Entre la montée en puissance des obligations liées aux certificats d’économies d’énergie (CEE) et la refonte des taxes sur l’électricité et le gaz dans le cadre du budget 2026, les ménages français s’apprêtent à affronter une hausse moyenne de 50 euros par an de leurs dépenses en énergie. Une mécanique tarifaire complexe, où se mêlent fiscalité climatique, stratégies commerciales des fournisseurs et fortes disparités entre profils de consommation.
Énergie 2026 : Des factures sous tension

Les CEE, un levier écologique qui renchérit les factures
Instaurés en 2005, les certificats d’économies d’énergie constituent l’outil central du principe pollueur-payeur appliqué au secteur énergétique. Ils obligent fournisseurs d’énergie et groupes pétroliers à financer la rénovation thermique des logements et le développement de la mobilité électrique. Un décret publié le 4 novembre dernier renforce encore ces obligations : le volume total d'économies d’énergie à financer augmentera de 27 % à partir du 1er janvier 2026.
Cette mesure, présentée comme un effort supplémentaire en faveur de la transition énergétique, pourrait toutefois avoir un impact direct sur les particuliers. Selon Radio France, les factures d’électricité et de gaz pourraient grimper de « 50 euros par an en moyenne ». Tout dépendra de la façon dont les fournisseurs répercuteront — ou non — le surcoût. « Ça relève vraiment de la stratégie commerciale des fournisseurs », explique Clarisse Berger, spécialiste des CEE à l’UFC-Que Choisir, sur France Inter.
Engie a déjà annoncé une hausse, tandis que ses concurrents restent pour l’instant silencieux. Cette opacité est d’autant plus critiquée que le coût des CEE n’apparaît pas clairement sur les factures. Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes rappelait que ces certificats représentaient « 4,32 % de la dépense énergétique annuelle moyenne des ménages ». Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, assure de son côté que « la plupart des énergéticiens ne répercutent que marginalement les CEE », accusant certaines industries pétrolières d'utiliser ces obligations comme « une excuse pour augmenter leurs prix ».
Une fiscalité asymétrique qui redessine les gagnants et les perdants
Le projet de loi de finances pour 2026 ajoute une autre couche de complexité. Le Sénat a voté une réforme asymétrique des accises : baisse des taxes sur l’électricité, hausse sur le gaz. L’objectif affiché est clair : accélérer la transition écologique en renchérissant les énergies fossiles et en rendant les usages électriques plus compétitifs. Ainsi, chaque MWh d’électricité sera allégé de 3 euros hors taxes (soit 3,60 euros TTC), tandis que le MWh de gaz sera surtaxé de 4,40 euros HT (5,28 euros TTC).
Les premiers gagnants sont les ménages déjà convertis au tout électrique. Pour une maison consommant 8 000 kWh d’électricité par an, l’économie atteindra environ 29 euros. Les foyers chauffés au bois, eux, ne verront pas leur facture de chauffage évoluer, mais profiteront malgré tout d’une baisse sur leur consommation électrique d’appoint. À l’inverse, les utilisateurs du gaz — près de 11 millions de ménages — seront les plus pénalisés. Le calcul est sans appel : pour une maison-type chauffée au gaz, la hausse atteint 64,92 euros par an, malgré un petit gain sur l’électricité. Les simulations publiées par Selectra montrent que même les logements hybrides consommant beaucoup d’électricité — charge de voiture électrique, chauffage de piscine — restent perdants si le gaz reste l’énergie principale de chauffage.
Une réforme qui accentue les fractures sociales et territoriales
Si cette évolution tarifaire découle d’objectifs environnementaux cohérents, elle soulève des interrogations sur son équité sociale. Les ménages chauffés au gaz n’ont souvent pas la capacité financière d’investir dans une pompe à chaleur ou une rénovation lourde, d’autant que nombre de logements collectifs restent dépendants d’infrastructures anciennes. « C’est une double peine pour les foyers modestes chauffés au gaz », estime un expert cité par Libération, soulignant l’absence d’alternative immédiate.
Cette réforme reflète en creux la tension entre impératif écologique et viabilité sociale. Les ménages aisés ou déjà engagés dans une transition énergétique anticipée seront favorisés, tandis que les foyers contraints par leur immeuble, leur contrat de location ou leur budget subiront la hausse sans marge de manœuvre. Les sénateurs ont certes épargné le fioul et le GPL pour protéger les zones rurales, mais cela ne suffit pas à atténuer le sentiment de fracture. L’Ufip prévient d’ailleurs que les CEE pourraient faire augmenter le litre de carburant de « 4 à 6 centimes », ajoutant une pression supplémentaire sur les territoires dépendants de la voiture.