Le jugement rendu le 2 septembre 2025 à Washington marque un tournant pour Google : le géant du numérique conserve son navigateur Chrome et son système Android, mais il se voit imposer des contraintes inédites sur la manière dont il partage ses données et négocie ses accords.
Internet : Google échappe à la cession de Chrome

Le tribunal fédéral américain a rendu sa décision le 2 septembre 2025 dans l’un des procès antitrust les plus médiatisés de la décennie. Google, accusé d’abus de monopole dans la recherche en ligne, échappe au scénario radical du démantèlement exigé par le gouvernement des États-Unis. Toutefois, la justice impose à l’entreprise de nouvelles règles de conduite, qui touchent directement Chrome, ses accords exclusifs et son pouvoir sur le marché.
Google accusée de monopole, le navigateur Chrome menacé
Le procès intenté par le département de la Justice américain (DOJ) contre Google remonte à 2020, point de départ d’une bataille judiciaire longue de cinq années. Le cœur du dossier portait sur l’accusation selon laquelle Google aurait verrouillé son monopole dans la recherche en ligne grâce à des pratiques anticoncurrentielles, notamment en utilisant Chrome et Android comme leviers de domination.
Le juge Amit Mehta, en charge de l’affaire, a finalement rejeté la demande du gouvernement américain visant à forcer la société à vendre Chrome ou Android. Selon Reuters, le magistrat estime qu’une telle sanction extrême n’est pas nécessaire à ce stade, même si les abus de position dominante de Google sont avérés. Cette décision, saluée par les marchés financiers, a immédiatement fait grimper le cours de l’action Alphabet, la maison mère, de 6,7 % à 8 % dans les échanges après clôture.
La justice a néanmoins reconnu la nécessité d’imposer des garde-fous. L’entreprise doit désormais partager certaines données de recherche avec ses rivaux afin de rétablir un minimum de concurrence, comme l’a rapporté AP News le 2 septembre 2025. L’objectif est d’éviter que le contrôle massif des requêtes et des clics ne renforce indéfiniment la domination du groupe.
Des restrictions imposées aux accords exclusifs et au pouvoir de Chrome
Si Google conserve Chrome, principale porte d’entrée vers la recherche pour des centaines de millions d’utilisateurs, il n’a plus la liberté contractuelle dont il bénéficiait auparavant. Le juge Amit Mehta a expressément interdit les accords exclusifs qui liaient Google aux fabricants de smartphones et aux navigateurs concurrents. Selon AP News, le but est de garantir que les entreprises tierces puissent préinstaller ou promouvoir d’autres moteurs de recherche sans contrainte.
Chrome reste donc au cœur de la stratégie de Google, mais son rôle de verrou technologique est désormais sous contrôle judiciaire. Le navigateur, qui équipe plus de 60 % des ordinateurs et une part encore plus écrasante des mobiles Android, avait été l’un des points centraux du dossier antitrust. Le DOJ reprochait à Google d’utiliser sa position dominante pour imposer son moteur de recherche par défaut, verrouillant ainsi l’accès aux internautes.
Comment ? Notamment en payant parfois des autres entreprises, comme le géant Apple. D’après Reuters, Google verse environ 20 milliards de dollars par an à Apple pour que son moteur reste la page d’accueil par défaut sur Safari, l’autre grand navigateur dominant aux États-Unis. La décision judiciaire n’annule pas ces accords, mais les rend vulnérables à d’éventuelles contestations futures.
L’intelligence artificielle menace le monopole de Google sur la recherche Internet
Si la justice a choisi de ne pas démanteler Google, c’est aussi parce que le paysage concurrentiel évolue rapidement. Le juge a explicitement mentionné le rôle croissant de l’intelligence artificielle générative, qui bouleverse les usages de la recherche en ligne. L’émergence de nouveaux acteurs exploitant l’IA pourrait réduire la nécessité d’un remède aussi brutal que la séparation de Chrome ou d’Android. Sans compter le changement des habitudes de recherche : de plus en plus d’internautes ne font plus l’effort d’aller sur Google et de fouiller ses dizaines de pages de résultats, préférant demander directement à un modèle d’IA générative les réponse.
Le juge reste par ailleurs dans la tradition américaine prudente en matière de régulation des géants technologiques : plutôt que de casser une entreprise, on cherche à rétablir les conditions d’une concurrence équitable par des obligations spécifiques. Google devra donc composer avec des règles nouvelles, mais conserve ses actifs stratégiques. Ce qui, de fait, ne va probablement rien changer, autrement la Bourse n’aurait pas salué la décision de justice.
Le premier chapitre de ce procès historique est donc presque clos… mais la bataille continue. Reuters indique que Google a déjà annoncé son intention de faire appel, ce qui pourrait repousser la mise en œuvre des mesures correctives pendant plusieurs années, le temps que les juridictions supérieures tranchent définitivement. Ce délai profite indirectement au géant de Mountain View, qui maintient ses positions dominantes en attendant.
