L’Assemblée nationale s’apprête à examiner le projet de loi de finances pour 2025 après un accord trouvé en commission mixte paritaire. Un compromis « sans coup tordu », selon certains, mais qui laisse un goût amer à d’autres. Déficit, impôts, Aide médicale d’État, taxes sur les entreprises et les transports… Voici ce que contient ce budget qui pourrait encore évoluer et est menacé de censure.
Budget 2025 : la CMP trouve un accord, mais il dit quoi ?
Vendredi 31 janvier 2025, après une journée et demie de négociations à huis clos, les 14 parlementaires réunis en commission mixte paritaire (CMP) ont trouvé un accord sur le projet de loi de finances 2025. Mais cet accord est loin de faire l’unanimité. Si le gouvernement, porté par François Bayrou, se félicite d’un texte de compromis, plusieurs forces politiques expriment leur mécontentement. Le recours au 49.3 est probable dès lundi 3 février 2025, ouvrant la porte à une motion de censure.
Le Budget 2025 selon les parlementaires en CMP
L’objectif annoncé reste de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB. Pour y parvenir, le gouvernement a dû composer entre nouvelles recettes fiscales et réductions de dépenses.
Les nouvelles recettes fiscales : impôts et taxes en hausse
Mesure | Détail | Recettes estimées |
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Contribution sur les hauts revenus | Impôt minimal de 20 % pour les foyers fiscaux gagnant plus de 250 000 euros (500 000 euros pour un couple) | 2 milliards d’euros |
Taxe sur les transactions financières | Hausse du taux de 0,3 % à 0,4 % | Non précisé |
Taxe sur les rachats d’actions | Maintien de la taxation exceptionnelle | Non précisé |
Taxe de solidarité sur les billets d’avion | Hausse de 2,63 à 7,30 euros sur les vols européens en classe économique | 800 à 850 millions d’euros |
Malus sur les voitures thermiques et chaudières à gaz | Durcissement des règles | Non précisé |
Ces mesures, qui visent principalement les contribuables aisés et les grandes entreprises, ont suscité des critiques dans les milieux économiques. Bernard Arnault, PDG de LVMH, s’est indigné face à cette politique fiscale malgré une fortune qui a explosé et alors que les statistiques montrent que le « ruissellement » tant apprécié par Emmanuel Macron ne fonctionne absolument pas.
Des coupes budgétaires contestées
Outre l’augmentation des recettes, plusieurs coupes budgétaires ont été décidées :
- Aide médicale d’État (AME) : la majorité sénatoriale de droite souhaitait une baisse de 200 millions d’euros. Finalement, la réduction se limite à 111 millions d’euros, ramenant l’enveloppe au niveau de 2024.
- Fonction publique : les fonctionnaires ne verront pas leur délai de carence allongé, mais leur indemnisation en cas d’arrêt maladie passera de 100 % à 90 %.
- Écologie : après un débat houleux, le Fonds vert a été renfloué de 300 millions d’euros après avoir perdu près d’un milliard lors de l’examen du Sénat.
- Collectivités locales : l’État leur demande 2,2 milliards d’euros d’effort. Les départements pourront relever le plafond des frais de notaire et les régions percevront un « versement mobilité » plafonné à 0,15 %.
Des arbitrages politiques délicats : entre concessions et crispations
Les socialistes entre compromis et opposition
Les socialistes ont obtenu plusieurs concessions du gouvernement :
- Maintien des 4 000 postes d’enseignants, pourtant menacés d’être supprimés.
- Non-suppression des crédits de l’Agence Bio, défendue par la gauche.
- Réduction plus modérée du budget de l’AME.
Malgré ces avancées, Boris Vallaud, chef de file des députés socialistes, reste critique et la menace de censure du gouvernement reste entière.
L’extrême droite et la droite sénatoriale en désaccord
Le Rassemblement national (RN) hésite encore sur son vote concernant la censure. Jean-Philippe Tanguy, représentant du RN en CMP, s’est insurgé contre l’article 4 sur la régulation des prix de l’électricité, craignant une hausse des factures EDF. Une censure du gouvernement Bayrou par le RN pourrait être décidée par Marine Le Pen et Jordan Bardella.
Les Républicains, quant à eux, regrettent la suppression de certaines mesures qu’ils avaient obtenues au Sénat, comme l’amendement visant à réduire plus fortement l’AME.
Un budget qui ménage les anciens dirigeants
Un amendement de la sénatrice centriste Nathalie Goulet visant à supprimer les avantages des anciens présidents et premiers ministres (évalués à 2,8 millions d’euros) a été rejeté. Ces privilèges, incluant chauffeurs et secrétariats, seront donc maintenus.
49.3 et motion de censure : vers la fin du gouvernement de François Bayrou ?
Si la CMP a validé une version commune du budget, rien n’est encore joué. Le texte sera présenté à l’Assemblée nationale lundi 3 février 2025, où le gouvernement devrait dégainer l’article 49.3 pour forcer l’adoption sans vote.
Scénarios possibles :
- Adoption sans encombre si la majorité présidentielle parvient à contenir l’opposition.
- Motion de censure déposée par La France Insoumise et potentiellement le RN.
- Si la motion passe, le gouvernement de François Bayrou tombera… ce qui en ferait le deuxième gouvernement à se faire censure en moins de six mois.
Un budget « compromis » qui ne satisfait personne
Entre hausses d’impôts, coupes budgétaires et arbitrages politiques, le budget 2025 est un jeu d’équilibriste. Si le gouvernement tente de satisfaire à la fois Bruxelles et sa majorité, il se heurte à des mécontentements à droite comme à gauche. La question est désormais de savoir si François Bayrou parviendra à sauver son budget… et son poste.