Le centre d’appel est il mort ?

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Par Publié le 4 mai 2014 à 2h05

Le centre d'appels, en rassemblant sur un même site des opérateurs spécialisés en relation client, incarne un objectif d'efficacité opérationnelle, mais au dépens de l'excellence relationnelle.

Virtualiser la fonction, et mobiliser les équipes de terrain en tirant parti de la baisse de fréquentation des points de vente, permettraient d'atteindre un meilleur équilibre entre ces deux objectifs.

Ces vingt dernières années, les centres d'appels se sont multipliés et la sous-traitance s'est développée. On compte ainsi 273 000 emplois dans les centres d'appels en 2011 (source INRC).
Depuis 2012, cependant, ce mouvement semble stoppé[1] et la création, en 2013, de l'Institut National de la Relation Client, traduit le nouveau questionnement de la profession. La première étude lancée par l'INRC constate que seulement 7% des Français se déclarent très satisfaits de la qualité de la relation client, tous secteurs d'activité confondus. La France est en dernière position des pays interrogés, loin derrière le Brésil (17%), les Etats-Unis (16%) ou encore la Grande-Bretagne (12%).

Un modèle industriel qui a ses limites

Ce n'est pas faute d'avoir investi : les centres d'appels se sont équipés de systèmes de distribution automatique d'appels (ACD), de logiciels de gestion de la relation client (CRM), de gestion électronique de documents (GED). Ils ont mis en œuvre des démarches d'efficacité opérationnelle, ont recruté en majorité des Bac+2 et mis en place des programmes de formation interne.
Mais les Français restent défiants des centres d'appels, qui constituent un irritant récurrent dans l'expérience client. Les caisses d'épargne ont bien senti cet état d'esprit avec leur slogan « ligne directe (n.f.) : chemin le plus court pour joindre directement votre conseiller ».

Qu'il soit interne, externalisé en France ou externalisé à l'étranger, le centre d'appels a d'abord obéi à une logique de réduction de coûts. Le CPH (calls per hour) est l'indicateur-clef emblématique de cette recherche de performance opérationnelle. Cependant, les systèmes à touches, et le script standard débité à toute allure, renforcent chez le client une sensation d'anonymat. Ce modèle, industriel, touche donc à ses limites à l'heure où les entreprises réaffirment avec force à quel point le client est au cœur de leur stratégie. Signe des temps, en se vantant d'avoir battu le record de la conversation client la plus longue (10 heures 29 minutes) tout en ayant conclu par une vente, le distributeur en ligne Zappos ne suggère pas seulement que le CPH est contre-productif, mais aussi qu'un effort d'empathie client peut générer du revenu.

La révolution numérique, enjeu et opportunité

Surtout, la révolution numérique change la donne. Elle change les comportements des clients, qui apprennent à arbitrer le centre d'appels avec la page Facebook ou le fil Twitter de l'entreprise, les forums de consommateurs ou encore les prestataires tiers de gestion de feedbacks, comme Civiliz.

Heureusement, cette révolution numérique amène aussi des opportunités : des solutions technologiques apparaissent, qui permettent de virtualiser le centre d'appels : les téléopérateurs n'ont plus besoin d'être rassemblés sur un même site. Les progrès des systèmes d'assistant virtuel, de FAQ dynamiques, ou des serveurs vocaux interactifs en langage naturel, en rendant le client davantage autonome dans ses besoins d'après-vente, réduisent aussi sa dépendance au centre d'appels. La richesse d'information qu'on pousse aujourd'hui vers le téléopérateur pour renseigner le client peut être poussée vers le point de vente, ou vers le client lui-même, pour un surcroit d'investissement raisonnable. Enfin, si l'avènement du numérique fait chuter la fréquentation des points de vente physiques, il libère aussi du temps des collaborateurs de terrain, qu'ils peuvent consacrer à la relation client.

Distribuer les appels entrants dans le réseau physique passe cependant par quelques préalables. Il y a tout d'abord un enjeu technique à déployer la solution téléphonique et logicielle sur tout un réseau de points de vente. Ensuite, les protocoles de gestion des appels, conçus a priori pour des opérateurs spécialisés, doivent être adaptés à des personnels qui doivent rester polyvalents. Enfin, l'effort de formation et de conduite de changement ne sera pas négligeable.

La révolution numérique, et l'enjeu sur l'emploi qu'elle entraine dans les points de vente physiques, questionnent ainsi directement la vocation des centres d'appels, et plaident en faveur de la virtualisation de la fonction de relation client. Ce serait au fond « back to basics », comme disent les anglo-saxons, vendeurs et conseillers de terrain se réappropriant un rôle qu'on n'aurait peut-être jamais dû leur retirer...

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