Peut-on encore faire confiance aux médicaments… et aux labos qui les fabriquent ?

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Par Jean Privat Modifié le 13 novembre 2012 à 18h18
L’industrie pharmaceutique vient encore de faire les frais de nouvelles qui ternissent encore un peu plus son image. Cette fois c’est le suisse Roche qui est sur la sellette. Quarante ans après avoir été impliqué, par le biais de son ancienne filiale Givaudan, dans l’affaire du talc Morhange, Roche fait l’objet d’investigations de la part des autorités européennes pour des négligences dans la gestion de son système de pharmacovigilance.

Même si l’information a été peu commentée en France, à l’exception de deux articles du Figaro les 24 et 25 octobre, peu repris dans les médias français, elle est capitale pour le laboratoire suisse. Tout d’abord en raison du doute que cette nouvelle jette sur une entreprise qui entretenait la réputation d’une société sérieuse et dédiée à l’innovation. Or on découvre que Roche a « oublié » de traiter, et donc de transmettre aux autorités, près de 100 000 rapports mentionnant des effets secondaires liés à 19 médicaments du laboratoire. Et parmi ces rapports, 15 161 faisaient état de décès. Et si la liste des médicaments incriminés contient des anticancéreux, pour lesquels on admet une mortalité plus importante, elle contient aussi le Tamiflu (grippe aviaire), le Xenical (traitement de l’obésité) ou le Bonviva (ostéoporose). Dans un contexte de défiance vis à vis des médicaments, illustré par un livre contesté des professeurs Debré et Even, la nouvelle ne devrait ravir ni les dirigeants de Roche ni même ses concurrents.

Enfin, les autorités européennes envisagent une lourde sanction contre Roche, si les investigations en cours mettent clairement en cause les défaillances du laboratoire. En premier lieu, Roche pourrait être condamné à payer une amende équivalent à 5% de son chiffre d’affaires européen, soit près de 440 millions d’euros sur la base des chiffres de 2011. Mais surtout, c’est une grande partie du portefeuille produit du laboratoire qui pourrait être réévalué, au risque de faire face à des baisses de prix, voire à des retraits d’autorisation de mise sur le marché.


Pour l’instant, il faut bien reconnaître que Roche bénéficie d’un contexte favorable. Peu diffusée par les médias, l’information n’est pas non plus commentée par la profession, qui avait pourtant été rapide à condamner Les Laboratoires Servier dans l’affaire du Médiator. La nouvelle est certes communiquée par la nouvelle agence du médicament française, l’Agence nationale de sécurité du médicament, mais de manière très laconique, sans citer les médicaments concernés, ni évoqués des procédures de surveillance en France. Du côté du Ministère de la santé, on ne note pas de déclaration particulière de Marisol Touraine.

En fait, il semble que le seul sujet qui mobilise tous ces acteurs, c’est lorsqu’il s’agit de commenter de nouveaux développements de l’affaire du Médiator, dans laquelle, si la dangerosité de ce produit est établi, l’ampleur de la menace paraît avoir été largement surévaluée. Il reste donc à espérer une chose : c’est que Les Laboratoires Servier ne soient pas le bouc émissaire des malheurs de l’industrie pharmaceutique, et que l’on ne sacrifie pas cette entreprise pour faire oublier les autres affaires et scandales de ce secteur d’activité. En dehors de simple considération de justice, il en va aussi du maintien d’une industrie pharmaceutique française performante, à l’heure ou Sanofi annonce l’inefficacité de ses centres de recherche français sur les 20 dernières années. Mais il est aussi question de près de 5000 emplois directs sur le territoire français.

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Jean Privat est un retraité de l'industrie pharmaceutique. Ancien étudiant en pharmacie et en sciences économiques il a notamment fait carrière dans des fonctions commerciales. Bien que retraité, il reste un observateur attentif et passionné du secteur.

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