4G, roaming : Messieurs les opérateurs, occupez vous d’abord de la 3G !

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 23 janvier 2014 à 6h31

Le roaming : voici le nouveau front ouvert par les opérateurs pour se prouver les uns aux autres qu’ils ont la plus longue… antenne. Après des semaines et des mois d’affrontement sur le nombre d’antennes 4G déployées par tel ou tel, puis, le nombre de villes couvertes, ou encore le pourcentage de la population desservie par la 4G, voici que Free et Orange espèrent convaincre des clients de les rejoindre parce qu’ils offrent ou offriront du roaming international inclus dans leurs forfaits. C’est sûr que je me rends toutes les semaines en Italie pour faire le plein de café et dévorer des pizzas (Free offre le roaming en Italie). Le Portugal ou l’Espagne sont mes bases arrières, j’y suis un week-end sur deux (en projet chez Orange).

De qui se moque t’on ? Client mobile depuis 1997, j’ai vécu 50 révolutions tarifaires, à commencer par celle du forfait inventé par Bouygues Télécom, mon premier opérateur.

L’arrivée de Free en 2011 a eu un mérite majeur : celui de fixer un prix de marché raisonnable au forfait devenu un standard, à savoir les appels et les SMS illimités, avec 2 ou 3 Go de data pour 19,90 euros. Avant, chaque opérateur avait des dizaines de formules et d’options différentes, dont certaines étaient ahurissantes.

Un exemple ? Il y a deux ans à peine, je payais encore, comme des millions de français, plus de 50 euros par mois, pour un service médiocre. 4 heures d’appel, 1 Go de data (sans mode modem) et… 1000 SMS, en option payante encore. Conséquence ? Je dépassais tous les mois mon quota de SMS, à cause des caractères accentués de la langue française qui chacun consomment non pas un, mais huit caractères. Pourtant, le SMS est un service qui ne coûte quasiment rien à l’opérateur, les messages passent quand il y a de la place, sans garantie de délivrance. A ses débuts, il était d’ailleurs gratuit (chez Bouygues Télécom) avant de devenir pendant plusieurs années une des vache à lait des opérateurs.

Aujourd’hui donc, on voudrait nous faire croire que les utilisateurs de mobile attendent de pouvoir téléphoner et être joints gratuitement depuis l’Europe. Mis à part les clients pros, dont les forfaits sont payés par des entreprises capables d’assumer la charge des appels à l’étranger puisqu’ils sont capables d’y envoyer leurs collaborateurs, je ne vois pas qui est concerné, à part les frontaliers. Appeler depuis le réseau suisse quand on se trouve à Evian, et être facturé pour cela, c’est vexant et anormal. Mais en dehors de cela, payer quelques euros pour pouvoir être joint quand on part une semaine en vacances en Italie ne me choque pas.

La 4G ? Oui oui, je trépigne d’impatience de pouvoir regarder des vidéos en illimité sur Youtube. C’est la nouvelle offre tarifaire de SFR pour ses abonnements 4G, 5 Go de données dans le forfait, et Youtube jusqu’à plus soif. En vous parlant de 4G, on nous assène des histoires de vidéos qui se chargent en quelques secondes sur notre mobile contre plusieurs minutes en 3G. J’en rêvais.

Seulement voilà, ce que les utilisateurs de smartphones, tablettes, ordinateurs connectés en 3G, attendent des opérateurs, ce n’est pas de pouvoir téléphoner gratuitement depuis le Portugal ou l’Italie ou de charger une vidéo de Youtube sur leur mobile en quelques secondes. Non, ce qu’ils attendent, c’est que la 3G fonctionne dans les transports.

Aaaaaahhh oui la 3G, le service qu’on vous a vendu il y a quelques années, et qui devait vous permettre de pouvoir vous connecter partout à Internet facilement et rapidement ? Seulement volà le souci c’est qu’on vous l’a déjà vendu et on vous l’a déjà fait payer…, ca va être dur de vous demander de payer une seconde fois pour un service qui n’a pas tenu ses promesses…

Oui, la 3G est un mensonge. Elle devait permettre aux utilisateurs de mobile de se servir de leur smartphone et/ou de leur ordinateur en situation de mobilité, « comme au bureau ». On promettait avec la 3G+ des débits supérieurs à ce que l’ADSL pouvait offrir à l’époque. Seulement voilà : en vacances, plus d’une fois, il m’est arrivé de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit avec mon mobile ou mon ordinateur à cause d’antennes 3G saturées de demandes de connexion, sur les zones touristiques.

Mais le vrai mensonge, c’est la promesse de connectivité en itinérance. Cela faisait partie du contrat, avec l’arrivée de la 3G : pouvoir se connecter à Internet à haut débit partout, facilement. Avez vous déjà emprunté le Thalys pour vous rendre à Bruxelles ? A bord, un service d’accès à Internet par Wifi permet de travailler (ou autre usage) pendant toute la durée du trajet. A quelques rares moments, un tunnel coupe la connexion satellite. Mais le reste du temps, le débit est bon, la connexion, stable, on peut surfer, envoyer et recevoir des mails sans souci. J’ai lu que la SNCF n’équiperait pas ses rames TGV de connexions Wifi embarquées car finalement, cela coûterait trop cher, 200 000 euros au moins par rame. Mais que vient faire la SNCF dans cette galère ? Payante, qui plus est ? C’est aux opérateurs d’assumer et de fournir dans les moyens de transport une connexion digne de ce nom. Si le déploiement de la 3G dans le métro parisien a longtemps été bloqué par les syndicats de la RATP arguant des dangers pour la santé des conducteurs, il n’en est pas de même pour le déploiement d’antennes, ou de câbles rayonnants, le long des lignes de TGV.

S’il est une mesure d’aménagement du territoire prioritaire à engager, c’est bien celle qui consiste à transformer les moyens de transport, et en particulier les TGV, en bureaux mobiles. Le gain de productivité pour les entreprises, l’amélioration de la qualité de vie des itinérants, sera considérable. La satisfaction des clients, longtemps déçus, colossale. Pour cela, bien évidemment, les opérateurs devront s’entendre, exactement comme pour la couverture des fameuses zones blanches, ou une seule antenne assure le service pour tous les opérateurs mobiles (le fameux F-CONNECT que vous voyez parfois sur votre écran de mobile, quand vous êtes perdu dans la pampa). Sur les lignes TGV, boucher les trous en 3G – car le service existe, mais il est morcelé en fonction des schémas de couverture adoptés par les opérateurs) doit se faire en coopération.

Je connais parfaitement bien le problème posé par le « hand-over », c’est à dire le passage d’une antenne à l’autre, compliqué à cause de la vitesse du TGV quand il est lancé à 320 km/heure. On change d’antenne toutes les 40 secondes. Sauf que là où la couverture est bien faite, ça marche. Les habitués des grandes lignes TGV savent vous dire à quel endroit ils peuvent surfer, et où cela ne marche pas. Les techniques pour couvrir les voies et les rames existent, en zone rurale, il n’y a pas de problème de chevauchement de fréquences. Il suffit juste de relire la lettre de mission confiée aux opérateurs, au début du déploiement du GSM : « contribuer à l’aménagement du territoire ».

Déployer l’accès à Internet en 3G, donc, de qualité, sur les grands axes de communication ferroviaires, et en particulier TGV, est autrement plus important et urgent que de se battre sur le roaming, ou de déployer la 4G en ville, là où désormais, des dizaines de connexions wifi sont accessibles le plus souvent avec… des codes fournis par son opérateur mobile !

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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