L’expropriation des épargnants, la nouvelle réalité de l’Europe surendettée

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Par Christopher Dembik Modifié le 21 mars 2014 à 3h07

Pigou, Ricardo ou encore Schumpeter avaient tous évoqué dans leurs écrits la possibilité d’une taxe sur l’épargne. Leurs idées prennent forme de nos jours dans un contexte d’endettement public qui est à un plus haut niveau dans les pays occidentaux depuis 1880. En l’espace de moins d’un an, trois pays européens ont décidé d’appliquer une forme d’expropriation des épargnants : Chypre, la Pologne, et maintenant l’Ukraine.

Le cas d’école : Chypre

Bien qu’évoqué régulièrement tout au long de l’histoire, la proposition de taxer les épargnants en cas de difficulté des finances publiques fut un tabou qui a été levé au printemps 2013 pour le cas de Chypre. En l’occurrence, il était question à l’époque de sauver un système financier exsangue, très dépendant des capitaux russes, et qui menaçait la stabilité entière de l’île.

Après de longues tergiversations, le principe d’une taxation touchant les plus hauts revenus, au-delà de 100.000 euros de dépôt, fut appliqué. Avec, en ligne de mire, essentiellement les oligarques russes ayant longtemps profité du système fiscal très favorable de l’île. Parmi les plus libéraux, on a pu entendre des cris d’orfraie mais cette taxation ne touchant pas la classe moyenne, elle n’a pas provoqué plus de débats au sein de l’UE.

Surtout, a posteriori, le principe a semble-t-il été validé par un rapport du FMI proposant comme solution à l’endettement européen une taxation en une seule fois de 10 % de l’épargne afin de renflouer les caisses des Etats.

L’Etat failli : l’Ukraine

C’est peu ou prou l’expérience chypriote qui va être répliquée en Ukraine. Le pays, face au risque d’un défaut de paiement, envisage une taxation des plus riches. Deux différences notables par rapport à Chypre :

- L’assiette de la taxe est plus large puisqu’elle s’appliquera aux comptes à partir de 50 000 hryvnias, soit environ 4.000 euros.

- Son ampleur sera moindre puisqu’elle ne concernera que les intérêts sur les dépôts et pas directement les dépôts.

Il est peu probable qu’un bank run vienne affecter l’économie ukrainienne suite à cette taxation. A fortiori, la banque centrale ukrainienne va certainement appliquer des mesures strictes de contrôle des flux de capitaux dans les prochains jours ou les prochaines semaines, ce qui devrait circonscrire toute panique éventuelle des épargnants.

Le bon élève du capitalisme : la Pologne

Par un moyen détourné, la Pologne, pourtant bon élève du capitalisme depuis la fin de l’ère communiste, a aussi, en fin d’année dernière, voté une mesure qui a rapidement été assimilée par les milieux d’affaire et même certains membres du gouvernement comme une expropriation pure et simple.

En substance, le projet gouvernemental prévoyait de transférer l’ensemble des obligations gouvernementales détenues par les fonds de pension privés, essentiellement gérés par des entités étrangères, vers l'Etat. Cette décision, présentée comme un simple changement comptable, devait permettre de baisser automatiquement d’environ 8 points de pourcentage la dette publique, allégeant d’autant les efforts de consolidation budgétaire envisagés à l’approche des élections de 2015.

Encore tabou il y a un an, la taxation des épargnants est désormais devenue un outil plausible du législateur pour faire face à un endettement massif des Etats. Trois pays y ont déjà eu recours. D’autres, en Europe, confrontés à l’échec de la consolidation budgétaire en bas de cycle, pourraient choisir la même voix.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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