Les inconséquences budgétaires et le sourire de nos enfants

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Par Alain Desert Publié le 13 octobre 2014 à 3h53

Le ministre des finances et le secrétaire d'état au budget ont présenté récemment le projet de loi finance 2015 (PLF) qui bientôt sera soumis aux intelligences Bruxelloises. L'objet de l'article n'est pas de revenir en détail sur cet évènement annuel, ce rituel de rentrée, mais de prendre un peu de recul et traduire en langage clair ce qu'un tel budget et plus généralement la politique budgétaire de la France menée ces dernières années signifie réellement. Je ferai juste quelques observations sur ce PLF en fin d'article.

Le suivi de l'actualité politique ne peut nous soustraire aux subtilités de langage faisant comprendre aux citoyens le sérieux et la rigueur de l'état dans ses préoccupations comptables, garanties par des décisions de réduction de dépenses qualifiées d'historiques. Voyons réellement ce qu'il en est.

Que veut dire « ECONOMIES » pour le gouvernement socialiste ?

L'acceptation traditionnelle de l'expression « faire des économies » désigne le fait de dépenser aujourd'hui moins qu'auparavant, une acception falsifiée par nos dirigeants actuels pour qui faire des économies consiste à dépenser moins que ce qui était initialement prévu si on avait suivi le rythme de la hausse tendancielle des dépenses (j'espère que vous m'avez suivi !.)
Comment comprendre que l'état puisse faire des économies lorsque les dépenses augmentent plus vite que l'inflation ? Un véritable numéro de prestidigitation, qui tant de fois exécuté n'amuse plus personne.

Le PLF : un invariant depuis des décennies

A chaque présentation du PLF, la séance est inaltérable, invariable, les politiques nous rejouent la même séquence en surestimant les prévisions de croissance et en sous-estimant le niveau des déficits. Même scénario lors des projets de loi de finance rectificative, avec la même persistance dans l'erreur, sanctionnée quelques mois plus tard par les constats sans appel des multiples dérapages dans l'exécution budgétaire.

La pièce de théâtre qui se joue depuis des années, parfaitement réglée, avec tous les maquillages qui estompent la faiblesse des acteurs, constitue désormais un invariant. Cet invariant décrédibilise notre classe politique, faisant preuve d'une incapacité à évoluer en présentant systématiquement des budgets insincères, s'asseyant sur les accords et les traités, signés par ceux-là même qui ne les respectent pas.

Soit les traités sont faits pour être respectés, et on les respecte, soit ils sont là pour le décor, et on les expose aux journées du patrimoine, soit ils sont devenus caduques, en inadéquation avec un nouveau monde d'après crise, et on les modifie.

Ils programment et votent l'appauvrissement de nos enfants

Rappelez-vous la déclaration de Mr Fillon qui en 2007 annonce être à la tête d'un état en faillite. Le constat est pertinent, oui mais voilà, la période Sarkozy-Fillon se conclue avec 550 milliards d'euros de dettes supplémentaires. Qu'ont-ils fait à part constater ? Cet héritage est dénoncé à maintes reprises par les socialistes et la gauche en général qui de manière récurrente pointent cette triste réalité, d'ailleurs avec raison. Mais que font-ils aujourd'hui, alors que le plus dur de la crise semble être derrière nous ?

La récession de 2009 qui avait projeté le déficit à 7,5% du PIB est déjà loin. Les années 2013 et 2014, à elles seules, prennent part à cet emballement de la dette à hauteur de 180 milliards d'euros. Les députés voteront sans sourciller un déficit de 90 milliards d'euros pour l'an prochain. Il restera 2016 et 2017 à comptabiliser ; si on suppose que les déficits seront en moyenne à 4% (ne rêvez plus des 3% !), il faudra rajouter 170 milliards d'euros.

Le total est vite fait : 180+90+170 = 440 milliards d'euros de dettes en plus.

