Obligations à taux négatifs : 9 500 milliards de dollars proches d’une explosion cataclysmique

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Par Simone Wapler Publié le 26 juin 2017 à 5h00
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9 500 milliards $Les obligations négatives ont atteint 9 500 milliards de dollars en mai dernier.

Les obligations à taux négatifs ont atteint en mai 9 500 Mds$, une augmentation de 10,5% par rapport à avril, a indiqué la chaîne CNBC.

Que signifie « taux négatif » dans notre monde où la monnaie n’est plus une marchandise, de l’or ou de l’argent-métal, ni même des billets de banques sans valeur intrinsèque, mais simplement de la dette ? L’argent d’aujourd’hui n’est plus qu’une inscription figurant quelque part dans une mémoire d’ordinateur. Cette inscription indique qu’une entité (banque, gouvernement) doit de l’argent à une autre (banque, gouvernement, entreprise ou même individu).

Depuis la nuit des temps, il était généralement admis que lorsque quelqu’un avait de l’argent et le mettait à disposition de quelqu’un qui n’en avait pas, il recevait une récompense, des intérêts. Ce n’est plus le cas. Les taux négatifs sont la grande innovation financière du XXIème siècle. Mais il n’est pas certain que ce progressisme financier soit source de prospérité.

Les gagnants et les perdants des taux négatifs

Concrètement, pour vous et moi que signifient des taux négatifs ?

- Que si vous avez de l’argent et que vous voulez le « parquer » en sûreté pour qu’il soit disponible et reste bien à vous, il faut payer. Après tout, pourquoi pas ? On paye bien pour avoir un coffre-fort…
- Sauf qu’un coffre-fort avec des liasses de billets, ce n’est plus possible avec les restrictions sur le cash, les espèces.
- Que si vous avez de l’épargne, que vous voulez la placer sans grand risque et la conserver sous forme financière, le rendement que vous pouvez en espérer est très faible. Que si vous aviez des projets qui tablaient sur un taux d’intérêt historique moyen, ils sont anéantis. Par exemple, vous escomptiez que le moment de la retraite venu, le produit de la vente de votre entreprise, ou bien le capital que vous aviez accumulé en prenant quelques risques allaient vous rapporter environ 5% : eh bien c’est raté.
- Que tout ce que vous achetez est cher, et probablement beaucoup trop cher. Avec des taux aussi bas, chaque acheteur au comptant est en concurrence avec beaucoup d’acheteurs potentiels à crédit, ce qui fait monter les enchères. Ceci explique que les actions soient chères, que l’immobilier soit cher et que les rendements soient à la baisse partout.
- Que pour espérer que votre patrimoine vous rapporte, il ne vous reste plus que la spéculation : acheter ce qui est déjà cher en espérant le revendre encore plus cher, toutes choses égales par ailleurs.
- Que ceux qui ont déjà un gros patrimoine peuvent espérer le gonfler grâce à l’emprunt (à l’effet de levier). Seulement espérer puisque tout est déjà très cher.

Comme vous le voyez, ces implications sont nuisibles pour nous. Maintenant, voici ce que des taux négatifs signifient pour les autorités : gouvernements, industrie financières, banques, etc.

Des taux négatifs signifient que :

- Les investisseurs institutionnels, les grandes multinationales, les fonds souverains préfèrent parquer l’argent qu’ils ont en dépôt dans de la dette d’Etat plutôt que dans les banques.
- Les gouvernements peuvent continuer à « rouler leur dette » et à financer leurs promesses puisque les intérêts ne leur coûtent rien.
- Les marges des banques dans leur activité de prêt sont très faibles et elles doivent se replier, elles aussi, sur des activités spéculatives.
- Ceux qui doivent de l’argent sont avantagés par rapport à ceux qui ont de l’argent disponible.
- Que les zombies, les poids morts, ceux qui survivent alors qu’ils devraient faire faillite se multiplient.

Comme vous le voyez, les taux négatifs favorisent les gouvernements surendettés et dépensiers, les entreprises non performantes et la spéculation pure.

Supernova ou ère glaciaire ?

Bill Gross, l’ancien gérant star de l’obligataire, a prévenu en 2016 que ces 10 000 Mds$ d’obligations à taux négatif serait une « supernova » qui explosera un jour. En réalité, la monnaie telle qu’elle existe aujourd’hui est une insulte à l’épargne, à la liberté, à la prévoyance et à l’individu.

La monnaie n’est rien d’autre qu’une promesse d’un gouvernement (ou de la Banque centrale européenne dans le cas de l’euro) qu’un chiffre est bien inscrit quelque part. Mais ce n’est plus, depuis bien longtemps, une promesse de payer quelque chose à quelqu’un. Lorsqu’il faut payer, ce sont les contribuables qui sont appelés.

Peu de gens comprennent encore vraiment toutes les implications des taux négatifs. La volatilité du bitcoin, cette monnaie électronique qui ne dépend d’aucun gouvernement, prouve cependant que de plus en plus de gens se méfient. La volatilité n’est autre que le doute quant à l’établissement d’un prix. Episodiquement, il semble bien que le bitcoin devienne de plus en plus recherché et prisé.

Bill Bonner, quant à lui, pense que nous n’allons pas assister à l’explosion d’une bulle obligataire mais au contraire à une ère glaciaire durant laquelle les obligations vont tenir bon même si elles ne rapportent rien. Mais que se passera-t-il lorsque les Etats-providence n’auront plus la garantie des contribuables pour adosser leurs emprunts qui ne rapportent rien ? Louis Rouanet pense que plus personne ne sera bientôt assez « riche » pour cautionner les dépenses publiques.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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