Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Tout le monde connaît bien le rôle prééminent du dollar dans l’économie mondiale et ce, depuis globalement la fin de la Seconde guerre mondiale, même si, c’est la fin des accords de Bretton Woods qui permirent au billet vert de devenir ce qu’il est aujourd’hui à savoir LA monnaie mondiale de réserve à travers le phénomène des « pétro-dollars ».
Lorsque les autorités américaines ont décidé que le dollar ne serait plus convertible en or, alors, la monnaie américaine n’était plus assise sur rien de susceptible d’assurer la confiance, sans compter qu’à cette époque, les États-Unis sont en pleine guerre du Vietnam, et qu’il faut bien financer la guerre. C’est coûteux une guerre.
L’idée de génie a été d’imposer au monde entier (parce qu’ils avaient beaucoup de porte-avions) l’utilisation du dollar pour tous les achats de pétrole négocié dans le monde entier. C’est ainsi que l’utilisation du dollar a été imposée au monde entier.
Régulièrement on parle de la remise en cause du dollar, régulièrement on indique que le roi dollar est mort, que la Chine va émerger sur la scène monétaire internationale. C’est exactement ce qui se passe avec les dernières déclarations assez fracassantes du gouverneur de la banque d’Angleterre Mark Carney, qui n’a pas dit que le dollar allait mourir mais qu’il était « trop dominant ».
Ces déclarations ne sont pas anodines. Je vous traduis ici l’essentiel de ce qu’en rapporte cet article du journal anglais The Guardian, puis je vous dirais plus bas ce que j’en pense.
Mark Carney : le dollar est trop dominant et pourrait être remplacé par la monnaie numérique
« Le gouverneur de la Banque d’Angleterre affirme que la constitution de réserves de dollars est devenue un obstacle au commerce mondial »
Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a contesté la position du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, faisant valoir qu’il pourrait être remplacé par une alternative numérique mondiale pour mettre fin à une surabondance d’épargne qui a entraîné 10 ans de faible inflation et de taux d’intérêt extrêmement bas.
Appréciant la décision de mettre fin à la domination de la livre sterling sur les marchés monétaires internationaux il y a 100 ans, M. Carney a déclaré que le dollar avait atteint un niveau de domination qui signifiait qu’il constituait un obstacle à une reprise durable.
Il a déclaré qu’une nouvelle monnaie numérique soutenue par un grand nombre de pays débloquerait des fonds en dollars que les gouvernements conservent actuellement sous forme de police d’assurance en ces temps incertains.
Les gouvernements accumulent des réserves de dollars pour se prémunir contre les fluctuations de l’économie américaine, qui se sont intensifiées ces derniers temps, entraînant une hausse importante du coût du crédit. (Il parle ici des monnaies des pays émergents dont les taux sont toujours plus élevés car les monnaies émergents inspirent moins confiance, NDLR).
Une monnaie numérique « pourrait atténuer l’influence dominante du dollar américain sur le commerce mondial » , a déclaré M. Carney dans un discours prononcé à Jackson Hole, au Wyoming, lors du rassemblement des banquiers centraux du monde entier. « Si la part du commerce facturée en [monnaie numérique] augmentait, les chocs aux États-Unis auraient des répercussions moins importantes sur les taux de change et le commerce serait moins synchronisé entre les pays ».
« L’influence du dollar sur les conditions financières mondiales pourrait également diminuer si une architecture financière se mettait en place autour de la nouvelle [monnaie numérique] et si elle déplaçait la domination du dollar sur les marchés du crédit. En réduisant l’influence des États-Unis sur le cycle financier mondial, cela contribuerait à réduire la volatilité des flux de capitaux vers les économies de marché émergentes. »
La monnaie chinoise, le renminbi, a été citée comme une alternative au dollar avec les monnaies numériques proposées comme la libra de Facebook. M. Carney a déclaré que ni l’un ni l’autre n’était en mesure de prendre le relais du dollar, mais que les nouvelles technologies pourraient permettre à une monnaie numérique mondiale de défier la monnaie américaine.
Les monnaies numériques ont attiré l’attention des banques centrales au cours de l’année écoulée, à mesure que la perspective des transactions commerciales mobiles et des transactions de consommation est devenue plus populaire.
