Tempête solaire : l’ESA simule l’apocalypse spatiale

L’ESA vient d’orchestrer une simulation sans précédent d’une tempête solaire d’ampleur historique. Objectif : comprendre comment une telle explosion du Soleil pourrait affecter les satellites, les communications et les infrastructures terrestres. Un scénario de science-fiction ? Pas tout à fait : les scientifiques de l’agence européenne veulent s’y préparer avant qu’il ne soit trop tard.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 27 octobre 2025 6h56
Satellite Mission Copernicus Mise Orbite Etude Pollution
@shutter - © Economie Matin
1000 MILLIARDS $Le coût d'une tempête solaire de type Carrington pourrait dépasser les 1000 milliards de dollars.

Le 24 octobre 2025, l’European Space Agency (ESA) a rendu public un exercice de simulation reproduisant une tempête solaire comparable à l’événement de Carrington de 1859, le plus violent jamais enregistré. Cet exercice inédit s’inscrit dans la montée en puissance de l’activité du Soleil, alors que le cycle 25 atteint son pic. L’agence, en collaboration avec plusieurs centres spatiaux européens, a voulu évaluer les risques sur les satellites, les réseaux électriques et les systèmes de communication. Une initiative cruciale, puisque selon l’ESA, une telle tempête solaire n’est pas une question de si, mais de quand elle surviendra.

Tempête solaire apocalyptique : ce qu’a simulé l’Agence Spatiale Européenne

Durant plusieurs jours, les ingénieurs de l’ESA, réunis au centre de contrôle ESOC à Darmstadt, ont recréé les effets d’une tempête solaire extrême sur les infrastructures spatiales européennes. Cette opération baptisée Carrington Simulation Exercise s’est déroulée en trois phases successives.

Dans la première phase, les chercheurs ont modélisé une éruption solaire de classe X45, un niveau d’énergie rarissime pouvant perturber instantanément les signaux radio et les systèmes de navigation. Selon Earth.com, une telle éruption pourrait « interférer avec les satellites, couper les réseaux électriques et perturber les signaux GPS dans le monde entier ». Quelques minutes après la « détonation solaire », la simulation prévoyait l’arrivée de particules à haute énergie, provoquant des anomalies électroniques sur les satellites.

Enfin, une éjection de masse coronale (CME) voyageant à près de 2 000 km/s a été introduite dans le scénario pour reproduire les effets d’un choc magnétique sur la magnétosphère terrestre. Selon Phys.org, la densité atmosphérique a été multipliée jusqu’à 400 %. Ce qui provoquerait un accroissement brutal de la traînée sur les engins spatiaux en orbite basse, a détaillé Jorge Amaya, responsable de la dynamique orbitale à l’ESA.

Une catastrophe qui n’attend que de se produire

L’objectif de l’agence n’était pas seulement de vérifier le bon fonctionnement de ses outils. Il s’agissait d’un test grandeur nature de la résilience spatiale européenne face à une crise solaire majeure. « Ce n’est pas une question de savoir si cela se produira, mais quand », a affirmé Gustavo Baldo Carvalho, responsable de la simulation.

Les scientifiques savent que le Soleil entre dans une phase particulièrement active de son cycle : le maximum solaire de 2025. Les tempêtes de type Carrington se produisent en moyenne une fois tous les 150 ans, mais la probabilité d’un nouvel événement majeur augmente. Pour l’ESA, l’enjeu est double : protéger les satellites essentiels et anticiper les effets secondaires sur Terre.

Selon Thomas Ormston, directeur adjoint des opérations du satellite Sentinel-1D, « en cas d’événement extrême, il n’existe pas de bonnes solutions ; l’objectif serait de garder les satellites en sécurité et de limiter les dégâts ». Les ingénieurs ont donc entraîné les équipes à couper certains systèmes, à réorienter les antennes et à réduire la consommation électrique des engins.

Mais cet exercice n’était pas isolé. Il s’inscrit dans le cadre d’une stratégie à long terme de l’ESA : la mise en œuvre du programme D3S (Distributed Space Weather Sensor System) et le développement de la mission Vigil, prévue pour 2031. Ces projets permettront de placer des instruments de surveillance solaire supplémentaires aux points de Lagrange, offrant une détection plus rapide des tempêtes solaires avant qu’elles n’atteignent la Terre.

Les conséquences d’une tempête solaire extrême

Si un tel événement se produisait réellement, les conséquences seraient massives, tant dans l’espace que sur Terre.

Effets sur les satellites et l’espace

D’abord, le gonflement de l’atmosphère terrestre provoqué par une tempête solaire majeure augmenterait la traînée des satellites en orbite basse. L’ESA estime que la densité atmosphérique pourrait grimper de +400 %, forçant les opérateurs à rehausser l’altitude de centaines d’engins pour éviter leur désorbitation. Cette hausse du frottement perturberait aussi le suivi des objets orbitaux, multipliant le risque de collisions. Jan Siminski, ingénieur du département Space Safety, explique que « la prise de décision devient alors un équilibre délicat entre manœuvrer ou risquer l’impact ».

De plus, les particules chargées émises par le Soleil peuvent endommager les composants électroniques, voire détruire les systèmes critiques des satellites. Comme l’a résumé Jorge Amaya : « Une explosion de l’ampleur de Carrington ne laisserait aucun satellite intact ». L’ensemble des infrastructures spatiales, civiles comme militaires, serait alors affecté.

Effets sur la Terre et les infrastructures

Au sol, la tempête solaire perturberait immédiatement les communications, la navigation GPS et les réseaux électriques. Selon Earth.com, les courants géomagnétiques induits pourraient surcharger les transformateurs et provoquer des pannes à grande échelle. En 1859, lors de l’événement de Carrington, des télégraphes ont pris feu ; aujourd’hui, les conséquences seraient bien plus graves, nos sociétés dépendant massivement des satellites et de l’électricité.

Les chercheurs de l’Université d’Helsinki rappellent que les satellites météo, les liaisons maritimes et les systèmes d’urgence pourraient être temporairement aveugles. L’article du Helsinki Times souligne que « la perte de connectivité satellitaire pourrait durer plusieurs jours, paralysant le transport, les communications et les opérations de secours ».

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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