La Doxa de la Dette

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Par Thierry Le Gueut Publié le 11 juillet 2014 à 2h27

Soyons clairs. Je ne suis pas Economiste patenté. Ce qui par les temps qui courent est plutôt un gage de sérieux. J'ai donc juste fait des études d'Economie, prétendue Science, à peine prétendue exacte. Faut pas exagérer non plus... Une Science « Humaine » quoi. Par les temps qui courent, là aussi, ça mérite précision.... Le peuple grec doit apprécier le qualificatif.

Ce qui m'impressionne dans cette histoire de la Dette, c'est d'abord son émergence. Et la distorsion des évènements. Et évidemment, l'amateurisme des amateurs d'hier, devenus les pros de la résorption d'aujourd'hui, et les contempteurs de demain.

Prenons un exemple. Sur la scène politique française, le premier à avoir évoqué ce sujet, lors de la campagne des présidentielles 2007, dans un livre publié en 2006, est François Bayrou. Je ne sais qui lui a soufflé (enfin si, je sais qui...) mais il faut bien convenir que l'indifférence fut générale. Comme tout le monde, on n'aurait pas du (être indifférents..)... Se profilait déjà l'aventure dans laquelle nous sommes plongés aujourd'hui. Je l'ai toujours dit. Toujours, de Monnet en Schuman, se méfier des Démocrates « chrétiens ».Ils sont souvent bien placés pour avoir des.., comment dire.., des intuitions....

Le temps, Lehman Brothers et Goldman Sachs passent... Soudain, apparait la Divine Dette. Soyons clairs là aussi. Elle apparait en Europe, et de façon prononcée dans le Sud Européen après une brève incartade dans le nord Islandais. Du coté des Etats Unis, que n'importe quel étudiant en BAC pro d'Eco aura compris qu'à lui seul il engrange le montant général des dettes européennes, il ne se passe rien , à part la tragi comédie annuelle et rituelle entre les Représentants et le Sénat. Ca frémit à Wall Street pour le fun, et pi c'est tout....Les Vérités au-delà de l'Atlantique ne sont pas le mêmes qu'en deça.

D'année en année, la Dette enfle. Sous le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy, (mais ça aurait pu être un autre, ne tirons pas sur le pianiste...) 800 millions d'euros sont venus se greffer sur le montant initial. Ce qui permet aujourd'hui à ses partisans (mais ça aurait pu etre le cas des autres, en sens inverse) de le voir en protecteur de la Patrie. On tombe dans le grotesque. Au point où on en est....

Y compris chez certains analystes, par ailleurs pertinents. Quand j'entends Olivier Delamarche qui à défaut de faire quelque proposition que ce soit pour sortir de cette pagaille, sait manier la rhétorique analytique de la décomposition economico-financiére avec Intelligence, prétend que la loi Pompidou –Giscard du 3 Janvier 1973 n'a aucune influence sur la Dette, les bras m'en tombent. Par ailleurs bon calculateur, Olivier Delamarche oublie de calculer que sur les bientôt 2000 milliards d'endettement, 1500 milliards proviennent des intérêts contractés auprès des marchés privés. Une paille. Juste les ¾... Comprenne qui pourra...

Ce qui est intéressant dans cette Doxa de la Dette, c'est qu'on se heurte inévitablement à d'autres Doxas de ceux qui , peu ou prou, voient le mur vers lequel on s'avance , le pied sur le champignon. Chacun, à commencer par exemple par Jean-Luc Melenchon et Jacques Généreux, a compris, que les politiques d'austérité nous menaient droit vers la catastrophe. Pas une catastrophe hypothétique, virtuelle, mais une catastrophe sociale, humaine et économique bien réelle. Le cas grec, mais pas que lui, est emblématique, avec l'explosion des suicides, la désertification des villes, la faillite de l'ensemble des services publics, et en prime pour couronner le tout, une explosion des déficits... Face à ce constat que révèlent (c'est un exemple...) ces contempteurs (logiques) de la politique d'austérité (qui ne résout rien?) Restons dans l'euro ! Euh, oui, mais encore ?..

On peut comprendre que des préjugés politiques internationalistes poussent mécaniquement à ce type de raisonnement. On comprend moins qu'à un moment, le seul fait de se poser la question devienne quasiment « iconoclaste » ce qui de la part de Jean-Luc Mélenchon (c'est un exemple...) est particulièrement surprenant.... En attendant, la dette grecque est passée de 161 à 171 % du PIB en 1 an, sous les applaudissements des médias qui assurent que la Grèce (ou l'Espagne ou autres...) est sortie d'affaire. Et si les applaudissements ne couronnent pas cet exercice de style, c'est surtout le mutisme le plus complet qui prévaut. Affligeant. Il suffit de regarder les reportages sur les actualités espagnoles, grecques, italiennes ou portugaises, sur la situation dans la paradisiaque Allemagne de Mme Merkel pour s'en rendre compte, pour constater la réalité de la Doxa de la dette. Vous ne les avez pas vu ? Ah, oui, c'est vrai....

