La Banque nationale suisse se moque des Suisses

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Par Simone Wapler Publié le 2 juin 2015 à 5h00
Suisse Banque Nationale Keynesianisme
52 %Les cantons suisses sont actionnaires à 52 % de la Banque nationale suisse.

La Banque nationale suisse prétend oeuvrer pour l'économie suisse mais achète des obligations étrangères douteuses, des actions américaines et affiche des pertes historiques en ce premier trimestre 2015. Encore une preuve de l'ineptie des "politiques monétaires".

Les keynésiens ne supportent pas la démocratie en matière d'économie. Taux d'intérêt, parités monétaires ne sauraient être déterminés par la rencontre de multiples acheteurs et vendeurs, la loi de l'offre et de la demande, sur un marché libre et ouvert. Monnaie et change sont l'apanage d'une banque centrale pilotée par des technocrates omniscients qui ont pour mission d'œuvrer pour le bien du peuple. Le peuple, lui, est bien trop borné, limité, mal éduqué pour avoir quelque discernement dans des domaines aussi importants. Ces derniers sont l'apanage de Wall Street, de Harvard ou des énarques, de l'élite de Davos.

Les keynésiens sont d'ardents défenseurs de la monnaie faible. Il fut un temps où la Suisse faisait partie des rares pays qui n'étaient pas administrés par des keynésiens ; il était alors écrit dans la constitution helvétique que la Banque nationale suisse se devait d'avoir 40% de ses réserves monétaires en or. Les Suisses ont donc énormément pâti durant des décennies d'avoir une monnaie forte.

En 1958, lorsque le nouveau franc fut promulgué en France, il fut décidé qu'il serait à parité avec le franc suisse : 1 CHF= 1 FF. La France keynésienne et dirigiste pratiqua la politique de la monnaie faible, politique consistant à brader le travail de ses concitoyens. En effet, selon les keynésiens, si un pays baisse la valeur de sa monnaie, il vend mieux ses exportations. Au contraire, la Suisse ne faisait pas grand'chose et le franc suisse se renchérissait face au franc français. Les deux francs dérivèrent donc. Pour fixer les idées, lorsque le franc français fut dissout dans l'euro, un franc suisse achetait 4,5 francs français (1 CHF = 4,5 FF).

Puisque leur monnaie était forte, les entrepreneurs suisses et leurs salariés devaient réaliser des gains de productivité pour vendre leurs produits à l'étranger. La production de richesse par habitant a été multiplié par trois en France comme en Suisse mais avec une petite différence : la France fait partie des pays développés dont la dette publique par habitant est l'une des plus importante au monde et le taux de chômage le plus fort. Inversement, la Suisse fait partie des pays développés les moins endettés et où le chômage est le plus faible. Le franc fort n'empêche pas Novartis, Nestlé, etc. de vendre et des entreprises comme Swatch furent les pionnières du low cost fabriqué dans un pays à monnaie forte.

Les Helvètes se mettent au keynésianisme

Puis la Suisse s'est convertie à la religion keynésienne. Elle a intégré le FMI en 1992 ce qui l'a contrainte à renoncer à avoir 40% de ses réserves monétaires en or. Ses banquiers centraux ont estimé qu'il était bon que le franc suisse s'accroche à l'euro contre vents et marées. La BNS a donc acheté beaucoup d'obligations d'Etat françaises pour soutenir l'euro et empêcher le franc suisse de monter. Nous, Français, avons ainsi pu continuer à vivre à crédit à bon compte, grâce aux Suisses.

Soudain, en début d'année 2015, la BNS a décidé de décrocher le franc de l'euro et le franc s'est envolé face à la monnaie unique. Avec plus d'un trimestre de recul, que constatons-nous ? L'économie réelle suisse poursuit son petit bonhomme de chemin, comme avant. La BNS, de son côté, a acheté beaucoup d'actions de multinationales américaines en créant autant de francs suisses : 497 millions de francs suisses dans Apple, 200 millions dans Google, 200 millions dans Exxon Mobil, par exemple. Elle a aussi acheté des obligations américaines ce qui a contribué à affaiblir l'euro face au dollar. Sur le premier trimestre 2015, la BNS affiche une perte de 29,3 milliards de francs suisses, la plus forte de son histoire. La blogosphère avertie (Zerohedge, le blog de Lilian Held-Khawam, le blog à Lupus) s'interroge : quel jeu joue la Banque nationale suisse ?

La BNS est une société anonyme régie par une loi spéciale qui stipule que :
- elle approvisionne en liquidités le marché monétaire en francs suisses ;
- elle assure l'approvisionnement en numéraire ;
- elle facilite et assure le bon fonctionnement de systèmes de paiement sans numéraire ;
- elle gère les réserves monétaires ;
- elle contribue à la stabilité du système financier.

Ses actionnaires sont les cantons (à 52%) et les banques cantonales, ses éventuels profits sont reversés aux cantons (pour les deux tiers) et à la Confédération (pour un tiers).

En pratique, la BNS, comme toutes les autres banques centrales, essaye de faire tenir debout un système financier mondial corrompu, ivre de surendettement finançant de la surconsommation, un système reposant sur le mensonge et confondant richesse réelle et création de crédit et qui profite exclusivement à l'establishment politico-financier.

Margaret Thatcher a dit en son temps, "le problème avec le socialisme, c'est qu'on arrive très vite à court d'argent des autres". Mais le keynésianisme n'a pas ce problème : lorsqu'il n'y a plus d'argent, il le fabrique. Tant que personne ne découvre la supercherie, tout va bien. Lorsqu'elle est découverte, les contribuables paient. Ainsi, la BNS fait le bonheur de Wall Street, pas des Suisses.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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