L’alcool prolifère sur les réseaux sociaux, où plus de 5.000 contenus pro-alcool ont été identifiés en un an. Malgré des alertes répétées, l’absence d’évolution de la loi laisse aux influenceurs et aux marques une marge de manœuvre considérable, au détriment des plus jeunes.
Alcool et influenceurs : la jeunesse en première ligne

Alors que les pouvoirs publics promettent de mieux encadrer les réseaux sociaux, Addictions France publie un nouveau bilan révélant une progression alarmante de la promotion de l’alcool sur Instagram et TikTok. Dans un contexte où les influenceurs deviennent des relais essentiels pour les marques, l’association souligne un sentiment d’impunité croissant et une exposition accrue des jeunes à des contenus pourtant illégaux.
Une prolifération massive des contenus pro-alcool
Selon le dernier état des lieux dressé par l'Association Addictions France, la promotion de l’alcool se développe à un rythme soutenu depuis 2021. L’association recense plus de 16.000 publications problématiques depuis juin 2021, principalement sur Instagram et TikTok. Parmi elles, plus de 5.000 contenus pro-alcool ont été publiés sur la seule dernière année.
L’ampleur du phénomène est accentuée par la multiplicité des acteurs : 957 marques ont été identifiées, parmi lesquelles Heineken, Ricard, Laurent-Perrier, St-Germain ou Aperol. Surtout, 73% des contenus repérés prennent la forme de stories éphémères, un format qui permet de contourner plus facilement les obligations légales et complique leur retrait rapide par les plateformes.
Addictions France rappelle qu’en avril 2025, l’association a obtenu le statut de signaleur de confiance auprès de l’ARCOM. Ce statut devait garantir un traitement prioritaire de ses signalements. Pourtant, la réactivité des plateformes reste jugée très insuffisante pour assurer une application effective de la loi Evin et protéger les jeunes.
Les influenceurs, relais essentiels des marques d’alcool
Faute de cadre juridique clair, les collaborations entre marques et influenceurs continuent de prospérer. Addictions France a ainsi contacté 442 influenceurs, dont 116 nouveaux depuis septembre 2024. Mais la sensibilisation trouve souvent ses limites : 42% d’entre eux persistent à promouvoir de l’alcool, y compris 92 détenteurs du certificat d’« influence responsable » délivré par l’ARPP.
Plus préoccupant encore, certains créateurs répondent de manière hostile. L’association note que plusieurs influenceurs vont jusqu’à mobiliser leurs communautés pour se défendre publiquement et délégitimer les signalements.
Myriam Savy, Directrice de la communication et du Plaidoyer à Addictions France, résume ainsi le climat : « Ce nouveau bilan est consternant. Le flou législatif persiste, encourage les infractions et renforce, chaque jour, le sentiment d’impunité des influenceurs qui en viennent à dénigrer nos missions d’utilité publique, et ce malgré notre statut de signaleur de confiance. »
L’association rappelle toutefois que certains créateurs se montrent coopératifs. Le duo McFly et Carlito a, par exemple, cessé ses vidéos de dégustation d’alcool après un rappel des obligations légales.
À l’inverse, Addictions France a lancé plusieurs actions judiciaires en novembre 2024 contre trois influenceurs récidivistes : Renan Pacheco, Perou Grace et Stéfan Tisseyre, connus pour l’utilisation répétée de stories éphémères.
Un appel à des mesures beaucoup plus strictes pour protéger les jeunes
Pour l’association, les signaux politiques ne suffisent plus face à l’ampleur des pratiques et à leur impact potentiel sur les mineurs. Elle estime que, sans mesures fermes, les marques et les influenceurs continueront d’opérer librement, facilitant l’exposition des jeunes à des contenus valorisant l’alcool.
Lors des débats du PLFSS, la ministre de la Santé Stéphanie Rist a annoncé un plan de prévention visant à mieux « protéger les mineurs avec un respect strict de l’interdiction de vente et la limitation de l’exposition à la publicité ».
Pour Addictions France, ces engagements doivent désormais se traduire par des actes : interdiction explicite de toute publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux, sanctions réellement dissuasives et renforcement de la capacité de retrait des contenus illégaux.
Ce qu’Addictions France propose de changer
- Interdiction totale de la publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux.
- Sanctions renforcées contre les influenceurs et les marques récidivistes.
- Protection accrue des mineurs via une limitation stricte de l’exposition aux contenus alcoolisés.
- Clarification urgente du cadre législatif actuel pour éviter les contournements.