Plus tôt cette année, la Banque d’Angleterre a accueilli favorablement l’initiative Libra de Facebook, considérée comme un défi pour Bitcoin et d’autres cryptomonnaies. Les représentants de la Banque ont déclaré que l’initiative, qui a reçu l’appui de plusieurs banques, pourrait être un complément utile aux échanges de biens et de services.
Une série de banques centrales a cependant critiqué la Balance, affirmant qu’elle ne disposait pas des règles et réglementations nécessaires pour en faire une monnaie fiable. La Commission européenne a ouvert une enquête antitrust sur la Libra au début de cette semaine, craignant que la monnaie numérique privée ne désavantage injustement ses rivaux et ne donne lieu à des abus.
Dans ce qui semblait être une réponse plus chaleureuse à la Libra, Carney a déclaré que: « Les transactions de détail se font de plus en plus en ligne plutôt que dans la rue, et par le biais de paiements électroniques en espèces ».
« La plus en vue est la Libra, une nouvelle infrastructure de paiement fondée sur une monnaie internationale stable entièrement adossée à des avoirs de réserve dans un panier de monnaies comprenant le dollar américain, l’euro et la livre sterling. Il pourrait être échangé entre les utilisateurs sur les plateformes de messagerie et avec les détaillants participants ».
« Il y a une foule de questions fondamentales auxquelles la Libra doit répondre, allant de la protection de la vie privée à la résilience opérationnelle. En outre, selon sa conception, elle pourrait avoir des implications substantielles pour la stabilité monétaire et financière ».
M. Carney a déclaré que l’économie britannique souffrait de plusieurs années de sous-investissement, principalement en raison de l’incertitude entourant le Brexit. Une nouvelle détérioration de la croissance du PIB pourrait forcer le comité de politique monétaire de la Banque à réduire les taux d’intérêt, a-t-il dit. M. Carney serait disposé à agir en cas de récession provoquée par un départ sans accord de l’UE.
Est-ce la fin du dollar ?
Pas du tout ! Est-ce que le dollar est un problème ? c’est évident !
Est-ce que dans un monde multipolaire nous devrions avoir une monnaie internationale ? Peut-être mais ce sujet mérite débat car la souveraineté de chaque pays dépend de sa capacité à battre monnaie car cela donne d’évidentes marges politiques, et donc de choix aux citoyens.
Question du coup, la démocratie à l’échelle planétaire est-elle possible ? Doit-on remplacer tous les pays par un seul que l’on appellerait « Globalia » ? Est-ce souhaitable ? Il s’agit ici de questions fondamentales.
Tellement fondamentales qu’en réalité, au moment où vous lisez ces lignes, si beaucoup en sont encore au clivage « gauche/droite », ce dernier est mort et enterré depuis bien longtemps. La véritable césure se fait entre deux façons de voir le monde.
La manière souverainiste, et la façon mondialiste.
Vous voulez globalia ou alors une multiplicité de nations souveraines.
Le gouverneur de la banque centrale anglaise est un mondialiste, et rien n’énerve plus les mondialistes que le souverainisme de Trump dont le programme économique et politique fait totalement dérailler le beau processus pensé de convergence mondiale !
Trump lorsqu’il parle de « Make america great again », vous parle de la force de l’Amérique, et si l’Amérique est forte, c’est parce qu’elle est indépendante et souveraine, pas parce qu’elle se laisse happer dans un globalia où elle ne serait plus qu’une province du monde mondialisé comme une autre.
Trump pense la puissance américaine, et aussi la puissance de sa monnaie.
L’Amérique elle-même est prise dans cet immense affrontement entre ces deux visions du monde totalement irréconciables.
Mondialistes, contre souverainistes. La guerre est à mort. Quelle en sera l’issue ? Simple et compliqué à la fois.
Simple parce que l’avenir de ces 10 prochaines années sera conditionné par deux choses. Le Brexit et la réélection de Trump. Vous avez ici deux marqueurs fondamentaux de ce terrible combat entre ces deux idéologies.
Si Trump gagne et que le Brexit va jusqu’au bout, alors, le dollar ira très bien et dominera le monde encore très longtemps. L’Europe s’alignera sur les États-Unis et restera soumise, la Chine déraillera et ce sont les États-Unis qui l’auront poussé.
Si Trump perd, si le Brexit n’a pas lieu, alors le monde reprendra sa marche vers le nouvel ordre mondial, qui n’est rien d’autre que Globalia, un monde parfaitement décrit dans l’ouvrage du même nom que je vous invite à lire si cela n’est pas le cas.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae