Le gouvernement voulait instaurer une taxe sur les titres-restaurant et autres avantages salariés. Mais l’Assemblée nationale a finalement rejeté la proposition. Un revers politique, budgétaire et symbolique.
Titres-restaurant : la taxe de 8 % n’aura pas lieu

Le 6 novembre 2025, l’Assemblée nationale a tranché : pas de taxe sur les titres-restaurant. Ce dispositif, inscrit dans l’article 8 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026), devait instaurer une contribution patronale de 8 % sur ces avantages. En la rejetant, les députés ont stoppé une réforme que le gouvernement jugeait nécessaire pour rééquilibrer le système social, mais qui inquiétait profondément les salariés.
Ce que prévoyait la taxe sur les titres-restaurant
Le cœur de la mesure se trouvait dans le PLFSS 2026. Le gouvernement proposait de créer une taxe équivalente à une contribution patronale de 8 % sur les titres-restaurant, les chèques-vacances et d’autres avantages financés par les comités sociaux et économiques (CSE).
Selon TF1 Info, cette contribution devait rapporter environ 950 millions d’euros dès 2026. L’objectif affiché : réduire ce que l’exécutif appelle les « niches sociales », c’est-à-dire les dispositifs exonérés de cotisations sociales. Le coût de la seule exonération des titres-restaurant était évalué à 1,9 milliard d’euros en 2024, soit une hausse de 45 % depuis 2019, selon Public Sénat.
Pour Bercy, il s’agissait de mieux aligner les avantages sociaux sur le droit commun. La mesure visait à corriger les « effets de substitution » entre salaire direct et avantages défiscalisés. En d’autres termes, limiter le recours croissant à ces compléments de rémunération pour contourner le poids des cotisations. Le ministère de l’Économie rappelle que les compléments de salaire ont augmenté de 7,8 % par an entre 2018 et 2023, contre 4,1 % seulement pour les rémunérations de base.
Cette divergence nourrit le débat sur la frontière entre avantages et salaire. Pour le gouvernement, taxer davantage ces dispositifs revenait à rétablir une certaine équité fiscale. Pour les salariés, c’était une menace directe sur leur pouvoir d’achat. D’autant que la taxe aurait également concerné plusieurs prestations sociales d’entreprise, y compris les chèques-vacances et certains bons d’achat financés par les CSE.
Taxe sur les titres-restaurant : un rejet net à l’Assemblée nationale
L’échec du gouvernement a été sans appel. Le vote du 6 novembre 2025, en séance publique, a conduit au rejet pur et simple de l’article 8 du budget social. Selon LCP, « de manière unanime, les députés ont jugé que cette mesure allait nuire aux pouvoirs d’achat des salariés ». Une majorité de groupes, de la gauche à la droite, ont refusé de suivre le gouvernement.
Lors des débats, la ministre Prisca Thévenot a tenté de défendre la mesure en déclarant : « Arrêtons avec cette folie fiscale. (…) Si vous voulez trouver des moyens de financement, préférons à cela des réformes. », relaye LCP. Un plaidoyer qui n’a pas suffi à renverser la tendance : même au sein de la majorité présidentielle, plusieurs députés ont exprimé leurs réserves.
Le rapport de force politique s’est cristallisé autour de deux arguments. D’une part, le gouvernement invoquait la nécessité de nouvelles recettes pour financer la Sécurité sociale. D’autre part, l’opposition, mais aussi une partie des élus du centre, redoutaient l’effet de cette taxe sur le pouvoir d’achat. Le rejet a eu un effet immédiat : il prive le budget 2026 d’une recette évaluée à près d’un milliard d’euros. Une somme non négligeable à l’heure où l’exécutif cherche à combler un déficit de la Sécu estimé à plus de 13 milliards.
Selon La Tribune, ce refus oblige désormais Bercy à trouver « d’autres leviers de financement », sans alourdir la pression fiscale sur les ménages. Les opposants, eux, se félicitent d’une victoire politique et sociale. Les titres-restaurant, qui constituent pour beaucoup un complément de revenu, sont devenus un marqueur sensible de la politique salariale. La perspective d’une taxe sur ces avantages a donc rapidement pris une dimension politique majeure.
Un enjeu fiscal et social pour les salariés
Les salariés concernés sont nombreux. Selon le ministère de l’Économie, plus de 5,4 millions de travailleurs bénéficient aujourd’hui de titres-restaurant, dont le montant moyen s’élève à 9,40 € en 2025. L’employeur participe entre 50 % et 60 % de cette valeur, dans la limite de 7,26 € exonérés de cotisations sociales depuis le 1ᵉʳ janvier 2025.
L’instauration d’une taxe de 8 % aurait directement impacté ces équilibres. Si la charge était absorbée par les entreprises, elle aurait alourdi leur coût du travail. Si elle avait été répercutée, même partiellement, les salariés auraient vu leur avantage diminuer. Dans un cas comme dans l’autre, le pouvoir d’achat aurait été affecté. Le vote de rejet à l’Assemblée nationale protège donc, à court terme, les salariés de ce risque. Mais il pose un dilemme : comment financer durablement la Sécurité sociale sans élargir la base des contributions ?
Pour le gouvernement, la réforme n’était pas seulement budgétaire, elle visait aussi à simplifier le système d’exonérations. Les titres-restaurant sont aujourd’hui considérés comme un complément de salaire, mais ils échappent en grande partie aux charges sociales. Cette particularité, héritée des années 1960, coûte cher aux comptes publics : près de 2 milliards d’euros de manque à gagner chaque année. L’exécutif espérait corriger cette distorsion, tout en maintenant le dispositif dans ses grandes lignes. Or, le vote de rejet repousse toute évolution à plus tard. D’ici là, les titres-restaurant resteront soumis au même régime d’exonération, une situation jugée « injuste » par certains économistes, mais politiquement intouchable.
