Biocoop pratique le dénigrement des pommes non bio

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Par Gil Rivière-Wekstein Publié le 13 août 2017 à 5h58
Panique Dans Nos Assiettes 23777586
30 000 eurosBiocop a été condamné à payer 30 000 € d'amende pour délit de dénigrement en 2016.

Panique dans l'assiette, ils se nourrissent de nos peurs de Gil Rivière-Wekstein publié aux éditions le Publieur en 2017, révèle à ses lecteurs les pratiques fallacieuses qui gangrènent l'industrie agroalimentaire. En voici un extrait :

[...] Les boîtes de prod n’ont pas le monopole de la fabrique de la peur. Conseillées par des cabinets de communication, certaines enseignes utilisent allégrement ce genre de méthodes. Avec tous les débordements possibles. Tel est le cas de Biocoop qui n’hésite pas à participer à la montée d’une défiance vis-à-vis de notre assiette, mais aussi de nos filières agricoles traditionnelles et de ses principaux acteurs, nos agriculteurs, dont le malaise est devenu profond. Là aussi, la pomme en fait les frais.

Les visuels de Biocoop contiennent un message trompeur

Septembre 2014 : Biocoop, le géant de la distribution des produits issus de l’agriculture biologique, dévoile sa campagne d’automne, réalisée par Fred & Farid, les fondateurs branchés d’une agence spécialisée dans les campagnes chocs aux messages simplistes. Le cahier des charges est clair : le temps « des démarches didactiques, voulant tout expliquer » est révolu, car « les gens n’ont plus le temps pour ça. Ils n’ont ni le temps, ni l’envie, ils ne sont plus programmés pour une telle complexité de message », estime Patrick Marguerie, le dircom’ de Biocoop, un ancien de Système U, qui a parfaitement compris comment tirer profit des scandales sanitaires et de la méfiance des consommateurs.
Fred & Farid propose la réalisation d’un petit film plutôt soft sur les vertus de la consommation sans emballage, mais accompagné de quelques visuels très racoleurs ordonnant, ni plus ni moins, aux citoyens de boycotter les produits vendus par les concurrents. « Il ne s’agit plus de suggérer au consommateur, mais de lui défendre d’acheter les produits présents sur la liste noire de Biocoop : le lait non bio, les pommes traitées chimiquement », résume Valentine Dal, journaliste pour la revue L’ADN. Cette démarche est clairement répréhensible aux yeux de la loi, notamment en raison de son caractère discriminatoire.
« L’enjeu pour Biocoop, et c’est ce que l’agence Fred & Farid nous apporte, c’est de pouvoir, en un condensé de mots et d’images, créer un visuel suffisamment choc pour donner envie aux consommateurs d’aller plus loin », se justifie Patrick Marguerie. Sauf que le visuel sur les pommes contient un message trompeur. En effet, en lançant son slogan « N’achetez pas des pommes traitées chimiquement », Biocoop fait croire au consommateur que ses pommes vendues dans ses magasins ne sont pas traitées.
Or, la réalité est tout autre. Souvent, le nombre de traitements dans un verger conduit en bio est supérieur à celui d’un verger conduit en protection intégrée ! Ce que ne peut ignorer le directeur de Biocoop, puisque ce fait ressort de tous les essais conduits par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), dont les conclusions ont été rendues publiques lors d’un atelier organisé par l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) le 12 décembre 2012. Les résultats de huit années d’expérimentation comparative présentés lors de l’édition 2014 du Salon des productions végétales à Angers ont démontré que les méthodes les plus respectueuses de l’environnement ne sont pas toujours celles conduites en bio !
Surprenant ? Pas pour ceux qui connaissent le métier.

Moins de produits désherbants pour plus de gazs à effets de serre ?

