Brevets : la France reste 2e en Europe malgré un léger recul

Avec plus de 10.800 demandes déposées à l’Office européen des brevets en 2023, la France confirme sa place parmi les pays leaders de l’innovation. Mais face à l’Allemagne et à la dynamique asiatique, l’Hexagone doit consolider ses atouts pour rester au sommet du palmarès européen des brevets.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 23 septembre 2025 8h02
Brevets : la France reste 2e en Europe malgré un léger recul
Brevets : la France reste 2e en Europe malgré un léger recul - © Economie Matin
21,7%En France, en 2023, un bond du nombre de demandes de brevets a été observé dans le domaine de la chimie organique : +21,7% sur un an.

La France, pilier européen de l’innovation

L’année 2023 a marqué un nouveau record en matière de demandes de brevets européens, avec 199.275 dépôts, soit une hausse de 2,9% par rapport à 2022, annonce l’Office européen des brevets (OEB). Avec 10.814 demandes de brevets, la France s’est maintenue au deuxième rang en Europe, juste derrière l’Allemagne, et au sixième rang mondial. Malgré un léger recul de 1,5% par rapport à 2022, cette performance confirme la place centrale de l’Hexagone dans la compétition technologique.

Les secteurs porteurs de la recherche française se situent dans les transports (1.010 demandes), l’informatique (871) et les technologies médicales (729). Ces trois domaines concentrent une grande partie de l’effort d’innovation. Dans les transports, la France se distingue comme quatrième pays d’origine des dépôts, avec des champions industriels tels que Valeo (564 demandes), le Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) (523) et Safran (472). Dans l’informatique, l’Hexagone se classe au sixième rang mondial et affiche une progression remarquable de 18,2% sur un an. Du côté de la santé, les technologies médicales et pharmaceutiques confirment l’importance de Sanofi, qui occupe la 12ème place mondiale des entreprises dans ce secteur selon l’OEB.

France : une spécialisation technologique en mutation

Au-delà des secteurs historiques, la France enregistre de fortes hausses dans des domaines plus récents. La chimie organique fine connaît un bond de 21,7%, après plusieurs années de stagnation. Le domaine de l’audiovisuel suit la même trajectoire, avec une croissance de 17,9% et un doublement du nombre de brevets entre 2018 et 2023. Cette montée en puissance illustre un rééquilibrage : l’Hexagone délaisse peu à peu ses disciplines traditionnelles pour investir massivement dans les technologies numériques et créatives.

Les biotechnologies (+7,2%) et les produits pharmaceutiques renforcent également cette dynamique. Dans ces secteurs, la recherche publique joue un rôle clé : l’Inserm et le CNRS figurent parmi les principaux demandeurs de brevets à l’OEB. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) se classe deuxième ex aequo au niveau mondial dans les biotechnologies, tandis que Sanofi et l’Inserm se hissent respectivement à la 6e et 5e place dans le domaine pharmaceutique.

Le poids des organismes de recherche et des PME

L’une des spécificités françaises tient au rôle moteur de la recherche publique. En 2023, quatre institutions nationales figuraient parmi les vingt premiers déposants de brevets français : le CEA (523 dépôts), l’Inserm, le CNRS et l’IFP Energies nouvelles. Le CEA est allé jusqu’à se hisser à la 39e place du top 50 mondial de l’OEB, aux côtés du Fraunhofer-Institut allemand.

Cette vitalité se conjugue avec la contribution croissante des petites structures. Selon l’OEB, près d’un quart des dépôts européens provenaient en 2023 de PME ou d’inventeurs individuels. L’Office a d’ailleurs annoncé une réduction de taxes de 30% pour les petites entités à compter du 1er avril 2024, un dispositif censé renforcer encore la participation des jeunes pousses innovantes.

En Europe, la France reste solide mais est challengée

Dans le concert européen, la France se maintient en haut du classement, mais l’écart avec ses voisins se resserre. L’Allemagne, premier pays du continent en termes de demandes de brevets, affiche une croissance de 1,4% en 2023 avec plus de 25.000 demandes. À l’inverse, l’Hexagone a légèrement reculé. Plusieurs pays connaissent des progressions plus marquées : le Royaume-Uni (+4,2%), l’Italie (+3,8%), les Pays-Bas (+3,5%) ou encore la Finlande (+9,2%).

L’Ile-de-France illustre toutefois la puissance du tissu français : avec 6.911 dépôts, la région a pris la première place européenne devant la Bavière, championne depuis 2016. Paris devient la deuxième ville la plus innovante d’Europe, derrière Munich, et la septième au monde avec 3.119 demandes de brevets.

Brevets : une dynamique mondiale tirée par l’Asie

Si la France reste bien positionnée en Europe, la dynamique mondiale est dominée par l’Asie. La République de Corée a progressé de 21% en un an, entrant pour la première fois dans le top cinq mondial. La Chine, avec +8,8%, a plus que doublé ses dépôts auprès de l’OEB depuis 2018. Ces évolutions bousculent le palmarès et accentuent la pression sur les acteurs européens.

Au total, les pays non européens représentent désormais 57% des dépôts. Les États-Unis conservent leur première place mondiale, suivis de près par l’Allemagne, le Japon, la Chine et la Corée. Dans ce contexte, la France apparaît comme un contrepoids stratégique à la domination asiatique, mais doit maintenir ses investissements pour éviter l’érosion.

Brevets unitaires et inclusion : les nouvelles tendances

L’année 2023 a marqué un tournant avec l’entrée en vigueur du brevet unitaire. Ce dispositif, qui permet une protection centralisée dans 17 États membres de l’UE, a rencontré un vif succès. En France, près de 1.300 demandes ont été déposées dans ce cadre, soit 19,9% des brevets européens délivrés aux acteurs français, au-dessus de la moyenne de l’OEB (17,5%). L’Oréal s’est imposé comme le plus grand déposant français de brevets unitaires, devant SEB, le CEA et Saint-Gobain.

Autre signal fort : la progression de la place des femmes dans l’innovation. En Europe, 27% des dépôts citent au moins une inventrice. La France fait mieux avec 33%, deuxième derrière l’Espagne. Ces chiffres traduisent une transformation culturelle et un rééquilibrage progressif dans l’écosystème de la recherche et du développement.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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