Nord Stream 2, la peau de banane de Olaf Scholz

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Par Nicolas Cotto Modifié le 21 décembre 2021 à 16h30
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1230 kilomètres11 milliards de dollars

Construit pour un coût de 11 milliards de dollars, le nouveau gazoduc Nord Stream 2, reliant la Russie à l’Allemagne, est -selon à qui vous le demandez-, une bouée de sauvetage énergétique pour l’industrie allemande ou un cadeau empoisonné de Vladimir Poutine.

Une chose est sûre : moins de deux semaines après le début du mandat du nouveau chancelier allemand, l’avenir du pipeline est un casse-tête dont Olaf Scholz se serait sans doute volontiers passé. C’est également l’un des premiers tests importants pour le leadership allemand dans une Europe post-Angela Merkel.

Achevé en septembre dernier, après cinq ans de construction, Nord Stream 2 est prêt à fonctionner. Mais avec les troupes russes se massant à la frontière ukrainienne, Olaf Scholz subit une énorme pression de la part de ses alliés européens qui le souhaitent voir utiliser le pipeline comme une épée finement aiguisée au-dessus de la tête de Vladimir Poutine.

Itinéraire de 1230 kilomètres

Le nouveau gazoduc s’étend le long d’un itinéraire de 1230 kilomètres, passant sous la mer Baltique, similaire au tracé de Nord Stream 1, et doublant ainsi la capacité d’acheminement du gaz russe vers l’Allemagne. Détail qui a son importance : le nouveau pipeline contourne le réseau d’approvisionnement traditionnel qui passe à travers l’Ukraine pour relier l’Union Européenne. Une source de revenus non négligeable pour Kiev, qui facture à Moscou les frais de transit du gaz russe vers l’Europe. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a récemment accusé la Russie d’orchestrer la crise du gaz en Europe en refusant d’augmenter ses livraisons, favorisant ainsi la pénurie et la hausse du prix du gaz. L’enjeu pour Vladimir Poutine : accélérer la mise en service de Nord Stream 2 pour isoler l’Ukraine tout en gardant la main sur les robinets qui alimentent l’Allemagne et le reste de l’Union Européenne.

De son côté, l’administration Biden cherche à rétablir des liens avec l’Allemagne, tendus durant les années Trump, sans enfoncer trop violemment Nord Stream 2. Elle n’est pourtant pas très favorable au projet. La Maison Blanche, ainsi que certains dirigeants européens, souhaitent que le nouveau chancelier allemand suspende la mise en service du nouveau pipeline en cas d’aggravation du conflit ukrainien.

Pour les Allemands il s'agit de gagner du temps

Le Premier ministre polonais, Mateuz Morawiecki, a appelé Olaf Scholz « à ne pas céder aux pressions de la Russie et à ne pas autoriser que Nord Stream 2 soit utilisé comme instrument de chantage ». La nouvelle ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock -dont le parti, Les Verts, s’est longtemps opposé à Nord Stream 2- a également déclaré que le pipeline ne devrait pas être ouvert en cas d’escalade russe dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine.

Mais pour Olaf Scholz, le calcul est plus compliqué. Une majorité d’Allemands a soutenu le projet de gazoduc, et l’Allemagne a un regard bien plus pragmatique sur la Russie de Vladimir Poutine, que les États-Unis et bon nombre de pays européens.

En jetant un œil sur les dernières importations américaines de pétrole russe, les Allemands soulignent l’hypocrisie de Washington à vouloir ralentir l’ouverture du nouveau projet de pipeline.

Les gazoducs Nord Stream sont considérés à la pointe de la technologie, fiables et efficaces, tandis que le réseau ukrainien est montré du doigt comme devenant obsolète et mal entretenu.

Les Allemands ont donc fait ce qu’ils font le mieux : gagner du temps.

La semaine dernière, le régulateur allemand de l’énergie a annoncé qu’une décision sur la certification finale de Nord Stream 2 n’interviendrait pas avant la seconde moitié de 2022. Le temps de voir si les troupes russes ont pris d’assaut les frontières de l’Ukraine ou si la situation s’est suffisamment apaisée pour songer à une ouverture définitive du gazoduc russe.

Comme souvent dans ces histoires de pétrole russe, on finit toujours par se poser la même sempiternelle question : à qui donc profite le crime..?

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Journaliste

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