Les taux d’intérêts négatifs donnent un très mauvais signal

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Par Simone Wapler Modifié le 4 septembre 2014 à 15h15

Les taux d'intérêt négatifs prouvent que les banques sont dangereuses. Cela signifie que les investisseurs institutionnels ne veulent plus parquer leur argent dans les banques.

En principe, nous vivons dans un système capitaliste.

Dans un tel système, le capital est un bien précieux. Ceux qui n'en ont pas cherchent à l'emprunter à ceux qui en ont. Ceux qui en ont préfèrent le faire travailler plutôt que de le laisser oisif. Normalement, les détenteurs de capitaux les prêtent à condition que le rendement risque leur paraisse attractif par rapport au risque pris.

En principe, le taux d'intérêt - le rendement - est fixé par le marché c'est à dire la rencontre des prêteurs et des emprunteurs. S'il y a beaucoup de gens disposés à prêter mais pas beaucoup d'emprunteurs, les taux baissent. Inversement, s'il y a peu de gens disposés à risquer du capital, les taux montent.

Mais oubliez tout ça. Nous ne vivons plus dans un système capitaliste, nous vivons dans un système déviant.

Le capital n'est plus seulement un bien précieux, le reflet d'une richesse déjà créée. Le capital est fabriqué par des banques qui ont acheté à un État une licence de création monétaire. Les taux d'intérêt ne sont plus le résultat de la rencontre d'une offre et d'une demande, ils sont manipulés par les banques centrales, intermédiaires entre les gouvernements et les banques commerciales, pour que l'économie de la dette puisse enrichir en continu l'establishment politico-financier.

Réfléchissez à ce que signifie vraiment un taux d'intérêt négatif. Des gens acceptent de payer pour qu'un État devienne leur débiteur. Quels gens ? Ni vous, ni moi. Des investisseurs institutionnels (zinzin) qui, en toute connaissance de cause, ne souhaitent pas prêter leur argent et encore moins le laisser traîner dans une banque. Probablement en majorité des assureurs. Pourquoi ? Parce qu'ils estiment que les risques sont actuellement trop élevés, même dans une banque.

Mais vous particulier vous ne pouvez abriter votre argent dans les caisses de l'État si vous pensez que le système bancaire dangereux. Cette démarche est un privilège de « zinzin ».

L'équivalent pour vous particulier, ce serait de vous louer un coffre pour y mettre des billets, votre argent cash, plutôt que de le laisser sur votre compte courant dans votre banque. Le tarif de location de votre coffre serait votre taux d'intérêt négatif.

Sauf que cela, on va vous l'interdire. Car retirer votre argent de la banque, ce serait la mort de ce système déviant qui ne peut survivre que par la croissance infinie de la dette dont le paiement des intérêts est garanti par vous.

Les gouvernements, les banquiers et les économistes à la solde des deux précédents prônent donc un monde sans cash. Kenneth Rogoff, le professeur d'Harvard spécialiste de la dette publique, l'a clairement revendiqué dans un article du Financial Times en mai 2014. Officiellement, il s'agit bien sûr de lutter contre la criminalité et le blanchiment. Mais le véritable motif - donné en fin d'article - est d'appliquer des taux d'intérêt négatif aux dépôts du bon peuple. Un jour on vous annoncera que votre solde créditeur a été raboté de 0,03%. L'Espagne vient de le décréter le 13 juillet 2014 avec effet rétroactif au 1° janvier.

« Ce ne sont pas des chaînes de métal qui entravent le peuple, mais la dette. Afin de tirer le maximum de profit de chaque « esclave », la gestion de l'exploitation doit passer par une phase transitoire d'élevage scientifique efficace. Une société où l'argent liquide est remplacé par le paiement électronique, où un système unifié de radio-identification, avec implants de cartes d'identité dans le corps humain, etc. – nouveaux stigmates de l'esclavage moderne – attend l'homme dans un avenir proche (...) Quand les espèces sonnantes et trébuchantes auront disparu, il suffira de tapoter sur le clavier d'un ordinateur pour priver quiconque de toute possibilité d'obtenir par lui-même ses moyens de subsistance ».

Hongbing Sing, La guerre des monnaies – La Chine et le nouvel ordre mondial

La prochaine fois que vous serez tenté de sortir votre carte de débit pour payer une petite somme que vous auriez très bien pu payer en cash, pensez-y. Résistez, utilisez votre monnaie.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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