L’automobiliste urbain pourra-t-il bientôt faire fi des vignettes Crit’Air sans risquer une amende ? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais en tout cas, c’est bien parti.
Suppression des ZFE : une bonne nouvelle qui cache des milliards de pertes

Le 28 mai 2025 : un vote qui bouleverse la trajectoire des ZFE
C’est dans l’ambiance survoltée de l’Assemblée nationale que, le 28 mai 2025, les députés ont adopté une mesure inattendue : la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), ces périmètres urbains limitant la circulation des véhicules les plus polluants. Cette disposition explosive est issue d’un amendement introduit dans le projet de loi de simplification de la vie économique, principalement porté par des membres du Rassemblement national. Leur objectif ? Démanteler un système jugé « absurde et pénalisant pour les travailleurs » selon les termes de l’exposé parlementaire officiel de l’amendement n°CS935.
La portée du vote ne s’arrête pas là. L’article adopté prévoit également de supprimer l’utilisation des futurs radars automatisés prévus pour contrôler le respect des vignettes Crit’Air. Pour ses initiateurs, cette double mesure permettrait de « restaurer la liberté de circulation des professionnels » dans des villes comme Rouen, où les déviations manquent cruellement.
Mais ce vote, aussi tranchant qu’il soit, n’est en rien une garantie. Le gouvernement pourrait tout simplement refuser de promulguer le texte ou encore laisser le Conseil constitutionnel censurer cette disposition pour cause de cavalier législatif. Autrement dit, la guerre des ZFE n’est peut-être qu’à son premier acte.
ZFE : entre contraintes urbaines et impacts sanitaires massifs
Depuis leur déploiement, les ZFE ont divisé. Mais elles reposaient sur une certitude : les villes suffoquent, et l’inaction coûte des vies. Selon l'Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air causerait près de 40 000 décès prématurés par an en France. Un chiffre que rappelle la mairie de Paris, vent debout contre la décision parlementaire. « Les ZFE sont indispensables pour protéger la santé publique », a martelé la municipalité, comme le rapporte Franceinfo le 29 mai 2025.
David Belliard, adjoint chargé des mobilités, n’a pas mâché ses mots dans Le Figaro : « Une décision stupide et injuste », fustigeant le coup porté aux politiques de long terme qui avaient permis à Paris de réduire de moitié la pollution en vingt ans. La mairie s’indigne également de l’effet domino que la suppression des ZFE pourrait produire sur les autres métropoles, déjà engagées dans des calendriers stricts de restriction (Lyon, Marseille, Lille, Grenoble...).
Et pour cause : selon une étude relayée par Le Monde, près de 2,7 millions de véhicules Crit’Air 3, 4 et 5 pourraient être remis en circulation dans les zones urbaines si les ZFE disparaissent. Un retour en arrière jugé « désastreux » par les autorités sanitaires.
Les conséquences économiques : un pari risqué pour les finances publiques
Derrière la victoire affichée de certains députés se cache une bombe budgétaire. En intégrant la suppression des ZFE dans un texte de simplification économique, les législateurs risquent de déclencher une série de sanctions de la part de la Commission européenne.
D’après BFMTV, la France pourrait perdre jusqu’à 3,3 milliards d’euros d’aides européennes issues du Plan national de relance et de résilience. Ces financements étaient conditionnés à la mise en œuvre de politiques environnementales robustes, dont les ZFE étaient l’un des piliers. Pis encore, un milliard d’euros déjà versé pourrait être réclamé par Bruxelles. Les précédentes évaluations de la Commission ont déjà démontré qu’elle ne tolère aucun relâchement sur les engagements verts signés dans le cadre du pacte vert européen. Et le retrait des ZFE pourrait bien être interprété comme une violation.
Des automobilistes soulagés, mais pour combien de temps ?
Dans l’immédiat, la suppression des ZFE suscite un soulagement certain chez nombre d’automobilistes. CNEWS souligne que les véhicules anciens, parfois indispensables aux ménages modestes ou aux artisans, pourraient à nouveau circuler sans restriction dans les centres urbains.
Mais ce court répit pourrait cacher un retour de bâton. Car sans réglementation locale, les villes perdront un outil-clé de régulation du trafic, de réduction des émissions et de pression sur les constructeurs pour accélérer la transition vers des motorisations plus propres.
Suppression des ZFE, victoire à la Pyrrhus ?
En apparence, le vote du 28 mai consacre une victoire politique pour ceux qui dénoncent l’écologie punitive. Mais cette victoire pourrait bien coûter cher. Sur le plan sanitaire, en remettant sur les routes les véhicules les plus polluants. Sur le plan juridique, en risquant une censure du Conseil constitutionnel. Et sur le plan économique, en fragilisant la France face aux exigences européennes.
La suppression des ZFE est désormais votée, mais sa mise en œuvre demeure suspendue à plusieurs épées de Damoclès. D’ici là, une chose est sûre : la guerre de l’air ne fait que commencer.
