Entrepreneurs et lourdeurs administratives : la simplification doit être une priorité

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Par Guillaume Cairou Modifié le 29 novembre 2022 à 10h08

Selon une enquête Ifop récente, c'est un patron de PME sur trois qui n'a pas pu consacrer suffisamment de temps au développement et à la compétitivité de son entreprise au premier semestre 2014.

Précisément l'étude nous révèle que : 1/4 de l'emploi du temps des patrons est consacré aux activités financières et 20% aux ressources humaines ; l'agenda de plus d'1 patron sur 3 (35%) a évolué par rapport aux années précédentes avec plus d'activités RH, administratives et juridiques... mais sont pourtant 22% à estimer ne pas y avoir consacré suffisamment de temps ; ils consacrent moins de temps au commercial, au marketing, aux investissements et à la productivité ; 1/3 des patrons estiment ne pas avoir consacré suffisamment de temps au développement de leur entreprise en raison de lourdeurs administratives, d'évolutions juridiques, et d'évolution des mentalités.

Ces chiffres confirment un sentiment persistant sur le terrain au contact quotidien des entrepreneurs : nous sommes aujourd'hui dans un système administrativo-économique qui ne peut plus fonctionner tel qu'il est avec des baisses de chiffres d'affaires de nos entreprises, des baisses de marges historiques et une destruction continue d'emplois.

Nos parlementaires doivent accélérer l'application du Pacte de responsabilité et la mise en place de la simplification administrative que nous appelons de nos vœux depuis des années. Il est aisé de comprendre pourquoi. Pas pour nous gaver de dividendes. Pas pour nous enrichir. Au contraire. Pour investir. Pour innover. Chacun doit mesurer la réalité du terrain. A cet égard, il est important de s'attarder sur une réalité récemment mesurée : lorsque nous avons interrogé nos adhérents sur le CICE, très peu de personnes ont déclaré l'avoir utilisé tellement le dispositif était jugé complexe. Cela permet de comprendre le décalage complet entre les paroles et les actes, entre les promesses politiques et la réalité entrepreneuriale du terrain que nous vivons au quotidien.

Si le gouvernement s'est lancé dans le grand chantier de la simplification administrative, c'est parce que nous n'avions pas cessé de le réclamer. C'est une bonne chose. Il faut le reconnaître. Sauf que, le grand « choc de simplification » annoncé par François Hollande en mars 2013 n'a produit encore aucun effet sur le terrain et cela, c'est particulièrement regrettable. Evidemment, chacun peut comprendre qu'il faut un temps de consultation puis de réflexion, mais les résultats concrets manquent cruellement. Nous devons réfléchir afin de faire en sorte que le délai de la décision politique coïncide avec les réalités et les besoins des entreprises. Il n'est pas normal qu'il faille attendre 4 ou 5 ans pour qu'une décision politique produise ses premiers effets.

On estime que cette rigidité administrative nous fait perdre plus de 1 % de croissance par an. Ce gain de croissance potentiel est de facto dévoré par le monstre qu'est la machine administrative, ses lenteurs et ses rigidités délirantes et inadaptées à la compétition internationale du XXIe siècle.

Il faut en revanche saluer certaines mesures déjà votées, comme par exemple le principe que le silence de l'administration qui vaut désormais acceptation et non plus refus d'une demande d'une entreprise. Ou encore celui du « dites-le-nous en une seule fois » sauf que concrètement cela ne s'applique pas et que nous continuons, nous entrepreneurs, à rémunérer des salariés à plein temps pour donner, en continue, des informations à l'administration.

Ce serait pourtant une bouffée d'air frais pour nos entreprises, qui ont toujours besoin de simplicité à long terme pour se développer. Quoique le vrai débat se situe d'ailleurs plutôt sur la sécurité juridique et la stabilité fiscale mais c'est un autre débat.

