politique acharnée, un clivage industriel, et une urgence climatique reléguée.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 25 juin 2025 5h41
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Renouvelables : les députés sauvent les éoliennes et rejettent le moratoire - © Economie Matin
10,2%En 2023 les éoliennes ont produit 10,2% de l'électricité de la France.

Ce mardi 24 juin 2025, l’Assemblée nationale a voté massivement contre la proposition de loi dite « Gremillet », portant sur la stratégie énergétique nationale et incluant un moratoire sur l’éolien et le solaire. Le scrutin s’est soldé par 377 voix contre et 142 pour, illustrant un refus net du texte amendé par Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN).

Énergies renouvelables : l’Assemblée nationale rejette le moratoire sur l'éolien et le solaire

Proposé initialement au Sénat, ce texte visait à « réaffirmer une trajectoire énergétique cohérente avec les impératifs climatiques et la relance du nucléaire ». Mais un amendement n°486, déposé par les députés LR et appuyé par le RN, avait introduit un moratoire strict sur les projets de photovoltaïque et d’éolien, terrestre comme maritime.

Les groupes Renaissance, MoDem et Horizons, issus de l’ancienne majorité présidentielle, ont dénoncé un texte profondément dévoyé de son ambition initiale. Antoine Armand (Renaissance) rappelait que : « On avait trouvé des compromis qu’on n’avait jamais trouvés dans une loi sur l’énergie, avec une relance nucléaire inédite, mais aussi des objectifs très ambitieux pour les énergies renouvelables, avec près de 200 térawattheures (TWh) d’ici à 2030. », relaye Franceinfo.

Le ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, a défendu la ligne gouvernementale en soulignant : « Refuser le solaire, l’éolien, la réalité industrielle de nos territoires ? C’est affaiblir notre souveraineté, notre compétitivité, notre avenir. » Et d’ajouter : « L’énergie n’est pas une idéologie. C’est un levier pour agir, investir, produire. »

Renouvelables : Les filières vent debout contre un moratoire qui aurait coûté très cher

L’ensemble du secteur énergétique renouvelable a réagi vivement à l’amendement moratoire. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER), Enerplan (spécialiste du solaire), et France Agrivoltaïsme ont dénoncé une mesure qui aurait mis en péril jusqu’à 80 000 emplois, selon Challenges.

« Nous avons atteint un seuil critique, celui de la crédibilité de l’action politique. Dessiner l’avenir énergétique de la France en décidant, par pure convention politicienne, que le solaire et l’éolien devaient être exclus de l’équation est totalement irresponsable. Notre secteur économique demande solennellement au Gouvernement et au rapporteur, qui sont les seuls acteurs capables de déposer encore des amendements à ce stade de l’examen du texte, de faire des propositions afin d’éviter une véritable aberration énergétique », soulignait, avant le vote, Jules Nyssen, Président du SER.

Le Signal Réglementaire Incohérent a été pointé du doigt par l’Union française de l’électricité (UFE), qui a estimé que ce moratoire jetait le doute sur la sécurité d’approvisionnement, la visibilité des investisseurs, et la stabilité du cadre français vis-à-vis du droit européen. Des juristes et experts ont d’ailleurs mis en cause la compatibilité de cette mesure avec les engagements climatiques européens de la France, inscrits dans la directive 2018/2001 de l’Union européenne. La loi, si elle avait été maintenue, aurait pu provoquer à la fois un séisme économique et social, avec des licenciements massifs, mais aurait aussi risqué à la France de s’attirer les foudres de Bruxelles, alors que la lutte contre le réchauffement climatique est toujours plus d’actualité.

Moratoire sur l’éolien et le solaire : un précédent évité de justesse

S’il avait été adopté, le moratoire aurait suspendu toute instruction administrative, autorisation et mise en service de projets renouvelables, sans délai de reprise défini. Il aurait aussi figé l’installation de nouvelles capacités, provoquant une rupture dans la dynamique de transition énergétique engagée depuis la loi LTECV de 2015 (Loi sur la Transition Énergétique pour la Croissance Verte). Les défenseurs de l'amendement, issus de la droite et de l’extrême-droite, arguaient que la prolifération désordonnée de parcs solaires et éoliens nuisait aux paysages, générait une interférence avec l’acceptabilité sociale, et posait des questions sur la disponibilité foncière.

Ce rejet marque un tournant politique. La relance du nucléaire reste une priorité affirmée en France, mais elle ne doit pas, selon l’exécutif, se substituer au développement des renouvelables. Le refus du moratoire acte une volonté de maintenir une stratégie énergétique hybride, combinant atome et énergies intermittentes, dans une logique de sécurité énergétique et de compétitivité industrielle.

Le texte doit désormais retourner au Sénat pour une seconde lecture. Toutefois, la trajectoire qu’il dessinait est désormais vidée de sa substance.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

2 comments on «Renouvelables : les députés sauvent les éoliennes et rejettent le moratoire»

  • Samson jordan

    Merci de ne pas oublier de citer tous les autres groupes politiques qui ont dénoncé ce projet de moratoire : Exemple LIOT, le PS, le PCF, les Ecologistes et LFI

    Répondre
  • Samson jordan

    Merci de ne pas oublier de citer tous les autres groupes politiques qui ont dénoncé ce projet de moratoire : Exemple LIOT, le PS, le PCF, les Ecologistes et LFI

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