JO de Paris 2024 : le budget a explosé et personne ne veut assumer

La promesse d’une sobriété budgétaire s’est-elle envolée ? Alors que les jeux olympiques de Paris 2024 ont été l’événement sportif mondial de la décennie, la Cour des comptes vient de dévoiler un premier chiffrage des dépenses publiques. Résultat : près de six milliards d’euros, bien au-delà des projections initiales. Ce rapport dérange. Il bouscule les organisateurs, crispe les ministres, divise l’opinion. Et relance un débat fondamental sur la transparence des grands événements financés par l’État.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 24 juin 2025 6h00
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Banjarmasin, Indonesia - March 18, 2024 : flags with the Paris 2024 logo flying in the crowd indicate an ongoing event - © Economie Matin
6 MILLIARDS €Les JO de PAris auraient une facture de près de 6 milliards d'euros.

Le 23 juin 2025, la Cour des comptes a publié une note thématique intitulée « Les dépenses publiques liées aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 : premier recensement ». Ce document, basé sur l’analyse exhaustive de plus d’une centaine de lignes budgétaires et subventions publiques, chiffre à 5,96 milliards d’euros la somme mobilisée par l’argent public pour financer les jeux olympiques de Paris 2025.

La publication jette un pavé dans la mare, en pleine tension politique autour des finances de l’État, les appels aux efforts et à l’austérité pour les Français et de la préparation des Jeux d’hiver 2030. Pourquoi une telle facture ?

Jeux olympiques de Paris 2025 : une facture publique bien plus élevée que prévu

Selon les magistrats financiers, le montant total atteint 5,96 milliards d’euros, répartis comme suit : 2,77 milliards pour les dépenses dites “de fonctionnement” (organisation, sécurité, fonctionnement du CoJop – comité d’organisation des Jeux olympiques), et 3,19 milliards pour les investissements dans les infrastructures olympiques, majoritairement financés par l’État et les collectivités territoriales.

La sécurité : premier poste de dépense

Avec 1,4 milliard d’euros, la sécurité représente le plus gros poste budgétaire. Cette somme, essentiellement couverte par le ministère de l’Intérieur, comprend :

  • la mobilisation des forces de l’ordre (CRS, Gendarmerie, Police municipale renforcée),
  • la vidéosurveillance (près de 100 millions d’euros),
  • la cybersécurité (64 millions),
  • la gestion des foules et des sites à haut risque (sites olympiques, fan zones, etc.).

Selon le rapport : « La dérive des coûts de la sécurité est directement liée à l’absence de planification budgétaire dès 2021. » Un coup dur alors que Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur et aujourd’hui Garde des Sceaux, s’est félicité de la réussite sécuritaire de l’événement. Une réussite… qui semble avoir pris ses racines dans des dépenses excessives.

Transports : un surcoût technique mal anticipé par RATP et SNCF

Les transports publics ont nécessité 570 millions d’euros, dont 335 millions financés par la SNCF et la RATP pour :

  • augmenter la fréquence des trains,
  • moderniser des rames vieillissantes,
  • sécuriser les accès aux gares.

À cela s’ajoute le coût des aménagements autour des stations proches des sites olympiques.

Infrastructures : 3,19 milliards pour le Village, les sites et l’héritage

Les investissements dans les infrastructures représentent la moitié de l’enveloppe globale :

  • Village olympique en Seine-Saint-Denis,
  • Centre aquatique olympique,
  • Modernisation du Stade de France,
  • Équipements provisoires pour les disciplines “éphémères”.

Ces constructions, censées être “réversibles” pour laisser un héritage durable, ont vu leur coût grimper sous l’effet de l’inflation, des pénuries de matériaux, et des retards de livraison.

Une méthodologie contestée : les organisateurs des JO font la gueule face aux critiques

Le Comité d'organisation des Jeux olympiques (CoJop) a rapidement réagi, accusant la Cour des comptes de surévaluer artificiellement le montant en englobant des lignes budgétaires selon lui étrangères aux JO : « Le chiffre de six milliards ne correspond pas à notre périmètre. Il agrège des dépenses qui relèvent de politiques urbaines, non de l'organisation des Jeux. », souligne L’Équipe.

L’ancienne ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra est allée plus loin, qualifiant le rapport de “trop complet” sur BFM TV : « En intégrant des chantiers urbains, des extensions de lignes de métro décidées avant même la désignation de Paris, le rapport prête à confusion. » Une formule qui a aussitôt été reprise dans les médias comme le symbole d’un déni face à la réalité des dépenses. D’autant plus que la même ministre demande désormais 9.000 euros par mois pour prendre la tête du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ; un poste traditionnellement… bénévole !

Pierre Moscovici (Cour des comptes) défend la “vérité des prix”

Face à ces critiques, Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, assume la méthode : « Il n’y a vraiment pas matière à polémique. Notre mission est de faire la vérité des prix. », explique-t-il dans L'Equipe.

Il rappelle que le rôle de la Cour est de “regrouper l’ensemble des flux publics mobilisés directement ou indirectement”, y compris ceux externalisés via des opérateurs comme la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).

Dérapage du budget des Jo de Paris 2024 : quelles conséquences pour l’État ?

Lors du vote de la loi de finances 2025, l’État prévoyait une contribution de 2,9 milliards d’euros pour l’ensemble du projet olympique. Cette enveloppe excluait notamment les budgets “annexes” liés à la sécurité ou aux transports. Le rapport de la Cour vient démonter ce cloisonnement artificiel.

En novembre 2024, Le Monde révélait un surcoût estimé à 1,6 milliard d’euros pour l’État, notamment lié :

  • à l’augmentation des salaires des agents mobilisés,
  • aux primes exceptionnelles accordées aux forces de l’ordre,
  • à la reprise en régie de plusieurs sites inachevés.

Ces alertes n’avaient pas été intégrées officiellement dans le chiffrage gouvernemental à l’époque.

À cinq ans des Jeux olympiques d’hiver de 2030 à Nice et dans les Alpes, ce rapport agit comme une piqûre de rappel : sans mécanismes de contrôle stricts, les dérapages budgétaires peuvent devenir la norme. Mais puisque les responsables font la sourde oreille et semble se mettre des œillères, il y a un fort risque qu’un dérapage ait lieu également pour les JO d’Hiver.

Ce que propose la Cour des comptes pour éviter les dérives futures

Le rapport du 23 juin ne se contente pas de dresser un bilan chiffré. Il formule également quatre recommandations :

  1. Harmoniser les méthodes de comptabilisation des dépenses publiques liées aux événements internationaux.
  2. Intégrer les coûts de sécurité, transport, logistique dans les lois de programmation initiales.
  3. Renforcer les mécanismes de suivi pluriannuel, notamment via une cellule indépendante.
  4. Publier un rapport définitif après l'événement, prévu pour le 1er octobre 2025, qui devra mesurer les retombées réelles économiques et sociales des JO.

Les jeux olympiques de Paris 2024, censés marquer une nouvelle ère de sobriété et d’efficacité budgétaire, s’inscrivent désormais dans une logique budgétaire contestée. Le chiffre avancé par la Cour des comptes – 5,96 milliards d’euros d’argent public – ouvre une séquence politique sensible, à la croisée de la transparence, de la responsabilité et de la légitimité de l’investissement public dans les grands événements.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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