Médicaments en libre accès : ce que l’ANSM autorise désormais

La liste des médicaments pouvant être présentés en libre accès en pharmacie a de nouveau été actualisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cette mise à jour précise les critères encadrant l’automédication et confirme le rôle central du pharmacien, alors que l’offre accessible sans ordonnance continue de s’élargir dans les officines.

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By Aurélie Giraud Published on 17 décembre 2025 10h13
ANSM médicaments libre accès pharmacie
En pharmacie, le libre accès aux médicaments facilite l’achat, sans supprimer le rôle de conseil du professionnel de santé. - © Economie Matin
100%Aucun médicament ne peut être placé devant le comptoir sans validation préalable

Derrière l’expression familière de « médicaments en libre accès » se cache un cadre réglementaire précis, régulièrement ajusté par l’ANSM. La dernière actualisation de la liste des médicaments de médication officinale (MMO) confirme une tendance de fond : renforcer l’autonomie des patients tout en maintenant des garde-fous sanitaires stricts. Mais cette évolution, présentée comme un progrès d’accès aux soins, n’est pas sans conséquences économiques et pratiques.

Médicaments en libre accès : un cadre strict piloté par l’ANSM

Contrairement à une idée reçue, les médicaments placés en accès direct dans les pharmacies ne sont pas librement choisis par les officinaux. Leur présence devant le comptoir résulte d’une décision formelle de l’ANSM, qui établit et met à jour la liste des médicaments de médication officinale.

Dans sa version mise à jour au 12 décembre 2025, l’agence rappelle que seuls les médicaments répondant à des critères précis peuvent être inscrits sur cette liste. L’objectif affiché est clair : « garantir la sécurité sanitaire et la sécurité des patients ».

Pour être éligible, un médicament ne doit notamment pas être soumis à prescription obligatoire, ni figurer sur la liste des spécialités remboursables par l’Assurance maladie. Son autorisation de mise sur le marché (AMM) doit permettre une utilisation sans diagnostic médical préalable, à condition qu’un conseil pharmaceutique accompagne la délivrance.

Autrement dit, l’accès direct ne signifie jamais une absence de contrôle. Le pharmacien reste juridiquement et déontologiquement responsable du conseil délivré au patient, comme le prévoit le code de la santé publique.

Pharmacie libre accès : quels types de médicaments sont concernés ?

La liste publiée par l’ANSM couvre plusieurs grandes catégories de produits. Elle inclut des médicaments allopathiques, mais aussi des spécialités à base de plantes et des médicaments homéopathiques, dès lors qu’ils répondent aux critères réglementaires définis par l’agence.

Pour le consommateur, ces médicaments correspondent à des situations cliniques simples et clairement identifiées, compatibles avec l’automédication. Il s’agit en priorité de traitements destinés à soulager :

  • des douleurs légères à modérées, comme les maux de tête, les douleurs dentaires passagères ou les règles douloureuses ;
  • des affections ORL bénignes, telles que le rhume, le mal de gorge ou la congestion nasale ;
  • des troubles digestifs courants, notamment brûlures d’estomac, ballonnements ou diarrhées aiguës de courte durée ;
  • certaines affections dermatologiques simples, comme les irritations cutanées ou les piqûres d’insectes ;
  • des symptômes ponctuels liés au stress, au mal des transports ou à des troubles mineurs du sommeil.

L’ANSM précise que ces indications ont été retenues parce qu’elles peuvent être reconnues par le patient lui-même, sans examen médical préalable, à condition de respecter strictement la notice.

Ce que la mise à jour change concrètement pour le patient

Pour les patients, l’évolution de la liste ne signifie pas l’accès à des médicaments plus puissants, mais une meilleure visibilité des solutions adaptées aux petits maux du quotidien. Certains traitements auparavant délivrés exclusivement au comptoir peuvent désormais être identifiés plus facilement en rayon.

Cette accessibilité accrue ne doit toutefois pas être confondue avec une banalisation du médicament. L’ANSM insiste sur un point clé : les médicaments en libre accès ne sont jamais destinés à un usage prolongé ni à la prise en charge de pathologies chroniques. Si les symptômes persistent, s’aggravent ou se répètent, l’automédication atteint ses limites et la consultation médicale s’impose.

