Philippe SEGOND : « Le métier d’artisan, c’est se remettre toujours en question pour satisfaire le client »

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Par Rédaction Modifié le 22 janvier 2018 à 12h56
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1990Le pâtissier, chocolatier et confiseur aixois Philippe Segond, a été consacré Meilleur Ouvrier de France en 1990

Philippe Segond tout le monde connaît l’excellence de vos réalisations pâtissières, couronnées par un titre de Meilleurs Ouvriers de France (MOF). Parlez-nous de l’équipe d’artisans passionnés que vous avez construite autour de vous ?

Philippe Segond : Toute l’équipe qui travaille avec moi, pâtissiers ou chocolatiers, est passionnée par ce métier. S’ils m’ont rejoint c’est pour mon exigence et ma volonté de toujours innover. La maitrise d’un artisan ne s’obtient qu’en se remettant chaque jour en question.

Mon équipe est plutôt jeune. La plupart des jeunes sont là pour des mentions complémentaires, un perfectionnement après le CAP, mais il y a aussi des brevets techniques des métiers. Si autrefois il n’y avait pratiquement que des garçons dans ce métier, c’est en train de changer. Il fallait porter de gros sacs de sucre ou de farine, des seaux… cela pouvait être très éprouvant physiquement. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de filles qui s’y intéressent. Elles ont une approche totalement différente des hommes. Elles apportent quelque chose d’autre dans le visuel, une touche féminine, et un côté plus décoratif. Certes c’est un travail qui reste éprouvant, on se lève tôt et on travaille pendant les fêtes, mais je suis sûr que d’ici une vingtaine d’années, cette tendance se confirmera.

Votre titre de MOF implique-t-il pour vous cette mission de formation, d’essaimage presque ? Suivez-vous les dizaines de personnes passées entre vos mains ?

PS : J’ai toujours gardé de bons contacts avec ceux qui sont passés à la maison. Quelques mois après leur départ en fin de formation nous nous recontactons pour se donner des nouvelles. Petit à petit j’apprends que tel jeune est devenu chef, tel autre s’est installé au Japon. J’ai d’ailleurs au moins une dizaine d’anciens qui s’y sont installés. A Las Vegas, il y a 4 palaces dont le chef pâtissier est un ancien de la maison. Beaucoup partent s’installer à Lyon, à Paris ou à Bordeaux. Evidemment, nous n’avons pas toujours l’occasion de nous revoir mais je sais ce qu’ils deviennent et nous avons toujours des nouvelles.

Pensez-vous que vous avez le même devoir de formation, de découverte, vis-à-vis des clients qui franchissent le pas de vos magasins ?

PS : Pour les clients nous partons d’un postulat différent. Grace aux médias, aux journaux spécialisés, ou même aux émissions de télé, beaucoup se sont intéressés voire passionnés par le métier et par toute l’implication qu’on y met. Les clients sont plus instruits qu’avant mais ils sont aussi plus critiques. Lorsqu’un client franchi la porte du magasin, il veut un travail d’artisanat, un travail sur mesure avec une odeur, des assemblages qui vont le surprendre. Mais c’est également le cas quand il commande un gâteau classique. Même pour un merveilleux ou une tarte tatin, deux gâteaux classiques et très traditionnels de la pâtisserie française, nous savons qu’ils viennent pour ne pas être déçus. Ils veulent une tarte avec des pommes entières, bien caramélisé, une meringue très légère, une crème fondante en bouche...

Vous avez collaboré à plusieurs reprises avec de grandes enseignes pour « signer » des produits pâtissiers. N’est-ce pas en contradiction avec votre action en tant qu’artisan ?

PS : Selon moi pas du tout, bien au contraire ! Dans la grande distribution il y a toujours eu des rayons pâtisseries, les clients achètent des gâteaux, du pain, de la viennoiserie. Lorsqu’ils achètent dans ce type de rayon c’est pour se « nourrir ». Quand ils viennent chez l’artisan, c’est pour autre chose. C’est beaucoup plus sérieux, ils s’attendent à avoir une fraicheur, une finition et une qualité supérieure, une matière première de meilleure qualité, c’est tout cela ce qui va expliquer l’écart de prix. Ce n’est pas la même approche, lorsqu’on nous commande un gâteau pour le soir, nous finissons de le préparer l’après midi et non le matin. Dans la grande distribution, ils n’ont pas ce temps, avec d’autres prérogatives qui ne sont pas les mêmes que pour un artisan. J’ai des clients qui achètent aussi en grande distribution, mais quand ils viennent chez moi ils savent pourquoi et ce ne sont pas pour les mêmes raisons. En tant que MOF, s’il m’est arrivé de donner des conseils pour l’élaboration d’une recette gourmande, c’est justement pour démocratiser le « Bon », et inciter les consommateurs à franchir ensuite le pas du magasin d’un artisan pour poursuivre la découverte.

Philippe Segond, en conclusion parlez-nous de vos rêves encore à réaliser ?

PS : Je ne suis jamais statique, j’ai toujours besoin de me remettre en question quant à ma création, ma fabrication, mon sourcing… J’aime trouver un nouveau miel, un nouveau sucre, un nouveau fournisseur de qualité. Les matières premières évoluent de la même façon que les façons de cultiver changent. Pour moi, le rêve c’est d’arriver à toujours faire mieux demain. Former tous les jeunes qui sont à mes côtés et aider nos artisans à s’améliorer en permanence. Préparer la relève du métier en premier lieu, mais également celle du titre de MOF. Dès que l’on entre chez nous, il faut toujours que cela soit de mieux en mieux et toujours plus original. Avec ma femme et mon équipe, je m’attèle aussi bien à la fabrication qu’à la vente, pour avoir un beau magasin bien achalandé, attrayant et qui donne envie d’y rentrer. Il faut toujours être novateur. Je suis en permanence à la recherche de cette perfection, de l’idéal et que les clients soient le plus satisfaits possible. C’est le propre d’un véritable artisan, quel qu’il soit ; nous sommes tous dans ce schéma.

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