Les socialistes feront-ils mieux que les gouvernements de droite qui ont connu un des plus graves séismes financiers depuis 1929 ? A priori, légèrement mieux si on juge en valeur absolue, peut-être moins bien si on se risque à appliquer une correction prenant en compte « l'effet de crise » (ou effet de conjoncture), tout comme on tient compte dans les statistiques des variations saisonnières.

De toute façon, peu importe qui aura la palme, la dette aura augmenté de 1000 milliards d'euros en 10 ans. Bravo à tous nos dirigeants, félicitations ! 15000 euros de plus dans le berceau de nos enfants. C'est le résultat d'une grave inconséquence politique, d'une inconscience collective, d'un égoïsme qui se fiche de l'avenir. La crise ne peut être l'éternel bouc émissaire. La dette d'un état n'est que le refus de payer nous-mêmes notre mode de vie (je parle de la mauvaise dette évidemment, celle qui assure nos fins de mois), le refus d'honorer des factures qui un jour ou l'autre seront présentées à nos enfants et aux générations futures.

Tant que les taux d'intérêts resteront bas, le coût supplémentaire de ces 1000 milliards de dettes contractés sur seulement 2 quinquennats restera soutenable, avec évidemment cette amertume partagée de voir une partie de nos impôts sortir du territoire pour servir de généreux créanciers. Le décor sera très différent avec la remontée des taux, ranimant les doutes sur la soutenabilité de la dette française.

L'économie poursuit inexorablement son chemin, en appliquant ses équations séculaires avec la froideur de la vérité qu'on veut cacher, ignorant des spectateurs déconfits et décontenancés. Elle n'est pas compassionnelle mais tout simplement indifférente.

Les factures sont déjà postées. Timbrées en vert clair elles arriveront dans les boîtes à lettres de nos enfants dans quelques années. Les sourires d'aujourd'hui sont les cris de demain. On peut imaginer que certains refuseront de dater et signer le bon vieux TIP, en renvoyant la facture aux services de BERCY avec une mention toute particulière « DESOLE, nous refusons de payer ce que nous n'avons pas à payer ! »

------ Quelques petites observations sur le PLF 2015 ---------------------

Prenons seulement 3 indicateurs macro-économiques et une décision « ambitieuse » :
a) Une prévision de croissance à 1%
b) Une prévision d'inflation à 0.9%
c) Un niveau de déficit public à 4,3%
d) Une réduction des dépenses publiques de 21 milliards d'euros

1ère observation

Le taux de croissance paraît déjà surestimé selon de nombreux économistes et instituts de prévisions. La France restera victime de ses lourdeurs, de ses obligations budgétaires, d'un contexte international incertain. Rappelons que pour 2014 la prévision de croissance avait été de 0.9% alors que l'année se clôturera avec un petit 0.4%, soit moitié moins.

2ème observation

Le taux d'inflation semble surestimé dans une conjoncture où s'installe la désinflation avec un risque déflationniste déjà présent dans certains pays de la zone euro. Une croissance et une inflation sous-estimées conduisent mécaniquement à de moindres recettes fiscales mettant en défaut la prévision de déficit.

3ème observation

La prévision du déficit est nettement supérieure à celle qui avait été présentée lors du PLF 2014 (3,6%). La baisse tendancielle est donc rompue. L'année 2014 entérinera un déficit de 4,4% minimum soit un dérapage de 0,8 point. Si un tel dérapage se reproduit en 2015, le déficit atteindrait plus de 5% générant 100 milliards de dettes supplémentaires.

4ème observation

Le plan de réduction des dépenses d'un montant de 21 milliards d'euros est incorrectement documenté et relève davantage de l'entourloupe comme je l'ai expliqué dans l'article.

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Ingénieur en informatique, Alain Desert a longtemps travaillé sur des plates-formes grands systèmes IBM où il a eu l'occasion de faire de nombreuses études de performances. Il est un adepte de l'approche systémique.

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