Des exemples concrets de médicaments désormais visibles en rayon

Selon Ma Santé News, la mise à jour publiée par l’ANSM le 11 décembre 2025 autorise notamment la présentation en libre accès de plusieurs spécialités jusqu’ici délivrées sans ordonnance mais conservées derrière le comptoir.

Sont concernés, entre autres, des veinotoniques comme Flavonoïdes Arrow Conseil® (500 mg et 1 000 mg), des antiacides tels que Gavinium® et Gavinium menthe sans sucre®, un collyre antiallergique (Zagrapa® 0,25 mg/ml), ainsi qu’un médicament homéopathique, Choleodoron®.

Ces traitements sont destinés à des symptômes courants et bien identifiés : sensation de jambes lourdes, reflux gastrique, conjonctivite allergique légère ou troubles digestifs fonctionnels. Leur mise en rayon ne modifie pas leur statut sans ordonnance, mais facilite leur identification par le patient, sous réserve du conseil du pharmacien.

L’ANSM insiste sur ce point : le contenu du conditionnement doit être strictement adapté à la durée de traitement recommandée. En clair, impossible de constituer des « réserves » pour un usage répété. Dès que les symptômes persistent ou se répètent, la consultation d’un médecin redevient indispensable.

Automédication encadrée : ce que l’ANSM autorise… et ce qu’elle exclut

L’agence rappelle également ce que l’automédication n’est pas. Sont exclus du libre accès tous les médicaments :

• présentant un risque particulier en cas de mauvais usage ;

• nécessitant un suivi médical ou des examens biologiques ;

• exposant à des interactions médicamenteuses complexes ;

• ou faisant l’objet de restrictions de publicité pour des raisons de santé publique.

C’est notamment pour cette raison que certains principes actifs très connus restent soumis à prescription ou à délivrance contrôlée, malgré une forte demande du public. Pour l’ANSM, le critère déterminant n’est pas la notoriété du médicament, mais le niveau de sécurité d’utilisation sans supervision médicale.

Le pharmacien, filtre indispensable de l’automédication

L’élargissement du libre accès ne réduit donc pas le rôle du pharmacien, bien au contraire. L’ANSM rappelle explicitement que l’utilisation des médicaments de médication officinale doit se faire « avec le conseil particulier du pharmacien d’officine ».

Dans la pratique, ce dernier demeure le premier filtre sanitaire. Il vérifie l’adéquation du médicament avec les symptômes décrits, repère les situations à risque (grossesse, pathologies chroniques, traitements en cours) et oriente vers un médecin lorsque l’automédication n’est plus appropriée.

Pour le patient, le message est clair : le libre accès facilite l’achat, mais ne remplace ni le diagnostic médical ni le dialogue avec le professionnel de santé.

Automédication : plus de choix, mais à quel prix ?

Si l’élargissement de l’accès direct est souvent présenté comme un levier de simplification pour les patients, la question du prix reste sensible. Plusieurs observateurs, cités par la presse spécialisée, soulignent que les médicaments non remboursés et placés en libre accès peuvent afficher des tarifs plus élevés que leurs équivalents délivrés sur prescription.

Le site Ma Santé News rappelle ainsi que le développement de l’automédication s’accompagne d’une logique de marché, où le prix dépend largement de la politique commerciale de l’officine et du laboratoire, en l’absence de régulation par l’Assurance maladie. Selon cette analyse, le consommateur gagne en autonomie, mais perd parfois en lisibilité sur le coût réel du traitement.

De son côté, Le Quotidien du Pharmacien insiste sur le rôle du professionnel de santé pour orienter le patient vers la solution la plus adaptée, notamment lorsque plusieurs médicaments en libre accès existent pour une même indication. Cette médiation devient essentielle pour éviter les doublons thérapeutiques, les interactions médicamenteuses ou les erreurs d’usage.

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Aurélie Giraud, juriste de formation, titulaire d'une maîtrise de droit public (Sorbonne, Paris I), est journaliste à Economie Matin, après avoir travaillé comme correctrice et éditrice dans l’édition.

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