Salaire minimum : la CJUE confirme l’obligation mais…

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de rendre une décision historique sur la directive européenne relative au salaire minimum. En confirmant sa légalité mais en invalidant deux de ses dispositions clés, la Cour redessine le cadre social de l’Europe et laisse entrevoir des changements majeurs pour les salariés des États membres.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 12 novembre 2025 7h00
Montant Salaire Minimum Smic France 2016 Hausse Argent
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80%L’objectif est que 80 % des salariés européens soient couverts par des accords sectoriels

Le 11 novembre 2025, la CJUE a rendu un arrêt décisif sur le salaire minimum européen. Saisie par le Danemark, soutenu par la Suède, la Cour a rejeté leur recours et confirmé la validité de la directive (UE) 2022/2041 sur des salaires minimaux adéquats, adoptée en 2022. Toutefois, elle en a annulé deux articles essentiels, concernant la fixation des critères obligatoires et l’interdiction de baisse du salaire minimum. Cette décision, saluée par la Commission européenne, modifie en profondeur l’équilibre entre la compétence nationale et l’ambition sociale de l’Union.

La CJUE confirme la légalité du cadre européen sur le salaire minimum

La décision du 11 novembre 2025 constitue une étape majeure dans la construction sociale européenne. Le Danemark contestait la directive, estimant qu’elle violait le principe de subsidiarité et empiétait sur les compétences nationales en matière de fixation des salaires. La CJUE a toutefois rejeté ces arguments, estimant que le texte européen « établit un cadre visant à garantir l’adéquation des salaires minimums statutaires dans les États membres et à promouvoir la négociation collective », selon l’arrêt cité par le média espagnol Ara.

Selon la Courthouse News Service, la Cour a souligné que la directive « n’impose que des obligations de moyens et non de résultat, dans le plein respect de l’autonomie des partenaires sociaux et des systèmes nationaux de fixation des salaires ». Autrement dit, les États conservent la liberté d’organiser leurs mécanismes de rémunération tout en respectant les principes communs.

La Commission européenne s’est félicitée de cette clarification. Dans un communiqué publié le même jour, elle a rappelé que la directive représente « une avancée majeure du socle européen des droits sociaux » et qu’elle vise à « améliorer la protection des travailleurs à bas revenus tout en respectant les traditions nationales ».

Deux dispositions du texte sont annulées par la Cour

Si la directive est globalement confirmée, la CJUE a néanmoins censuré deux articles précis. D’abord, elle a invalidé la disposition imposant aux États membres de prendre en compte une liste obligatoire de critères – pouvoir d’achat, niveau général des salaires, productivité, taux de croissance – pour fixer ou ajuster leur salaire minimum. La Cour estime que cette contrainte allait au-delà des compétences de l’Union.

Ensuite, la CJUE a supprimé la clause interdisant aux pays disposant d’une indexation automatique du salaire minimum d’envisager une baisse en période de récession. Selon Euronews, la Cour considère que cette disposition portait atteinte à la liberté de négociation collective et aux spécificités nationales.

Ces ajustements ne remettent toutefois pas en cause la philosophie générale du texte : garantir que chaque salarié européen bénéficie d’une rémunération lui assurant « un niveau de vie décent ». Pour le groupe The Left au Parlement européen, « malgré l’annulation partielle de la directive, la décision montre clairement que l’Union dispose de la compétence nécessaire pour mener des politiques sociales cohérentes avec le pilier européen des droits sociaux ».

Décision de la CJUE sur le salaire minimum : qu’est-ce qui va changer ?

L’arrêt de la CJUE ouvre une nouvelle phase pour les États membres, qui doivent désormais ajuster leur législation nationale à la lumière de cette interprétation. Pour la plupart, cela signifie conserver leurs systèmes existants mais revoir la manière dont les critères d’ajustement du salaire minimum sont appliqués. En France, où le SMIC est déjà bien établi, la portée est limitée ; mais dans les pays où la couverture collective est faible, comme la Hongrie ou la Bulgarie, les effets pourraient être significatifs.

La directive invite aussi les gouvernements à renforcer la négociation collective. L’objectif est que 80 % des salariés européens soient couverts par des accords sectoriels, selon la Commission européenne. Cela pourrait entraîner une revalorisation indirecte du salaire minimum dans des secteurs aujourd’hui en marge de la protection.

Les écarts restent considérables au sein de l’Union européenne : selon Euronews, au 1er janvier 2025, le salaire minimum brut mensuel allait de 551 euros en Bulgarie à 2 638 euros au Luxembourg. La directive recommande, sans les imposer, deux seuils indicatifs : 60 % du salaire médian et 50 % du salaire moyen national. Ces repères devraient servir de référence politique pour de futures revalorisations.

Pour les salariés, les effets immédiats dépendront du contexte national. Dans les pays d’Europe du Nord, où les salaires sont négociés collectivement sans salaire minimum légal, la directive n’impose pas de changement. En revanche, dans les pays du Sud et de l’Est, elle pourrait stimuler des augmentations progressives du montant du salaire minimum.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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