Ce qui est effrayant dans cette histoire, au dela des banalités ressassées, dont chacun voit bien que les conséquences ne sont pas banales, c'est qu'on sent qu'on entre dans le domaine du religieux. Pas au sens initial, bien sur, qui est de relier les hommes et de tisser un lien, mais dans celui de la croyance en des prêtres auto-proclamés (ou pas d'ailleurs...). Les Lenglet (enfin celui qui parle à la radio, moins celui qui écrit d'ailleurs des livres intelligibles...) les Bouzou, les Cohen, sans parler de tous les éditorialistes de la presse économique, par un mimétisme confondant, s'efforcent à dresser des barrières à la réflexion sur une simple , très simple question. Qu'est ce qui, et pourquoi, ça ne marche, d'évidence pas ?

On a le droit de ne pas etre d'accord avec Lordon, Berruyer, Sapir et Cie... en arguant qu'on vit dans le meilleur des mondes possibles, sans doute celui d'Huxley , mais on n'a pas le droit de refuser un légitime débat en récusant d'emblée les hérétiques. Car à un moment ou l'autre, pour reprendre le titre d'un livre d'un ancien politicien libéral, ça va mal finir.

Ou comme dirait Delamarche, ça va etre « compliqué »....

Car il faut bien se rendre compte d'une chose, dont il me semble qu'elle n'est ni travaillée ni débattue, officiellement, en tous cas. Et cette chose , c'est le défaut de la dette. Chacun sait, et c'est devenu quasiment un axiome, que cette dette ne sera jamais remboursée. Qui peut croire, un seul instant, au remboursement, des 2000 milliards d'euros de la dette française (hors les endettements divers et variés des communautés locales soit dit en passant...). Personne. Sans parler de celle des Etats Unis, 10 fois supérieure si on additionne à l'Etat fédéral, celles des Etats. Non seulement personne n'y croit, mais la seule théorie des 3% de déficit annuel, inventée sous François Mitterrand et calculée par ses experts sur un coin de table, suffit à l'avaliser. Si le dogme du remboursement de la dette était si intangible, c'est au minimum le dogme de 0% qu'il aurait du faire prévaloir. Un peu de cohérence ne ferait pas de mal. Donc, hypocrisie, régnante, personne n'y croit. Donc on fait quoi ?

Succèdent les remèdes ou exemples de remèdes.

Hypothése 1. Version Islandaise ou Argentine , au choix. Vous observerez que ces défauts intégraux de la dette, sont balayés en 2 temps, 3 mouvements.

L'Islande, vous n'y pensez pas, c'est un petit pays d'arriérés de 300 000 habitants dont tout le monde se fout, et donc, que les banques anglaises s'assoient sur leurs avoirs, n'avait guère d'importance.

Circulez y a rien à voir.

Quant à l'Argentine, si voulez revivre en direct - live la République de Weimar, n'hésitez pas, les brouettes de pesos de Buenos Aires seront près de chez vous et vous permettront de vous payer un café au Balto du coin.

Effectivement, ça calme...

Hypothése 2. On ne fait rien.

C'est aujourd'hui le schéma le plus probable, il ne faut pas se le cacher. La dette, c'est pas bien.

En gros vous avez voté pour des gestionnaires incompétents, et c'est la faute à ces salauds de fonctionnaires qui bloquent la SNCM, la SNCF, et vous embêtent dans toutes les administrations. Tout le monde sait que c'est le degré zéro de la réflexion politique, ça commence d'ailleurs à se voir, mais c'est pas grave, tant que ça marche...

Encore une minute, monsieur le bourreau.

Hypothése 3. Défaut partiel.

Sans doute la plus réaliste, mais aussi la plus compliquée. Passer dans le " partiel " nécessite une analyse. C'est une chose à laquelle on n'est plus habitués en France sous les fourches caudines de Mrs Schulz et Juncker. Cela demande de rentrer dans le détail. Finalement, les contractants de cette dette, ils sont ou ? C'est qui ? Cela demande un audit. On observe avec intérèt que les contempteurs de la dette sont prudents sur l'audit. Ils n'ont pas totalement tort. Car les contractants de la dette, via vous, via moi, c'est monsieur tout le monde. C'est votre PEA, votre assurance vie, tous les machins que vos banques de dépôt ont fourgués en vous faisant promettre monts et merveilles à terme, bien sûr...et dont il semblerait que les monts ne recueillent pas que les merveilles. (A ce sujet, il y a déjà un signe inquiétant. On commence dans les médias qui disaient que tout était résolu à glisser l'idée que, d'ici à 2020, et ben, les retraites des baby boomers pourraient etre dévaluées de 10%... Petit test entre amis...).

Donc, oui, défaut partiel qui semble etre la seule solution réaliste, mais toujours avoirs une idée en téte, à défaut de remettre tout à plat. Quand les banques grecques, ou chypriotes, se voient confrontées aux mêmes situations, qui va, pour les unes, de l'éradication de 75% de leurs créances, et au prélevement direct sur les comptes bancaires, pour les autres, dans le silence assourdissant de la presse européenne, tout se passe sur des pays de faible dimension dans l'atonie absolue.

En France, cela, historiquement, risque de ne pas etre le même problème.

Mais, bon, jusqu'ici, tout va bien....Les éditorialistes pourront culpabiliser encore quelque temps sur cette foutue dette de ces Français inconscients qui n'acceptent pas les nécessaires sacrifices...

Jusqu'au moment où...

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Thierry Le Gueut, vieux routier des médias (20 ans notamment au journal Le Monde) a été dans le civil dirigeant d'un club amateur pendant 17 ans, et est supporter de l'AS Saint Etienne et du Football Club de Rouen.

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