Rien n'avance non plus sur la fiche de paie par exemple. Plus aucun salarié n'arrive à comprendre les 40 lignes de ses fiches de paie tellement elles sont complexes. Cela constitue aujourd'hui un véritable souci de lisibilité, tant pour l'entrepreneur que pour le salarié. Sans nostalgie, il faut comparer pour comprendre. Il y a 35 ans, ces mêmes fiches de paie ne faisaient que cinq lignes. Il faut savoir que les employeurs dépensent en moyenne entre 17,50 et 21,50 euros par mois pour chaque feuille de paie. Un chiffre qui peut même grimper jusqu'à 33 euros dans certaines entreprises. La simplification devrait permettre de ramener le coût d'une fiche de paie à 12 euros par mois. Ce n'est pas rien.

Je vais faire partager le fond de ma pensée au lecteur : on parle depuis 50 ans de simplification administrative. La véritable simplification administrative serait de faire confiance à nos entreprises, les écouter au lieu de les harceler de contrôles et de vérifications en tous sens. Les entrepreneurs sont des citoyens responsables, ils ne supportent plus d'être stigmatisés et présumés coupables comme des fraudeurs en puissance qu'ils seraient. Tout cela est bien éloigné de la réalité des adhérents du Club que j'ai l'honneur de présider.

Pour résumer ma pensée, je dirais que l'administration en France est une tueuse d'emploi ! Il faut remédier à cela en simplifiant autant que possible. Au lieu de se demander quelles procédures administratives il convient de supprimer, il faudrait plutôt se demander quelles procédures administratives sont utiles et efficientes.

La simplification c'est la compétitivité d'une économie. C'est aussi et surtout un véritable facteur d'insécurité. La profusion de règles, de loi, de normes empêche nos entreprises de prévoir l'avenir. Comment dès lors pourraient elles investir sereinement ?

La situation actuelle a éloigné considérablement nos entreprises de l'administration alors que dans la plupart des pays développés, l'administration est un conseiller et un allié des entreprises.

Je suis favorable à ce que nous mettions en place comme en Belgique, un réseau de fonctionnaires à la simplification. Désignés au sein de chaque ministère et institution publique ces fonctionnaires à la simplification suggéreront et coordonneront dans leurs départements les mesures de réduction de la charge administrative pesant sur les entreprises.

L'administration dévore le temps des entreprises.

Je suis tout le temps en train de me demander si, dans la masse de documents que les administrations m'adressent, une réforme législative ou une évolution règlementaire ne m'a pas échappée. C'est une véritable angoisse pour le dirigeant de PME que je suis.

Il y a un tel harcèlement textuel que 90 % des textes juridiques sont inconnus des chefs d'entreprises. Nul n'est censé ignorer la loi. Mais personne ne la connaît. Voilà la réalité. La seule solution vraiment efficace serait d'avoir un conseiller juridique à plein temps dans l'entreprise. Qui en a les moyens ?

Dès lors, et sans attendre, il faut alléger les formalités gargantuesques et les obligations comptables, fiscales et sociales qui pèsent sur nos entreprises. Il s'agit de réorienter l'énergie dépensée par l'entreprise pour effectuer ces tâches non productives à des tâches qui contribueront à faire grandir utilement l'entreprise.

D'autant qu'il faut remarquer que les entreprises les plus directement impactée par ce torrent de formulaires à remplir sont les petites entreprises. Ce sont les plus fragiles. Ce sont aussi les plus précieuses puisque c'est d'elles que naissent les ETI dont nous manquons pour solidifier notre tissu entrepreneurial. Un chef d'une entreprise de 1 à 9 salariés passe 40 % de son temps à remplir des formulaires administratifs. C'est insupportable.

Enfin, je propose une mesure forte : je suis favorable à ce que désormais chaque texte étudié à l'assemblée nationale ou au Sénat fasse l'objet d'un audit précis permettant de savoir combien ce texte, par sa mise en vigueur, coutera concrètement aux entreprises.Selon une enquête Ifop récente, c'est un patron de PME sur trois qui n'a pas pu consacrer suffisamment de temps au développement et à la compétitivité de son entreprise au premier semestre 2014.

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Fils d’ouvrière d’origine serbe, autodidacte, éducateur puis enseignant en banlieue, c’est au chômage à 30 ans que Guillaume Cairou crée Didaxis, pionnier du portage salarial. Aujourd’hui 15e recruteur français, classé dans le Fast 500 européen des entreprises par Deloitte, il a permis à plus de 10 000 personnes de créer durablement leur emploi.

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