Certes, les techniques de désherbage mécanique, utilisées en bio comme en conventionnel, permettent une réduction de l’usage des produits de désherbage. Souvent d’ailleurs au prix d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Mais l’affaire se complique lorsqu’il faut lutter contre les problèmes fongiques (comme la tavelure) ou les attaques de pucerons. Tout naturellement, les arboriculteurs bio ont besoin de produits chimiques, qu’ils utilisent fréquemment à des doses par hectare supérieures à celles utilisées par leurs collègues conventionnels, notamment en raison de la faible durée d’action de leurs produits.
Parmi ces formulations chimiques aux noms évocateurs, on trouve l’hydroxyde ou l’oxychlorure de cuivre, le soufre sublimé et trituré, mais aussi toute une gamme de pyréthrines et de phéromones comme le méthylbutanol, l’acétate de Z-8 dodécényle, le codlémone. Certains arboriculteurs bio n’hésitent pas à asperger leurs pommes bio d’un perturbateur endocrinien avéré comme l’azadirachtine, qui obtient une dérogation chaque année depuis 2014. À cette très large gamme de produits chimiques (déclinée en plus de 100 spécialités commerciales légales), il faut ajouter une série de mélanges d’huiles essentielles, dont certaines contiennent des neurotoxines et présentent un profil toxicologique loin d’être anodin (comme le terpène, l’eugénol ou le thymol).

"Le caractère mensonger de la campagne publicitaire Biocoop est une évidence "

Le caractère mensonger de la campagne publicitaire de Biocoop est donc une évidence pour les professionnels de la protection végétale. En revanche, difficile pour le consommateur de ne pas se faire abuser. Bien que l’interprofession des fruits et légumes frais ait immédiatement réagi en déposant une assignation en référé, la campagne s’est déroulée sans entraves. Il a fallu attendre une longue procédure judiciaire de deux ans pour que la justice tranche.

Ainsi, le 21 septembre 2016, le géant du bio a finalement été condamné pour « délit de dénigrement » par la 17e Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. Les termes du jugement sont sévères : « Cette campagne publicitaire repose non pas sur la valorisation des pommes issues de l’agriculture biologique, mais au contraire sur le dénigrement de celles des autres filières, aux fins de dissuader les consommateurs d’acheter ces fruits 12 », note la Cour, qui condamne Biocoop à verser 10 000 euros à chacun des trois plaignants (l’ANPP, Interfel et la FNPF). Comble du paradoxe, le jugement tombe au moment même où Biocoop lance, à l’occasion du simulacre de tribunal contre Monsanto, une nouvelle campagne avec trois clips à l’ambiance thriller pour culpabiliser à outrance les consommateurs qui ne consomment pas de fruits et légumes bio.
Imaginé avec l’agence Hungry and Foolish, le message était : « Les experts sont unanimes, pour une alimentation équilibrée et une bonne santé, il faut consommer plusieurs fruits et légumes au quotidien ! Mais chargés de ces produits toxiques, ils pourraient devenir à eux seuls des armes contre l’environnement et la santé des Hommes 13. » En jetant de la sorte la suspicion sur les fruits et légumes conventionnels, Biocoop va à l’encontre de toutes les recommandations données par les nutritionnistes et notamment par le Programme national nutrition santé (PNNS). Un positionnement de Biocoop pour le moins irresponsable car toutes les enquêtes épidémiologiques sont unanimes : ceux qui mangent le plus de fruits et de légumes, qu’ils soient bio ou non bio, ont moins de risques d’avoir un cancer, un accident cardiovasculaire ou un diabète.

Bicoop a été condamné pour délit de dénigrement

Le jugement du 21 septembre 2016 est particulièrement important, car c’est la première fois qu’une institution de cette compétence met en cause, directement et sans appel, l’élément clé du marketing bio qui consiste à discréditer les produits issus de l’agriculture traditionnelle par tous les moyens possibles.
En général, les acteurs du bio préfèrent laisser ce genre de communication aux ONG qu’ils financent. Ainsi, Biocoop, qui compte dans son réseau 430 magasins et dont le chiffre d’affaires avoisine le milliard d’euros, est en effet un régulier pourvoyeur de fonds pour de multiples organisations de la galaxie militante écologiste, notamment les Faucheurs Volontaires d’OGM, le Criigen, le Réseau semences paysannes, Agir pour l’Environnement, et bien entendu l’association antipesticides de François Veillerette, Générations Futures. Toutes ces associations participent très largement à la mise en cause de l’agriculture conventionnelle en stigmatisant les produits que cette dernière propose aux consommateurs. Leur méthode : faire marcher la fabrique de la peur.
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Spécialiste des questions agricoles et environnementales, Gil Rivière-Wekstein lance en 2003 Agriculture & Environnement (A&E), une revue mensuelle résolument polémique et engagée pour défendre une agriculture innovante et de progrès. Il est régulièrement sollicité par les médias pour son analyse sur les enjeux agricoles et alimentaires. Son expertise sur les tendances agricoles, notamment le bio et l'agroalimentaire, est particulièrement appréciée. 

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