L’agriculture traditionnelle en France est-elle condamnée ?

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Par Jean-Louis Butré Publié le 28 février 2018 à 5h00
France Agriculture Modele Evolution Exploitations
70,7 milliards €La production agricole française en 2016 pesait 70,7 milliards d'euros.

L'industrialisation et l'internationalisation des cultures et des élevages s’accélèrent. Le vrai modèle "bio" de la petite exploitation avec retour aux pratiques traditionnelles face aux multinationales agricoles, n’a une chance de survivre sauf si des barrières sont érigées dans les plus brefs délais.

Les multinationales de l’agriculture intensive ont depuis plusieurs années intégré ce modèle bio et ils et s'en servent pour vendre toujours plus. En se servant de l’écologie, ils ont accaparé le système bio et les "labels qu’ils ont encouragés ou créés ne veulent plus dire grand-chose sauf exception. L’important c’est que le produit soit vendu dans un emballage vert, qu'il ait une étiquette difficilement déchiffrable verte et que, grâce à son label bio, l’on puisse en acheter toujours plus et surtout plus cher.

Depuis le début de l’Europe les dirigeants français pratiquent un double langage concernant la Politique agricole commune (P.A.C). En signant des traités qui permettent l’importation à bas prix des produits issus de l’agriculture intensive fabriqués au bout du monde avec des normes différentes et des salaires 10 fois plus bas , les instances de Bruxelles condamnent l'agriculture traditionnelle de la France avec l’aval de nos dirigeants qui pratiquent la langue de bois depuis des décennies.

Comment par exemple des élevages traditionnels français qui veulent fabriquer des produits sains et de qualité peuvent-ils concurrencer des « fermes brésiliennes de dizaines de milliers de bovins » entassés dans des usines concentrationnaires empilés sur des collines ou ils survivent dans des conditions moralement insoutenables ? En 2010 j’ai écrit un livre « l'imposture pourquoi l’éolien est un danger pour la France » qui a été mis à jour dans l’édition « Eolien une catastrophe silencieuse ».

Concernant l’agriculture j’ai donné comme exemple vécu la destruction du bocage poitevin autrefois patrie de la production diversifiée agricole traditionnelle et qui s’est transformé en une vaste plaine céréalière couverte maintenant d’éoliennes géantes Le département de la Vienne a déjà vu disparaitre 60% de la biodiversité, d’ après l'ancienne directrice de la Directions Régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Poitiers . Le massacre continue.

Voici un extrait du texte de ce livre :

"La France est magnifique, et dans les années soixante chaque fois que je revenais dans le Poitou, ma patrie d’enfance j’éprouvais une sorte de sérénité. Mais hélas je constatais aussi que cette région était en plein remembrement. La rage me prenait instinctivement à chaque fois, mais par manque de temps , j’essayai de me contrôler en pensant que c’était pour le bien des nombreux petits agriculteurs qui vivaient difficilement et que c’était, pour rendre l’agriculture de la France compétitive. Comme réagir ? Comment protester, quelle structure utiliser ? Quel dommage de ne pas avoir pu contribuer à sauver quelque chose ! Les habitants, dont beaucoup étaient « mal dans leur peau et souvent effondrés » ont assisté et se sont tus. Des voix se sont élevées, des précurseurs courageux de l’écologie ont bien protesté au non de la protection de la faune, de la flore de la biodiversité qui disparaissait. Mais leurs voix ne pesaient pas lourd à cette époque. J’aurai aimé les aider. Je regrette profondément de ne pas l’avoir fait. Triste réalité actuelle, pauvre Bocage et Gâtine Poitevin sacrifiés sur l’autel de la productivité. Un plan systématique pour le ravager a été mis en place, des centaines de milliers de petits champs ont été remplacés par de vastes plaines céréalières, parsemées de gigantesques silos.

Vive le maïs ! Pas encore transgénique, mais cela va venir, c’est imparable. Officiellement, c’était l’avenir assuré. Un discours officiel rabâché pour le bien des citoyens. C’était la fin de la crise agricole. Enfin les futurs paysans seraient heureux, ils pourraient vivre décemment puisque la modernité apporte le bonheur et la richesse ! Mais malgré toutes ces promesses, le problème agricole demeure, les combats incessants autour de la P.A.C. et de l’Europe montrent que les solutions n’ont visiblement pas encore été trouvées, malgré les efforts et les milliers de conférences et de réunions internationales sur le sujet.

