L’endettement dans l’agriculture : un outil de contrôle politique et social ?

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Par Miramap Publié le 30 juillet 2013 à 3h30

La bancarisation ne va pas de soi dans l'agriculture et il a existé, dans l'histoire des agricultures, une forme de résistance à l'endettement de la part des paysans, comme nous le rappelle André Neveu. Peu à peu, l'endettement est devenu une arme politique pour orienter tout un système agricole. Le taux d'endettement moyen dans le domaine agricole est de 40 % et peut monter jusqu'à 60 % pour le maraichage.

Dans le monde paysan, l'endettement est presque inévitable

L'endettement moyen ne fait qu'augmenter (50 000 euros en 1980, 163 700 euros en 2011) accompagnant un agrandissement des structures et un alourdissement des investissements. Comme le souligne Solidarité Paysans, il y a un lien entre l'endettement, la pression productiviste et l'utilisation de pesticides. Les paysans pris à la gorge par le remboursement de leurs mensualités ne voient souvent guère d'autres possibilités que de recourir aux pesticides pour limiter les incertitudes et accroître leur production.

Parmi les figures utilisées pour illustrer la condition de l'homme moderne à l'âge du néolibéralisme, Maurizio Lazzarato utilise celle de l'Homme endetté. Plus qu'une simple sous-catégorie de Homo economicus, il en est la manifestation la plus concrète. Maurizio Lazzarato nous permet d'identifier ce qui se joue d'anthropologique, de sociale et de politique dans la relation de crédit. Le crédit relève d'une logique de la dette et il impose une relation de pouvoir entre un créancier et un débiteur. La dette n'est pas seulement un dispositif économique mais une technique de contrôle des comportements qui permet au capitalisme d'avoir une mainmise sur l'avenir.

Le crédit doit être intégré dans une réflexion globale sur le projet agricole

En contrôlant la dette, on contrôle les orientations politiques. « Ce qui est mobilisé par la relation de crédit, ce n'est pas les capacités physiques et intellectuelles [...] mais la moralité du débiteur, son mode d'existence ». Ce que contrôle le créancier, ce n'est pas seulement un capital mais aussi un mode d'existence, à savoir un ensemble de choix et de comportement qui déterminent l'orientation d'un projet. L'existence est ici à comprendre comme « puissance d'auto-affirmation, d'auto-positionnement, choix qui fondent et portent des modes et des styles de vie ». Cet aspect est particulièrement probant dans le domaine agricole où l'endettement sert d'outils d'orientation politique pour soutenir un mode d'existence de l'activité agricole.

L'endettement, à différents degrés, est aujourd'hui consubstantiel aux installations. Il ne s'agit pas pour nous de dire qu'il faut abolir le crédit comme outil d'investissement mais qu'il y a une nécessité de se le réapproprier en changeant les critères, notamment en y associant des dimensions de solidarité, d'autonomie, de proximité et de transparence. Par ailleurs, le crédit ne devrait pas être considéré comme une fin en soi mais intégré dans une réflexion globale sur le projet agricole.

La logique de l'installation progressive, mise en avant par la Confédération paysanne, est intéressante pour cela. Les logiques limitant l'investissement initial, comme l'auto-construction ou les installations productives sur petites surfaces, sont également des voies à explorer.

Extrait du Chapitre 1 par Léo Coutellec du livre "Une autre finance pour une autre agriculture", coordonné par le Miramap aux éditions Yves Michel.

couverture une autre finance

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Il s'agit du mouvement inter-régional des AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne).

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