TotalEnergies condamnée pour greenwashing : une première et un coup dur

Le tribunal judiciaire de Paris a condamné TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses, marquant une première judiciaire majeure en France. Derrière cette affaire de greenwashing, la justice reproche au géant pétrolier d’avoir exagéré ses engagements climatiques. Une décision symbolique, mais aux conséquences bien réelles.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 23 octobre 2025 16h14
Totalenergies Condamnee Pour Greenwashing
TotalEnergies condamnée pour greenwashing : une première et un coup dur - © Economie Matin

Le 23 octobre 2025, la justice française a partiellement condamné TotalEnergies pour avoir diffusé des publicités mensongères sur sa prétendue neutralité carbone. S’appuyant sur des campagnes lancées entre 2021 et 2022, le tribunal a jugé que le groupe avait induit en erreur les consommateurs quant à l’ampleur réelle de sa transition énergétique. Cette décision, inédite dans son genre, éclaire la frontière désormais fragile entre communication environnementale et manipulation commerciale.

Une condamnation fondée sur des pratiques commerciales trompeuses

Tout commence en mars 2022 : trois ONG, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, déposent une plainte contre TotalEnergies pour greenwashing. Leur argument ? Les campagnes publicitaires du groupe, vantant une « neutralité carbone » et une « transition énergétique exemplaire », présentaient comme déjà acquis des engagements encore hypothétiques.

Selon le tribunal judiciaire de Paris, ces messages ont altéré la perception du consommateur, le poussant à croire que TotalEnergies jouait un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique. Or, la justice rappelle que 78 % du chiffre d’affaires du groupe en 2024 provenait encore des énergies fossiles. Le jugement souligne que cette communication donnait une image disproportionnée de l’effort climatique de la société, contrevenant ainsi au Code de la consommation.

L’affaire trouve son fondement dans la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales, transposée en droit français. Celle-ci interdit toute publicité contenant des informations fausses ou de nature à tromper le public. En retenant le délit de pratique commerciale trompeuse contre TotalEnergies, la justice ouvre la voie à un précédent juridique redouté par les multinationales.

Des sanctions symboliques mais un signal fort pour le secteur

La décision du 23 octobre 2025 n’impose pas une amende colossale, mais elle fixe un cadre : TotalEnergies doit verser 8 000 euros à chacune des trois associations plaignantes, soit 24 000 euros au total, auxquels s’ajoutent 15 000 euros de frais de justice. Plus encore, le groupe est sommé de retirer de son site Internet toute mention jugée trompeuse et de publier un lien vers le jugement. À défaut, une astreinte journalière pouvant atteindre 20 000 euros sera appliquée.

Le tribunal a néanmoins rejeté une partie des accusations, notamment celles relatives au gaz et aux biocarburants, estimant que certaines allégations relevaient de la libre appréciation commerciale. Cette condamnation partielle n’en demeure pas moins historique : jamais une major pétrolière n’avait été sanctionnée en France pour avoir enjolivé ses engagements environnementaux.

Du côté des associations, la victoire contre TotalEnergies est symbolique. Les Amis de la Terre parlent d’un « tournant juridique contre la désinformation climatique des majors pétrolières ». Pour Greenpeace, ce jugement démontre qu’« il n’est plus possible pour les grandes entreprises d’utiliser le climat comme argument marketing sans preuves tangibles ».

TotalEnergies face au verdict des marchés

Sur le plan économique, les effets immédiats de cette condamnation sont restés mesurés. Le titre TotalEnergies n’a que légèrement reculé à la Bourse de Paris, signe que les investisseurs considèrent la sanction comme limitée financièrement. Cependant, les analystes y voient un avertissement : les risques juridiques liés au climat s’intensifient et pourraient, à terme, peser sur la valorisation du groupe.

Les données financières de 2025 restent solides : un bénéfice net par action estimé à 5,88 euros, un dividende de 3,32 euros et un rendement supérieur à 6,6 %. Mais cette solidité pourrait être fragilisée si d’autres recours s’engagent. En effet, la condamnation pourrait encourager de nouvelles actions en justice, en France comme à l’étranger, autour des communications environnementales de grandes entreprises fossiles.

Un précédent pour les entreprises et la régulation climatique

Cette condamnation crée un précédent : pour la première fois, une entreprise du CAC 40 est reconnue coupable d’avoir trompé le public sur la portée de ses engagements climatiques. Ce jugement pourrait inspirer d’autres actions contre des acteurs de l’énergie, de la finance ou de la distribution.

Les juristes saluent une évolution majeure du droit : la justice environnementale ne se limite plus aux dommages matériels ou à la pollution, elle s’étend désormais aux promesses. En d’autres termes, communiquer sur la transition écologique engage juridiquement l’entreprise. Ce glissement pourrait transformer la stratégie de communication des grands groupes, contraints d’adopter une prudence accrue dans leurs messages publicitaires.

Enfin, cette affaire illustre la montée en puissance du contentieux climatique en Europe. La régulation se durcit, les consommateurs deviennent plus attentifs, et les ONG, mieux armées juridiquement, se positionnent comme des contre-pouvoirs face aux discours trop ambitieux des multinationales.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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