Pendant ce temps, cette zone de la Gâtine a été ravagée. Bien sûr, il fallait remembrer pour augmenter la productivité, mais il avait été promis de n’enlever qu’une haie sur deux, et pas de transformer ce coin de France en vastes étendues désertifiées pour concurrencer le Middle West américain. Des hordes de bulldozers, monstres mécaniques modernes sans remords et aveugles, ont détruit des millions de kilomètres de haies centenaires. Les vieux chemins creux ont été rasés. D’immenses bûchers, arrosés de fioul ont brulé pendant des jours, des nuits, des mois voire plusieurs années. C’était un spectacle lamentable et apocalyptique. Des villages enfouis dans la verdure qui se croyaient à des années lumières les uns des autres se sont retrouvés dénudés. Ils sont devenus des îlots perdus au milieu de vastes plaines, arrosées l’été en permanence par de gigantesques machines qui épuisent les nappes phréatiques.

Pourquoi les associations actuelles « patentées et subventionnées » de l’écologie qui se promènent en ULM ou en hélicoptère en survolant la forêt amazonienne ne survolent- t- elles pas aussi le Poitou-Charentes pour montrer ce qui s’est passé ? Serait-ce moins visuel ? Ou existerait –il des « force occultes » qui les réduisent au silence ? Une recherche archéologie de la destruction du bocage poitevin, voilà un beau sujet d’émission, il doit exister des archives, des photos, elles n’ont pas du brûler avec les haies ! Beaucoup d’agriculteurs sont partis, leur nombre a fondu, ils ont rejoint les habitants des villes. Ceux qui restent, juchés sur d’énormes tracteurs semblent dominer le territoire. Mais ne serait-ils pas devenus les ouvriers spécialisés d’énormes multinationales céréalières qui contrôlent tout, les implants, les OGM, les engrais, les silos, les farines animales, le pain, les chaînes de distribution, les grandes surfaces ?

Les satellites qui surveillent jour et nuit les moindres surfaces, superbes machines permettant de tout voir, tout calculer, tout contrôlé, même les prix. La traçabilité des produits pour « assurer notre sécurité alimentaire » est une aubaine, c’est l’outil absolu qui permet de régner sur toute une filière. Pourtant, malgré toutes les promesses, le problème agricole reste entier. Le maïs vorace en eau a recouvert les vastes étendues dénudées à perte de vue. C’est une plante magnifique, des rendements excellents et dans de vastes régions, elle est une des bases de l’alimentation mondiale, à un détail majeur pour le Poitou : … cette « saleté » a besoin d’eau, de beaucoup d’eau. Des pompages gigantesques dans ce terrain calcaire karstique callovien et oxfordien ont épuisé les nappes phréatiques allant même jusqu’à mettre en péril les ressources protégées par les argiles du toarcien et de l’infra toarcien. Pour tenter de limiter leur épuisement, de gigantesques « bassines » ont été construite alors que leur impact écologique est inconnu à long terme. Des milliers de pompages faits directement dans l’eau des rivières ont aussi été autorisés.

Pourquoi? Par qui ? Même la ville de Poitiers manque d’eau certains étés. Des tracteurs qui longent les berges pulvérisent aussi des insecticides dans ces rivières. Mais qui a osé autoriser de telles inepties écologiques. Quel anonyme a décidé leur mort pour quelques kilos de céréales ? Les mares et les magnifiques rivières ont été assassinées. Des champs de maïs lèchent leurs berges, Il est possible certains étés de les traverser à sec. Les arbres qui la bordaient ont presque disparus, les herbes qui la recouvraient sont mortes… mais où sont passés, les joncs, les nénuphars, les oiseaux, les insectes, les fleurs ? Et 20 ans après on ose vouloir y mettre une forêt d’éoliennes de 180 mètres de haut ? Pour reboiser?"

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Ingénieur Physicien Expert Énergie et ancien PDG entreprises Président de la Fédération Environnement Durable (1750 associations de toutes les régions de France) Président d'EPAW, plateforme européenne contre les éoliennes industrielles

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