Le 25 septembre 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a publié un rapport estimant que la fraude sociale coûterait environ 13 milliards d’euros chaque année à la Sécurité sociale. Ce montant, volontairement présenté comme un plancher minimal, alimente le débat sur les responsables réels et la capacité de récupération des sommes détournées.
Fraude sociale et entreprises : le premier poste de perte
Le rapport du HCFiPS montre que 56 % de ce manque à gagner résulte du travail dissimulé des entreprises et travailleurs indépendants, soit plus de sept milliards par an. En particulier, l’Urssaf subirait un manque à gagner de 6,91 milliards via des cotisations non versées, d'après les indications du ministère de l'Économie. À l’inverse, la fraude aux prestations sociales des assurés ne représente que 34 %, soit environ 4,5 milliards, dont 1,54 milliard au titre du RSA et 1,05 milliard pour la prime d’activité. La fraude à l’Assurance‑maladie s’élève à 1,71 milliard, dont près de 1,12 milliard imputable aux professionnels de santé
Détection et recouvrement : la farce du « pactole »
Le HCFiPS distingue trois niveaux de données : fraudes estimées à 13 milliards, fraudes détectées pour 2,1 milliards, et recouvrements effectifs de seulement 600 millions d’euros. Le discours médiatique sur ce qui pourrait être récupéré devient illusoire lorsque les organismes sociaux ne récupèrent que 0,2 % à 1,5 % des montants redressés, en raison notamment d’une insolvabilité organisée des fraudeurs, révèle Le Monde.
Le chiffre 13 : solide mais limité
Le Monde rappelle également l’imprécision inhérente à ce chiffre : il repose sur des extrapolations méthodologiques aux périmètres hétérogènes. Il recouvre un volume théorique défini comme un « minorant » : il n’inclut pas tous les risques, ni toutes les prestations ou formes de fraude. En outre, la fraude fiscale — estimée entre 60 et 80 à 100 milliards d’euros — reste écrasante et difficile à mesurer avec précision.
Le plan de lutte 2025 : mesures et limites
Lors de l’annonce du plan gouvernemental le 2 août 2025, la ministre Catherine Vautrin a présenté des mesures comme l’accès aux données patrimoniales des allocataires, le gel des comptes bancaires des entreprises suspectées, et une meilleure interconnexion des caisses. Mais ce plan devra s’appuyer sur les 81 recommandations du HCFiPS qui insistent sur une stratégie intégrée de prévention, coordonnée entre organismes et acteurs publics, pour renforcer le civisme social, améliorer les contrôles et la transparence.
Fraude sociale : un problème systémique, pas une solution budgétaire
Le chiffre de 13 milliards d’euros de fraude sociale traduit un problème réel, dont les entreprises représentent plus de la moitié des pertes. Mais seul un faible pourcentage est effectivement détecté, encore moins récupéré. Les assurés sociaux ne constituent une part minoritaire. La fraude sociale ne peut être considérée comme une ressource viable pour résorber les déficits publics. À défaut d’un plan coordonné et préventif, les promesses de recouvrement seront vite rattrapées par les limites opérationnelles des mécanismes actuels. Le débat doit désormais se focaliser sur une mise en œuvre réaliste, efficace et moralement soutenable.
