Alors que le nombre d’offres d’emploi dans l’artisanat atteint des sommets, le secteur voit son vivier de candidats s’éroder rapidement. Selon le baromètre ISM-MAAF de septembre 2025, les tensions sur les recrutements atteignent un niveau inédit et redessinent le palmarès des métiers qui recrutent le plus.
Artisanat : les offres d’emploi augmentent mais il y a trop peu de candidats

L’artisanat, un secteur à l’emploi encore élevé malgré un léger reflux
Le marché de l’emploi dans l’artisanat traverse une phase singulière. Après une envolée des embauches post-Covid, la dynamique ralentit sans pour autant s’effondrer. Au 31 décembre 2024, on recensait 1.857.000 emplois salariés dans l’artisanat, selon l’URSSAF, soit une hausse de 4,5% depuis 2019. Cette progression résulte en grande partie de la forte reprise enregistrée entre 2019 et 2022, période durant laquelle l’emploi salarié a grimpé de 8%, porté par la relance économique et la demande de main-d’œuvre.
Depuis 2022, un reflux s’est amorcé : le secteur enregistre une baisse de 3% de l’emploi salarié entre 2022 et 2024. Cette contraction touche surtout le BTP (-5%) et l’artisanat de fabrication (-4%), tandis que les métiers des services et de l’alimentation restent stables. Ces ajustements s’expliquent par le ralentissement de la conjoncture et par les effets de la crise énergétique sur l’activité de certaines entreprises. Pourtant, malgré ce léger recul, l’artisanat conserve des niveaux d’emploi historiquement élevés, confirmant son rôle de pilier du marché du travail en France.
Une envolée des offres d’emploi et un réservoir de candidats en baisse
Si la création nette d’emplois ralentit, la dynamique de recrutements dans l’artisanat reste intense. Selon le baromètre ISM-MAAF, 490.000 offres d’emplois ont été diffusées en 2024 sur les cœurs de métiers artisanaux, un volume en hausse de 46% depuis 2019. Les entreprises recrutent massivement pour compenser les départs à la retraite et les mobilités professionnelles. Cette explosion concerne particulièrement certaines professions comme les vendeurs en poissonnerie et en charcuterie, dont les offres ont bondi de plus de 65%, mais aussi des métiers émergents liés à l’isolation (façadiers), à la construction bois dans le BTP ou encore à la réparation de cycles.
Parallèlement, le vivier de demandeurs d’emplois diminue. Entre 2019 et 2024, leur nombre a reculé de 12%, alors qu’il est resté globalement stable dans l'ensemble des secteurs au niveau national. La baisse est marquée dans tous les grands secteurs : -14% dans le BTP et la fabrication, -12% dans l’alimentation, -8% dans les services. Résultat : les difficultés de recrutements atteignent des sommets. En 2024, 57% de l’ensemble des recrutements ont été jugés difficiles, selon le baromètre, mais la proportion grimpe à 80% chez les chaudronniers, 82% chez les couvreurs, 74% chez les bouchers et 81% chez les carrossiers automobiles.
« Alors que l’emploi artisanal reste solide après le rebond post-Covid, les entreprises font face à des tensions croissantes pour recruter. Une situation marquée par une hausse de 46% des offres d’emploi depuis 2019, et une baisse du nombre de candidats », explique Anne-Sophie Prissé, directrice marketing et communication de MAAF.
Ce déséquilibre structurel entre offres et candidatures transforme l’artisanat en un marché de l’emploi très concurrentiel. Les employeurs se livrent une véritable bataille pour attirer des talents rares, tandis que les candidats qualifiés bénéficient d’opportunités accrues et d’une marge de négociation renforcée.
Artisanat : quels sont les métiers qui recrutent le plus et ceux en perte de vitesse ?
Dans ce contexte de tensions inédites, le baromètre ISM-MAAF dresse pour la première fois un palmarès des métiers les plus porteurs, ceux qui cumulent forte baisse du nombre de demandeurs d’emplois et forte pénurie de compétences disponibles. Ces professions apparaissent comme des tremplins idéaux pour une formation ou une reconversion. Parmi elles :
- En alimentation, les charcutiers-traiteurs affichent une baisse de 23% des demandeurs d’emplois depuis 2019, tandis que les boulangers-viennoisiers reculent de 19%.
- Dans le BTP, les plâtriers voient le nombre de candidats chuter de 34%, les tailleurs de pierres de 27%, et les peintres en bâtiment de 23%.
- Côté fabrication, les soudeurs enregistrent un recul de 22% et les menuisiers de 18%.
- Dans les services, les retoucheurs en habillement perdent 29% de candidats.
Ces chiffres traduisent une inadéquation croissante entre l’offre de travail et les besoins réels des entreprises. Comme le résume Catherine Elie, directrice des études de l’ISM : « Il est aujourd’hui plus difficile de recruter dans ces métiers “essentiels” que dans les métiers du commerce, de la gestion-administration, les métiers de cadres–ingénieurs ou du transport-logistique ».
À l’inverse, le baromètre signale des métiers dits « en vogue » qui, après avoir attiré de nombreux candidats post-Covid, semblent saturer. Le nombre de demandeurs d’emplois y progresse fortement, ce qui pourrait réduire les débouchés réels : +19% chez les brasseurs de bière, +18% chez les fromagers, +3% chez les pâtissiers et +43% chez les chauffeurs VTC. Ces hausses témoignent de l’effet d’engouement suscité par des filières très médiatisées, mais parfois déconnectées des besoins économiques réels.
Face à cette dichotomie, le message du baromètre est clair : pour réussir une reconversion dans l’artisanat, mieux vaut cibler les métiers qui souffrent d’un manque chronique de main-d’œuvre plutôt que ceux qui connaissent un simple effet de mode.
