Projet de loi de fin de gestion : pourquoi l’Assemblée nationale a dit non

Le rejet du projet de loi de fin de gestion par l’Assemblée nationale confirme la crise de confiance autour du budget de la France, alors même que les recettes de TVA dévissent et que le gouvernement cherche à tenir un déficit public ciblé à –5,4 % du PIB ; ce projet de loi, présenté comme un simple ajustement technique, cristallise pourtant des enjeux politiques majeurs sur les impôts, le fonctionnement de l’État et l’équilibre du budget 2025.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 20 novembre 2025 6h35
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Projet de loi de fin de gestion : pourquoi l’Assemblée nationale a dit non - © Economie Matin
5,4%Le déficit attendu en 2025 est de 5,4%.

Le 18 novembre 2025, l’Assemblée nationale a rejeté en première lecture le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025, texte clé pour verrouiller le budget de la France en fin d’exercice ; ce projet de loi, examiné en séance publique les 17 et 18 novembre, devait acter la baisse inattendue des recettes de TVA, ajuster des crédits sensibles comme ceux de France 2030 et confirmer la trajectoire de déficit public autour de –5,4 % du PIB, mais les députés ont infligé au gouvernement un revers rare sur ce type de texte budgétaire.

Ce que le projet de loi de fin de gestion changeait pour le budget de la France

Au cœur de ce projet de loi, le gouvernement expliquait vouloir procéder à des ajustements de fin d’année sans modifier la trajectoire globale du budget de la France ; cette catégorie de projet de loi de finances de fin de gestion, créée récemment, sert en principe à ouvrir ou annuler des crédits, à tenir compte de recettes fiscales révisées et à sécuriser le respect de la cible de déficit public, fixée ici à environ –5,4 % du PIB pour 2025 selon la note de présentation reprise par Contexte. Le projet de loi devait ainsi acter que le déficit visé restait inchangé, même si la dynamique des recettes, notamment de TVA, se révélait moins favorable que prévu.

Dans ce projet de loi, plusieurs mouvements de crédits étaient prévus afin de contenir l’impact de la baisse des recettes sur le budget de la France ; la ministre des Comptes publics insistait sur le caractère purement « technique » du projet de loi, assurant que les ouvertures et annulations ne venaient pas aggraver le déficit car elles étaient financées par la réserve de précaution, ainsi que l’a rapporté La Gazette des Communes.

Le projet de loi prévoyait notamment l’annulation d’environ 1,6 milliard d’euros sur le programme d’investissements France 2030, justifiée par un surplus de trésorerie sur ce dispositif, tout en ouvrant près de 190 millions d’euros de crédits supplémentaires pour des dépenses de sécurité en Outre-mer et la lutte contre les incendies. En parallèle, le texte prévoyait un allègement de l’ordre de 2,9 milliards d’euros de la charge de la dette grâce à la baisse des taux de la Banque centrale européenne, ce qui devait contribuer à stabiliser le budget 2025 de la France.

Pourquoi l’Assemblée nationale a rejeté le projet de loi sur la fin de gestion

Le rejet du projet de loi à l’Assemblée nationale marque d’abord un désaveu politique pour le gouvernement sur la manière dont il gère le budget de la France ; lors du scrutin final, 334 députés ont pris part au vote, 252 suffrages ont été exprimés, et le projet de loi a été rejeté par 145 voix contre 107, alors que la majorité absolue s’établissait à 127 voix. Ce résultat illustre une coalition de refus rassemblant plusieurs groupes d’opposition, qui ont dénoncé un budget présenté comme maîtrisé alors que les recettes d’impôt, en particulier la TVA, se dégradent. Pour tenter de désamorcer la critique, la ministre des Comptes publics a répété dans l’hémicycle que ce projet de loi était « un texte technique », selon l’AFP, mais cet argument n’a pas suffi à convaincre une Assemblée nationale méfiante face à l’ampleur des corrections demandées en fin d’exercice.

Ce rejet s’explique aussi par la fracture grandissante entre le discours du gouvernement sur le budget et la perception des députés face à la réalité économique de la France ; plusieurs élus ont dénoncé un projet de loi qui se contente d’ajuster des chiffres sans répondre à la crise des recettes fiscales. Le centriste Charles de Courson a estimé que « la tenue des objectifs de déficit repose partiellement sur des facteurs conjoncturels, des recettes fragiles et des économies aléatoires », d’après l’AFP, soulignant ainsi la fragilité des fondations du projet de loi. Le socialiste Philippe Brun a rappelé que « derrière ces chiffres, il y a des centaines de milliers, des millions même de Français qui n’arrivent plus à survivre », toujours selon l’AFP, accusant le budget 2025 de ne pas protéger suffisamment les ménages face à l’inflation et à la pression de l’impôt.

La TVA au cœur des critiques contre le projet de loi

La crise autour de ce projet de loi trouve son origine dans un trou béant sur la TVA, impôt pivot du budget de la France ; le budget 2025 tablait initialement sur environ 101,4 milliards d’euros de TVA pour la seule part revenant à l’État, soit une hausse d’environ 4,7 % par rapport à 2024, selon TF1 Info. Or, les dernières prévisions font apparaître un manque à gagner de l’ordre de 5 milliards d’euros sur cette part État et jusqu’à 10 milliards d’euros sur l’ensemble de la TVA, en intégrant la Sécurité sociale et les collectivités. Globalement, la TVA représente près de 200 milliards d’euros de recettes par an pour la France, ce qui en fait le premier impôt du système, mais elle se révèle cette année nettement moins dynamique que l’escompte du gouvernement, malgré une assiette qui progresserait d’environ 1,7 % en 2025.

Face à cette situation, le gouvernement a tenté d’utiliser le projet de loi pour ajuster le budget sans affoler les marchés ni les partenaires européens, mais la majorité relative a trouvé ses limites à l’Assemblée nationale.

L’exécutif a annoncé une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de la direction du Trésor pour analyser précisément les causes de la baisse de TVA, toujours selon TF1 Info, tout en soutenant, dans un autre projet de loi relatif au budget 2026, la création d’une taxe de 2 euros par article sur ces petits colis importés. Cette taxe, dont le rendement est évalué entre 500 et 600 millions d’euros par an, s’inscrit dans la même logique de réponse budgétaire à la défaillance des recettes d’impôt.

Quelles conséquences après le rejet du projet de loi pour le budget 2025 et les impôts en France

Le rejet du projet de loi ne suspend pas immédiatement le fonctionnement de l’État, mais il complique sérieusement la gestion du budget de la France en fin d’exercice ; tant que les crédits ouverts par la loi de finances initiale suffisent, les administrations peuvent exécuter les dépenses prévues, cependant les ajustements prévus pour 2025, comme les annulations sur France 2030 ou les ouvertures pour la sécurité et la lutte contre les incendies, restent bloqués.

Le texte a été transmis au Sénat en tant que « projet de loi rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée » et renvoyé à la commission des finances, selon le site du Sénat, mais le signal politique reste clair : la Chambre basse refuse de cautionner sans débat approfondi un ajustement budgétaire construit sur des recettes d’impôt jugées trop optimistes.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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